Congo Actualité n. 156

SOMMAIRE

ÉDITORIAL: Un nouveau piège tendu à la RDCongo? Alerte maximale!

1. DES NOUVELLES DU FRONT

2. LE M23, VRAIE REBELLION OU POUDRE AUX YEUX?

3. LES DÉCLARATIONS DES PARLEMENTAIRES DU NORD KIVU

4. LES DÉCLARATIONS ET PROPOSITIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

5. LES RÉACTIONS DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

6. LA PROPOSITION D’UNE NOUVELLE «FORCE INTERNATIONALE NEUTRE»

 

ÉDITORIAL: UN NOUVEAU PIEGE TENDU A LA RDCONGO? ALERTE MAXIMALE!

 

1. DES NOUVELLES DU FRONT

Le 11 juillet, le M23 a annoncé dans un communiqué qu’il se dotait d’une branche politique. A cette occasion, Jean-Marie Rugenera a été nommé coordonnateur politique du M23. La branche politique dont s’est doté le M23 viendrait lui conférer un caractère politico-militaire à peu près similaire à celui de toutes les autres rébellions pro rwandaises qui ont précédé (AFDL, RCD, CNDP). Jean-Marie Rugenera avait appartenu à ces rébellions.

Le général de brigade Lucien Bahuma a été nommé nouveau commandant de la 8è région militaire du Nord Kivu, en remplacement du général Vainqueur Mayala, affecté à la 2è région militaire au Bas-Congo. Auparavant, Lucien Bahuma était le commandant de la 5e Région militaire, au Kasaï-Oriental.

Le 12 juillet, des hélicoptères de combat de la Monusco et des Fardc ont tiré sur des positions des mutins du M23 situées dans la zone de Nkokwe et Bukima, à environ 50 km au nord de Goma, la capitale du Nord-Kivu, parce que ceux-ci progressaient vers le sud, en direction de Goma, a précisé le porte-parole de l’ONU Martin Nesirky. Les hélicoptères de la Monusco «ont tiré des roquettes et des missiles pour les empêcher de progresser davantage et protéger la population», a ajouté M. Nesirky.

Le 13 juillet, les mutins du Mouvement du 23 mars (M23) ont qualifié d’ »inacceptable » le retour de l’armée congