SOMMAIRE
ÉDITORIAL: Les déclarations « séparatistes » du M23 et la possible chute du «mythe de l’homme fort de Kigali »
1. LES NOUVELLES DU FRONT
2. LE PEUPLE CONGOLAIS CONTRE LES GROUPES ARMÉS ET LA BALKANISATION DU PAYS
a. la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO)
b. la Nouvelle Société Civile Congolaise (NSCC)
c. Le Parti National pour la Reforme (PNR)
3. LE RWANDA SOUS LA PRESSION DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
4. À PROPOS DE LA «FORCE INTERNATIONALE NEUTRE»
5. LE RWANDA ET LE M23: LE MÊME PROJET DE BALKANISATION DE LA R.D.CONGO
ÉDITORIAL: LES DECLARATIONS « SEPARATISTES » DU M23 ET LA POSSIBLE CHUTE DU «MYTHE DE L’HOMME FORT DE KIGALI »
1. LES NOUVELLES DU FRONT
Le 21 juillet, le ministre congolais de l’Intérieur a adressée au gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, une correspondance par laquelle il communique la fermeture de la douane de Bunagana, sous contrôle des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), à la frontière avec l’Ouganda. Les opérateurs économiques qui empruntaient cette voie sont priés de passer désormais, et jusqu’à nouvel ordre, par les postes frontaliers de Ishasha à Rutshuru, de Kasindi à Beni, ou de Grande et Petite Barrières à Goma. Cette mesure des autorités de Kinshasa est venue couper le M23 d’une importante source de revenus. Ce poste-frontière réalise en effet entre 500 et 700 mille dollars américains des recettes douanières mensuelles, d’après des sources de la Direction générale des douanes et accises (DGDA). Le M23 contrôle la localité de Bunagana, depuis le 6 juillet.
Cette décision oblige les commerçants à passer par le Rwanda pour acheminer leurs marchandises à Goma. Par conséquent, sur le marché de Goma, on assiste déjà à une hausse de prix de certains produits en provenance des pays d’Afrique de l’Est. Robert est venu s’acheter un jean dans ce quartier commercial de Goma, connu pour ses produits importés. Mais il constate que le prix de son pantalon préféré a augmenté de 4 dollars.
« Cela ne va plus depuis que l’on a fermé le poste frontalier et douanier de Bunagana. Un jean que nous achetions à 8 dollars, revient aujourd’hui à 12 dollars. Il y a une majoration de 4 dollars», dit-il. Les commerçants aussi se plaignent. Monsieur Kembo, leur président, affirme: «Le Rwanda exige des frais de transit. Cela revient à presque 156 dollars. A cela, s’ajoutent les frais d’autres documents administratifs. Au total, cela revient à 336 dollars par camion. On doit toujours faire une majoration».
Le 24 juillet, alors que la situation était calme depuis environ deux semaines, des affrontements à l’arme lourde ont repris tôt le matin entre les Forces armées de la RDC (FARDC) et les rebelles du M23 dans les villages de Kakomero et Mwaro, à plus ou moins 2 km de Kibumba, une position importante à une trentaine de kilomètres au nord de Goma, capitale provinciale du Nord Kivu. La société civile locale affirme que les milicien du M23 sauraient contourné les positions de l’armée régulière, en passant par les localités de Ngugo, Bisoko et Rwaza en groupement de Rugari, à plus de 40 km de Goma, chef-lieu de la province. Des hélicoptères des Nations unies sont aussi intervenus dans les combats. Cette intervention a été motivée par des « attaques contre des populations civiles », a déclaré Mamodj Mounoubaï, porte-parole de la Monusco. Selon des témoins, les forces gouvernementales auraient d’abord reculé jusqu’à environ un kilomètre de la ville de Kibumba, qui est le dernier verrou avant Goma. Ensuite, les FARDC ont réussi à déloger les rebelles de Rugari et ont progressé vers Rumangabo, 50 km de Goma, pour notamment assurer son contrôle.
Le 25 juillet, depuis le matin, des violents combats ont opposé les FARDC aux miliciens du M23 dans la cité de Kiwanja, 75 km de Goma, à Rutshuru-Centre et à Kalengera, 60 km de Goma, (Nord-Kivu). La Monusco a mis à contribution ses hélicoptères de combat pour appuyer l’armée régulière et ont pilonné les positions du M23 dans les collines surplombant les quatre localités (Kiwanja, Rutshuru-Centre et Kalengera).
Les FARDC ont repris le contrôle de la localité de Rumangabo, 50 km de Goma en territoire de Rutshuru au Nord-Kivu, après un jour d’occupation par le M23. En revanche, plusieurs sources sur place ont attesté que le M23 garde le contrôle de Kiwanja, Rutshuru-Centre et Kalengera.
Environ 2.000 personnes ont été obligées de fuir les zones de ces derniers combats.
Le 25 juillet, au cours de la conférence hebdomadaire des Nations unies au quartier général de la Monusco, le porte-parole militaire intérimaire de la mission onusienne, le commandant Thibaut De Lacoste a expliqué que le soutien de la Monusco aux Fardc dans les combats contre le M23, consiste dans un premier temps à la démonstration, avant de recourir à la force si les rebelles franchissent la ligne rouge. «Cette démonstration de force consiste en un survol bas de l’aéronef au-dessus des positions qui ont été identifiées et permet de passer le message selon lequel les individus au sol ont été repérés et qu’on peut les surveiller et suivre leurs évolution», a déclaré le commandant Thibaut De Lacoste. Il a indiqué que le deuxième pallier consiste à «tirer des fusées éclairantes qui sont un peu visibles». «Elles ont pour but de dire: attention, nous ne vous avons pas seulement vu mais nous sommes aussi capables d’ouvrir le feu sur vos positions», a-t-il précisé. Selon lui, les forces de la Monusco pourraient recourir aux munitions réelles dans le troisième pallier. «Les munitions réelles sont délibérément tirées à côté des positions visées. Le message est clair: nous vous avons vu, nous sommes non seulement capables de tirer mais aussi de vous avertir sur les effets éventuels de nos tirs si vous franchissez la ligne rouge», a expliqué le porte-parole militaire intérimaire de la Monusco qui a, toutefois, précisé qu’au cas où les rebelles persistent dans leur progression, des tirs directs ne sont pas à exclure.
Madnodge Mounoubai, porte parole de la Monusco, a précisé que «le 24 juillet, plusieurs concentrations du M23 ont été repérés dans un large périmètre autour de Rutshuru ainsi qu’entre Bukima et Ngugo en direction de Kimbumba où ces rebelles avaient lancé une attaque contre une position tenue par une unité des FARDC à Rawaza. Les attaques effectuées le 24 et 25 juillet par les forces de la MONUSCO contre les rebelles du M23 ne visaient pas à les neutraliser mais plutôt à les dissuader de progresser vers Rutshuru».
Selon plusieurs observateurs, les seules opérations de «dissuasion» seraient insuffisantes pour stopper l’avancée du M23 vers d’autres localités. Selon eux, il faudrait songer à des opérations plus fortes, capables de frapper directement des cibles militaires spécifiques. L’appui de la MONUSCO aux FARDC pourrait être beaucoup plus efficace si ses troupes, au moins quelques contingents, pouvaient agir avec un mandat propre à une force de imposition de la paix, sous les prérogatives du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui permet de faire recours à une force adéquate à la situation et proportionnée à la capacité de l’adversaire.
Le 25 juillet, dans un bulletin d’information, paru à Goma, la coordination provinciale de la société civile du Nord-Kivu accuse les militaires rwandais et ougandais d’avoir appuyé les rebelles du M23 sur les lignes de front Nyongera et Rutshuru-centre. Le coordonnateur de cette structure, Omar Kavota, a indiqué que «six véhicules de marque Fuso, en provenance de l’Ouganda, sont entrés en RDC, le week-end dernier, en passant par Kitagoma dans le groupement de Busanza, avec plusieurs militaires ougandais. Trois véhicules ont déposé des éléments de l’UPDF (l’armée ougandaise) à Nyarukwarangara, alors que trois autres les ont déposés à Kabira».
La société civile du Nord-Kivu a aussi affirmé avoir reçu des informations attestant que «les éléments de l’UPDF et de l’Armée patriotique rwandaise (APR) ont appuyé les rebelles du M23» sur les lignes de front Nyongera et Rutshuru-centre, plus particulièrement à Kiringa sur l’axe Kalengera.
«Nous avons des informations vérifiées en ce sens et la puissance de feu du M23 est en train de l’attester. Les informations que nous mettons à la disposition des autorités devaient être prises au sérieux. Aujourd’hui, nous faisons face à une agression rwando-ougandaise», a déclaré le coordonnateur de la société civile provinciale.
Cette structure a, par ailleurs, signalé l’infiltration de l’armée ougandaise dans le secteur de Rwenzori, dans la chefferie des Watalinga et Bashu, dans l’Est du territoire de Beni (Nord-Kivu).
2. LE PEUPLE CONGOLAIS CONTRE LES GROUPES ARMÉS ET LA BALKANISATION DU PAYS
a. la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO)
Le 21 juillet, lors d’une conférence de presse tenue au Centre Interdiocésain à Kinshasa, le Secrétaire Général de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), Mr l’Abbé Léonard Santedi, a communiqué les cinq actions arrêtées par l’Episcopat congolais, afin de traduire dans les faits le refus de l’Eglise catholique de la balkanisation de la République Démocratique du Congo, RDC, et de ramener la paix dans l’Est de ce pays. Il s’agit de :
1. un triduum de prière pour la paix, l’unité et l’intégrité du territoire du 31 juillet au 1er août 2012; 2. une marche de l’espérance le 1er août 2012;
3. une action caritative en faveur des populations sinistrées, victimes des affres de cette guerre;
4. une démarche de plaidoyer pour sensibiliser les décideurs au niveau national et international;
5. une visite pastorale de solidarité conduite par la Présidence de la CENCO avec les Evêques délégués des provinces ecclésiastiques dans les diocèses touchés par les conflits armés.
b. la Nouvelle Société Civile Congolaise (NSCC)
Le 25 juillet, au cours d’une conférence de presse, la Nouvelle Société Civile Congolaise (NSCC) a demandé à tous les Congolais d’observer une minute de silence tous les mardis à midi à partir du 31 juillet, en mémoire des toutes les personnes tuées lors des dernières guerres que la RDC a connues. Cette plateforme d’ONG a présenté un programme intitulé «Front commun des Congolais de lutte contre la balkanisation de la RDC» (FCCB). Elle a, par la même occasion, lancé l’opération Bayi Congo Batimbeli» (Les Congolais ont pu démasquer). Pour le président de la nouvelle société civile, Jonas Tshiombela, l’opération lancée par son organisation, vise la lutte contre la balkanisation de la RDCongo, l’agression de la RDCongo, l’exploitation illégale des ressources minières du pays et le trafic des armes en RDCongo
Cette opération vise également le rétablissement de la paix dans la partie Est du pays.
Jonas Tshiombela invite également tous les Congolais à produire le plus de bruit possible après la minute de silence. «Au bout de cette minute de silence, nous allons siffler, klaxonner et taper des casseroles pendant cinq minutes pour dire notre désapprobation à l’énième agression de notre pays et à sa balkanisation», explique-t-il. «Il s’agira pour le FCCB de mobiliser la population congolaise de se dresser, par des actions concrètes, pacifiques et citoyennes contre les multiples et injustifiées agressions de notre pays par un pays voisin, le Rwanda, utilisé comme marionnette par les grandes puissances et la maffia des multinationales», a conclu Jonas Tshiombela.
c. Le Parti National pour la Reforme (PNR)
Dans un communiqué de Presse N °13/2012/PNR, le Parti National pour la Reforme (PNR) condamne la guerre au Nord-Kivu sous toutes ses formes et compatit avec les familles qui ont perdu les leurs, et demande que la justice soit faite pour les milliers des congolais déplacés, violés et tués dans les cités de Rutshuru, Bunagana et aux environs. Il formule les recommandations suivantes:
1) Que le Gouvernement congolais dote les FARDC des moyens nécessaires et place à la tête de commandement militaire des hommes et femmes à la hauteur de la tâche.
2) Que le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Union Européenne, l’Amérique, la MONUSCO et la communauté internationale entière usent de leur influence sur le régime de Kigali de manière claire, sans équivoque et sans flatterie, afin qu’il retire ses troupes du Congo.
3) Que le gouvernement fasse preuve de bonne volonté politique pour défendre la patrie dans son Projet de Budget 2012 et 2013. Dans un pays en pleine guerre et toujours convoité par les voisins, la défense et la sécurité devraient être la grande rubrique budgétaire et non la bureaucratie ou administration centrale qui est de 30%, presque un tiers du projet de budget 2012.
4) Que le commandement de l’armée et le ministère de défense soient confiés à des Congolais qui maitrisent le problème des frontières nationales à l’Est.
5) Que le Gouvernement prenne des mesures sécuritaires à court, moyen et long terme pour consolider la paix durable en réformant l’armée et les services de sécurité et de renseignement pour la sécurisation des frontières et assurer ainsi la sécurité des congolais et de leurs biens.
6) Que le gouvernement prenne ses responsabilités en main en assistant socialement et médicalement de manière concrète les déplacés et les blessés de guerre plutôt que les abandonner seulement dans les mains des organisations humanitaires comme à l’accoutumé.
7) Que Bosco Ntaganda et ses lieutenants recherchés par la Cour Pénale Internationale (CPI) soient capturés et transférés sans condition à la CPI plutôt que continuer à les protéger.
8) Que cette guerre ne soit pas encore une autre façon de récompenser les criminels de guerre par des postes au gouvernement au lieu de les traduire en justice. Il ne faut plus accepter que ces guerres injustes qui, occasionnant chaque fois des milliers de pertes en vies humaines et des dégâts matériels, laissent la place à des négociations qui se soldent par l’intégration des bourreaux du peuple dans les institutions tant provinciales que dans le gouvernement central.
9) Que tous les congolais à travers le monde joignent leurs voix à celles des évêques catholiques et de la société civile du Nord-Kivu et Sud-Kivu par des marches pacifiques pour le retour de la paix et dénoncer ainsi cette énième tentative de balkanisation de la RDC.
10) Que les congolais collaborateurs des ennemis du pays qui comptent tirer profit dans le sang du peuple qui coule soient identifiés et traduits en justice.
3. LE RWANDA SOUS LA PRESSION DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
Le 21 juillet, à l’occasion de la fête nationale belge, l’ambassadeur de Belgique, Dominique Struye de Swielande, a déclaré, à Kinshasa, que «Le Congo est confronté à plusieurs défis importants, à commencer par le rétablissement de la paix à l’Est. La RDC a le droit et le devoir d’exercer sa souveraineté sur l’entièreté de son territoire». Avant d’ajouter: «Si le Rwanda proclame ne pas faire partie du problème, il doit incontestablement faire partie de la solution en cessant tout appui aux groupes armés». Au regard de la situation sécuritaire prévalant dans l’Est du pays, il a estimé que «la RDC devra, de son côté, poursuivre son effort de réforme du secteur de sécurité».
Le 22 juillet, les Etats-Unis ont annoncé d’avoir décidé de suspendre leur aide militaire au Rwanda en raison de son soutien au M23. Une porte-parole du Département d’Etat, Darby Holladay, a déclaré dans un communiqué que son ministère « ne pouvait plus continuer à fournir le financement approprié pour l’aide militaire (au Rwanda) durant l’année fiscale actuelle ».
Ces fonds, d’un montant de 200.000 dollars (164.000 euros) étaient destinés à financer une académie militaire rwandaise pour des officiers non gradés, a précisé la porte-parole. Ils vont désormais être réaffectés sur un autre pays qu’elle n’a pas nommé.
Washington «continuera» toutefois de contribuer à la formation de troupes rwandaises participant à des forces de maintien de la paix.
« Le gouvernement des Etats-Unis est gravement préoccupé par les preuves selon lesquelles le Rwanda est impliqué dans la fourniture d’un soutien aux rebelles congolais, dont le M23 », a ajouté Mme Holladay qui a par ailleurs indiqué que « les Etats-Unis ont agi activement aux plus hauts niveaux, pour demander au Rwanda de cesser son soutien au M23 », qui, selon elle, « menace de déstabiliser la région ».
Le Rwanda a contesté la décision des Etats-Unis, affirmant qu’elle reposait sur de mauvaises informations et factuellement fausses. « Comme nous l’avons dit depuis le début, le Rwanda n’est ni la cause, ni le complice de l’instabilité dans l’est de la RDCongo », a affirmé la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo.
Le 25 juillet, dans une interview accordée au journal britannique «The Guardian», Stephen Rapp, chef du bureau américain de justice pénal internationale, a déclaré que des dirigeants rwandais pourraient être poursuivis pour «aide et complicité» dans la commission de crimes contre l’humanité dans un pays voisin, «action similaires à celles pour lesquelles l’ancien Président Libérien, Charles Taylor, a été condamné à 50 ans de prison» par le Tribunal spécial pour la Sierra Léone. Par la voix de Stephen Rapp, les Etats-Unis ont ainsi averti les dirigeants rwandais que la Cour pénale internationale (CPI) pourrait ouvrir un procès contre le président Paul Kagame et son entourage pour leur soutien aux rebelles accusés de crimes contre l’humanité en République démocratique du Congo (RDC).
Pour Stephen Rapp, «Il y a une ligne, qu’on peut franchir en droit international et à partir de laquelle on peut être tenu pour responsable d’avoir aidé un groupe d’une manière qui a rendu possible la commission d’atrocités». Pour lui, «les preuves recueillies par le groupe d’experts des Nations Unies démontrant le soutien du gouvernement rwandais aux M23 et d’autres groupes armés, incluant, l’envoi d’armes et de troupes en RDC, exposent Kagame et d’autres officiels à des investigations pour crimes de guerre».
Les experts des Nations Unies avaient affirmé dans leur rapport du 26 juin 2012, détenir des « preuves accablantes indiquant que des officiers de haut rang des FDR, en leur qualité officielle, ont soutenu les rebelles en leur fournissant des armes, du matériel militaire et de nouvelles recrues » et avaient nommément cité, entre autres dirigeants rwandais, James Kabarebe, Ministre de la Défense et ancien chef d’Etat Major… de la RDC, Jack Nziza, Secrétaire permanent auprès du Ministre de la défense et ancien chef de la DMI [renseignements militaires rwandais] ainsi que Charles Kayonga, l’actuel chef d’Etat major rwandais.
Selon Stephen Rapp, l’initiative qu’entend mettre en œuvre les Etats-Unis marque un changement important dans l’attitude de Washington, qui s’est longtemps ancré sur l’inaction internationale en raison du génocide de 1994 ; argument maintes fois brandi par Kigali pour couvrir ses crimes dans l’Est de la RDC. La recette du génocide rwandais ne pouvant plus justifier tous les égarements et autres incursions militaires de Paul Kagame sur le territoire congolais.
Les Pays-Bas ont annoncé, à leur tour, la suspension de la dernière tranche de leur aide évaluée à 5 millions d’euros. C’est ce que rapporte le Financial Times qui cite un porte-parole du ministère néerlandais des Affaires étrangères. Selon le journal: «Les Pays-Bas ont décidé de suspendre leur aide budgétaire au Rwanda jusqu’à ce que ce dernier cesse de soutenir les rebelles dans la République démocratique du Congo». L’argent prévu par les Pays-Bas devait être utilisé pour améliorer le système judiciaire du Rwanda. Le porte-parole a déclaré que les Pays-Bas, de concert avec des partenaires de l’UE, vont déterminer leur position sur l’aide au développement en faveur du Rwanda sur la base de la réaction officielle de ce dernier au rapport d’experts des Nations unies, de même que sur «l’arrêt immédiat du soutien du Rwanda aux rebelles en RDC».
La Grande-Bretagne aussi a indiqué qu’elle pourrait retirer son soutien au président Kagame s’il est prouvé que son gouvernement est en train de financer les rebelles en RDC.
«Si le Rwanda a violé les résolutions du Conseil de sécurité en brisant l’embargo sur les armes des Nations unies, nous aurons besoin d’évaluer notre position», a confié au Financial times le porte-parole du Foreign Office et du Commonwealth.
Le peuple congolais souhaiterait que la mise en accusation de Paul Kagame puisse être une occasion de remonter jusqu’à la condamnation de vrais commanditaires de la tragédie au Congo. Cette condamnation devra être accompagnée d’une procédure de réparation en faveur de nombreuses victimes mais également pour l’environnement détruit à cause des affrontements armés
Le 27 juillet, le Royaume-Uni aussi a décidé de geler à son tour une partie de son aide au Rwanda et a annoncé qu’une aide de 25 millions de dollars avait été reportée, en attendant d’examiner si les conditions au versement de cette aide étaient remplies
Les pays scandinaves au conseil d’administration de la Banque africaine de développement ont également forcé le report d’une décision sur le versement de 39 millions de dollars d’aide budgétaire.
Le 28 juillet, le ministère allemand au Développement, Dirk Niebel, a indiqué que Berlin suspendait 21.000.000 euros (26 millions de dollars) de ses contributions au budget du Rwanda, planifiées à partir de cette année jusqu’en 2015. Le ministre allemand du Développement a déclaré, dans un communiqué, qu’il s’attend à une « coopération sans réserve » du Rwanda avec les experts de l’ONU.
4. À PROPOS DE LA «FORCE INTERNATIONALE NEUTRE»
Le 19 juillet, au sujet du déploiement d’une force internationale neutre chargée de neutraliser le M23, les FDLR et les autres groupes armés dans l’est du pays et de surveiller la frontière avec le Rwanda, le ministre congolais des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda, a déclaré qu’il est très important que cette force puisse se mettre en place très rapidement.
«Cette force internationale neutre est une voie qui peut conduire à la solution définitive et durable. Il s’agit d’une force internationale ouverte à tout le continent et au monde. Elle n’est pas une force régionale. La RDC et le Rwanda n’y participent pas», a-t-il ajouté.
«S’il s’avérait que, pour aller vite, il fallait utiliser la Monusco qui existe déjà sur place, nous serions prêts à ce qu’il en soit ainsi, (…) à condition que le mandat (de la Monusco) soit revu», a-t-il expliqué.
«Il faut que les règles d’engagement de la Monusco (…) permettent de donner à la force la réactivité nécessaire face à la menace telle qu’elle se présente aujourd’hui (…). Il faut qu’il y ait des troupes qui correspondent à la menace (…), à la tâche précise qui est assignée à cette force neutre, dont les soldats congolais et rwandais seront exclus», a précisé le ministre.
La mission onusienne pourrait donc se muer en une force d’intervention et d’imposition de la paix ou, à défaut, commander cette force internationale neutre proposée par les Chefs d’Etat au Sommet d’Addis-Abeba.
Selon M. Tshibanda, il pourrait s’agir d’un mécanisme spécial à l’intérieur de la Monusco, une sous composante, mais quelque chose d’autonome, chargé de réaliser cette double mission de neutraliser les groupes armés actifs dans l’est de la RDCongo et surveiller et protéger la frontière avec le Rwanda.
Le ministre a aussi révélé que «les mécanismes bilatéraux RDCongo – Rwanda pour la lutte contre l’insécurité dans l’Est de la RDCongo ont montré leurs limites». Et d’ajouter que «le centre conjoint de fusion des renseignements fonctionne déjà, mais, il faut renforcer le mécanisme conjoint de vérification qui va être ouvert aux autres Etats tels que le Kenya et l’Egypte».
Un nouveau sommet de la CIRGL convoqué les 6 et 7 août à Kampala doit préciser la composition et les modalités de déploiement de cette force.
Le 25 juillet, les députés libéraux européens Louis Michel et Guy Verhofstadt ont plaidé en faveur d’un renforcement des pouvoirs de la Monusco. Dans un communiqué, les deux anciens ministres ont demandé « la constitution immédiate d’une force internationale sous l’égide des Nations Unies avec un mandat renforcé fondé sur le chapitre VII », ont-ils indiqué dans un communiqué.
Cette force internationale serait constituée sur la base de la Monusco (Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC) déjà présente dans la région et à laquelle serait donné un mandat plus étendu. Selon M. Michel, également co-président de l’Assemblée parlementaire paritaire Afrique-Caraïbes-Pacifique-Union européenne, le mandat actuel de la mission est insuffisant. « Il faut mettre fin aux groupes armés qui opèrent dans la région. Il faut donc un mandat qui ne soit pas seulement de maintien de la paix mais qui permette à la Monusco de désarmer les groupes rebelles ou de leur répliquer, en appui des forces armées congolaises », a-t-il expliqué.
5. LE RWANDA ET LE M23: LE MÊME PROJET DE BALKANISATION DE LA R.D.CONGO
Le 13 juillet, Albert Rudatsimburwa, PDG de la radio rwandaise Contact FM, écrit sur Jeune Afrique: «Les mutins congolais n’ont pas besoin du Rwanda pour défaire les forces armées congolaises, accuser le Rwanda n’est qu’un prétexte et tout le monde le sait. Les mutins du M23 servent une cause légitime, en dépit de ce que prétendent l’envoyé spécial des États-Unis en RDC, les « experts » de l’ONU et quelques autres. Et tant que les causes profondes ne seront pas prises en compte et traitées par le leadership congolais, ils ne feront que précipiter l’effondrement de Kabila.
Toute solution militaire est suicidaire, une solution politique à la crise est la seule alternative qui vaille. Si Kabila ne comprend pas que la sécurité de toutes les communautés, y compris celle des rwandophones, doit être garantie en priorité et que les FDLR doivent être vus comme un menace pour les populations du Congo oriental, alors, à long terme, Kinshasa perdra les Kivus et probablement davantage. Le président Kabila combat contre son ombre, se tire une balle dans le pied, et crée les conditions de sa propre chute. Et rien ni personne ne pourra recoller les morceaux».
Le 18 juillet, Richard Sezibera, rwandais et Secrétaire Général de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) , répondant à une question de Jeune Afrique sur les objectifs de l’organisation, il répond: «D’abord, nous avons un projet d’union politique fort et clair, nous voulons devenir une fédération. Nous avons déjà prévu de bâtir simultanément une union fiscale, politique et monétaire. Les intégrations partielles marchent généralement mal: si vous vous limitez à un marché commun, personne ne voit d’urgence à s’investir dans le processus… Ensuite, nos dirigeants ont de vraies visions de développement… Enfin, ils ont très tôt fait confiance au secteur privé. L’EAC est le catalyseur de tout cela. Nous prenons un maximum de grandes décisions en commun, notamment dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures ou de l’environnement des affaires. La Communauté a ainsi permis de développer le commerce intrarégional. Les exportations chez les autres membres sont passées de 7,5 % en 2005 à 23 % l’année dernière, le taux le plus élevé en Afrique. Et les échanges portent essentiellement sur les branches à forte valeur ajoutée, telles que les services et l’industrie».
Répondant à une autre question de Jeune Afrique pour savoir s’il y avait des demandes de nouvelles adhésions à cette organisation, après avoir confirmé les candidatures du Soudan du Sud et de la Somalie, il affirme: «Certains responsables de l’Est de la RDCongo aussi nous ont fait part de leur intérêt, mais il n’y a eu ni candidature officielle ni vraies discussions».
Et pourtant, l’on sait très bien que les interlocuteurs officiels de toute organisation régionale ou sous-régionale ne peuvent être que les autorités étatiques du Congo au niveau national. Il y a donc lieu de s’inquiéter que l’EAC ait prêté l’oreille à «certains responsables de l’Est» jusqu’au point d’en faire état dans les médias, quoiqu’à travers une interview.
A la question suivante: «Il y a de nouveaux groupes rebelles et la RDC accuse le Rwanda d’être derrière l’un d’eux», Sezibera donne cette réponse: «Les deux pays continuent de débattre. Mais si la communauté internationale ne change pas de méthode en RD Congo, elle ne peut s’attendre à obtenir des résultats différents. Les problèmes fondamentaux de la RD Congo sont connus: questions de gouvernance, relations entre les différents groupes ethniques et présence des FDLR, qui, au-delà de leurs capacités militaires, propagent la haine et les divisions ethniques dans une région déjà fragile. Quand vous ajoutez à cela l’incapacité du gouvernement à gérer équitablement ses ressources, la persistance des difficultés n’est pas si étonnante».
Pour Sezibera donc, la solution à la crise de l’Est de la RDC se trouve au niveau régional, laissant croire que lorsqu’on implique les Africains pour résoudre les problèmes des Africains les résultats sont bien meilleurs. Ces propos de Richard Sezibera ne sont pas à prendre à la légère, surtout si l’on considère sa lecture des «causes profondes» de la crise à l’Est. Il les situe dans la gouvernance en général et la gestion des ressources naturelles de la RDC, les problèmes ethniques et la présence des FDLR. Bref, on croit entendre la voix du Rwanda dans cette lecture d’un responsable d’une organisation sous-régionale qui, manifestement, est-là en train d’être instrumentalisée par Kigali.
Le 21 juillet, au cours d’une conférence de presse à Bunagana, Jean-Marie Lugerero Runiga, qui se présente comme le Coordonnateur du «Mouvement du 23 Mars» (M23) a, à l’instar du président rwandais Paul Kagame et de la ministre rwandaise des Affaires Étrangères, Louise Mushikiwabo, réaffirmé que la guerre de l’Est était un problème congolo-congolais.
À propos de l’éventuel déploiement d’une «force internationale neutre» à la frontière congolo-rwandaise, il a affirmé que cette nouvelle donne ne résout rien. Comme pour disculper le Rwanda de Paul Kagame dans l’instabilité qui règne dans les provinces du Kivu, Runiga déplore que le régime de Kinshasa accepte de discuter avec les «pays voisins», tout «en ignorant les vrais acteurs sur terrain». Et d’ajouter: «Recourir à l’appui des troupes étrangères pour régler une crise interne aura toujours un caractère limité dans le temps et dans l’espace». Dans cette hypothèse, Runiga n’exclut pas que lui et ses « amis » recourent à des «stratégies alternatives» pour contraindre les autorités de Kinshasa à honorer les «engagements» contenus dans l’Accord de paix du 23 mars 2009 entre le gouvernement de Joseph Kabila et le CNDP.
Dans son discours, Runiga a égrené les griefs habituels articulés à l’encontre du régime incarné par «Joseph Kabila». Un régime au demeurant unanimement rejeté par la population. L’orateur cite notamment: la mauvaise gestion des affaires militaires, la mauvaise gouvernance, la prédation et la corruption. Mal gouverné depuis 52 ans par des régimes de prédation à répétition, sa situation s’est aggravée, selon le même dirigeant rebelle, avec l’organisation en 2006 et 2011 d’élections non libres, non démocratiques et non transparentes. Il a épinglé également le bradage des ressources naturelles nationales, à travers des contrats léonins qui occasionnent leur exploitation et leur commercialisation à vil prix par des «vautours » de tous bords, internes comme externes.
Il ajoute au passage les soupçons qui planent sur «des membres du clan présidentiel» d’avoir négocié la vente de l’uranium avec l’Iran ou la Corée du Nord. Et de souligner qu’«en lieu et place de s’occuper des affaires du pays, le régime actuel s’acharne à la destruction physique de l’opposition politique interne pour se pérenniser au pouvoir».
A l’en croire, la République Démocratique du Congo, dans sa configuration actuelle – à savoir 4 fois la superficie de la France, 80 fois celle de la Belgique et 90 fois celle du Rwanda- ressemble à un « non-Etat ». Poursuivant ce qu’il considère comme un état des lieux, Jean-Marie Lugerero a soutenu que «la classe politique ainsi que la classe dirigeante congolaises ne sont pas en mesure de gérer efficacement et correctement la RDCongo dans sa configuration actuelle», surtout à cause de «l’immensité du pays jointe à une gouvernance centralisée à outrance, dans laquelle le peuple n’est jamais consulté sur les choix politiques faits en son nom».
Il a conclu en disant que «Il faut donc oser innover profondément et radicalement». Innover en faisant quoi? Toute la question est là. Il s’est gardé de conclure que ce pays aux dimensions continentales ne mérite un sort autre que celui de son éclatement en micros Etats. Mais l’on a compris, à travers son insistance sur la non viabilité de la RDC dans ses dimensions actuelles, que te M23 s’est résolument inscrit dans la logique de la balkanisation, conformément à la mission lui assignée par son mentor, à savoir l’homme fort de Kigali. En lisant la déclaration de Runiga entre les lignes, le M23 semble remettre à l’ordre du jour l’idée défendue jadis par Walter Kansteiner, Sous-sécrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines au début des années 90. Cet officiel US était favorable à une «yougoslavisation» de l’ex-Zaïre sous le fallacieux prétexte que le pays était ingouvernable du fait de son immensité.
Runiga a sans doute oublié que la crise actuelle au Nord Kivu n’aurait pas eu lieu si:
– la Cour Pénale Internationale n’avait pas pris la décision de juger Bosco Ntaganda,
– le gouvernement n’avait pas décidé, en avril 2012, d’effectuer le transfert des troupes du CNDP dans des régions militaires autres que celles des deux Kivus,
– « Joseph Kabila » avait confié le poste de Premier ministre à une personnalité très connue du RCD ou s’il avait nommé quelqu’un du CNDP à un ministère quelconque au sein du gouvernement central,
– les élections à Masisi n’avaient pas été annulées, à cause justement de la violence perpétrée par des soldats du CNDP à proximité ou même à l’intérieur de certains bureaux de vote et si le CNDP avait pu obtenir quelques députés au niveau national.
Runiga n’a pas révélé les termes des possibles «accords» conclus avec la Majorité Présidentielle (MP), quand il avait rejoint cette plateforme en décembre 2010. Au lieu de parler des «accords du 23 Mars 2009», normalement (trop) respectés par le gouvernement, Runiga devrait plutôt parler de ces «accords du 13 décembre 2010». Il serait certainement plus honnête. Il devrait également mentionner ce que Bosco Ntaganda et Joseph Kabila se sont dit tout juste à la veille des élections de novembre 2011.
La crise actuelle au Nord Kivu a un arrière-goût maffieux.
Jean-Marie Lugerero Runiga oublie que la balkanisation de la RDCongo ne constitue surement pas la réponse que des millions de Congolaises et Congolais attendent face à leurs aspirations à la paix, à la démocratie, à la bonne gouvernance et au bien-être social.
Les vrais patriotes continueront à exprimer, avec force, leur volonté de vouloir vivre ensemble, dans un Congo uni, en dépit de ses faiblesses de tous ordres. Ils sauront se mobiliser contre l’agresseur à travers des manifestations diverses: prières, marches de colère, matinées politiques, meetings, collectes des fonds, messages de soutien aux compatriotes exilés dans leur propre pays, etc.
Selon Alain Bischoff, l’accord du 23 mars 2009, en intégrant les ex-CNDP, gang armé au service du Rwanda, dans l’armée nationale, leur a donné le contrôle du Kivu, de ses mines et de son armée.
Maladroitement, sans qu’il s’assure d’en avoir les moyens, le gouvernement congolais a essayé de reprendre un semblant de contrôle sur sa province de l’Est, après la «réélection» contestée de Kabila. Il a ainsi tenté de se débarrasser des officiers de l’ex-CNDP, intégrés dans les forces armées congolaises (FARDC), en voulant les affecter dans d’autres unités réparties dans toute la RDCongo.
Cette tentative régalienne de Kinshasa était déjà plus que n’en pouvait supporter le Rwanda de Kagame, toujours avec son idée de mettre la main sur le Kivu qu’il considère comme sa réserve de profits et de territoire, lui qui étouffe, dans ses exigus 20 000 km² dépourvus de ressources naturelles. Sans le Kivu et ses richesses, le Rwanda n’est pas un État viable et n’a aucun avenir autre que de finir, un jour, en sous-province congolaise.
Les Rwandais ont donc suscité la rébellion dite du « M23 » (23, en rappel de l’accord du 23 mars 2009), activée depuis le 30 avril 2012, l’entraînant, l’encadrant, la finançant et l’armant, comme l’établit un rapport de l’ONU (juin 2012). Ce faisant, ils ravivent une guerre qui n’a, en réalité, jamais cessé depuis 1996. Les centaines de milliers de déplacés, les villageois du Kivu, n’ont jamais connu autre chose que la peur, le malheur et la mort. Ils savent, mieux que personne, que la paix n’existe pas dans leur province.
L’État congolais est inexistant au Kivu, ses forces armées, corrompues, sont d’une insigne faiblesse, cela explique pourquoi le «M23» (700 hommes au départ, 2.000 aujourd’hui grâce au renfort rwandais) commandé depuis peu, sur ordre de Kigali, par Sultani Makenga, lequel a pris la suite de Ntaganda, tombé en disgrâce —ce criminel est devenu trop compromettant pour le Rwanda —, peut aussi facilement se rendre maître d’un poste frontière important (celui de Bunagana, les 7 et 8 juillet), de la ville de Rutshuru (au Nord-est de Goma) — qu’il quitte avec la même aisance qu’il eût à l’investir —, et menacer la capitale régionale, Goma.
Toutefois, le Rwanda ne donnera pas l’ordre au «M23» de prendre Goma, car il ne veut pas d’une telle guerre dont la «communauté internationale», très silencieuse jusque-là, le tiendrait pour responsable, et dont l’effet serait de priver la petite Prusse des Grands Lacs de la manne financière qu’elle lui octroie avec une générosité coupable depuis l’arrivée au pouvoir de Kagame.
Ce que le Rwanda veut, et qu’il finira bien par obtenir — n’a-t-il pas toujours obtenu ce qu’il a voulu des autorités de Kinshasa ? —, c’est encore un peu plus de mainmise sur le Kivu, jusqu’à la rendre irréversible. Quant au gouvernement congolais, il est bien incapable de mener une guerre dont, à la vérité, il ne veut pas non plus, étant plus intéressé par la captation de la rente minière et pétrolière de la Province. Probablement, le problème conjoncturel du «M23» finira par se résoudre au prix de renoncements supplémentaires au profit du Rwanda.
Se laver les mains du problème «M23» en imaginant confier sa solution au déploiement d’une force internationale, est une faute. Agir de la sorte revient à «neutraliser» le Kivu, en l’internationalisant et c’est, pour la RDC, reconnaître, au vu et au su du monde, qu’elle abandonne toute idée de souveraineté sur la province.
La seule solution, connue depuis longtemps, est tout autre : il appartient au gouvernement congolais de mobiliser sans tarder les instances internationales pour qu’elles agissent effectivement, non en déployant une autre force internationale dont l’inefficacité s’ajouterait, à coup sûr, à celle de la Monusco, mais en s’adressant au Rwanda, directement, car tout vient du Rwanda: le « M23 » est sa création, l’instabilité chronique au Kivu est son œuvre. Le Rwanda doit être contraint, une fois pour toutes, de changer sa politique dans la région des Grands Lacs en général et vis-à-vis de la RDCongo, en particulier. C’est à cette seule condition qu’on retrouvera la paix.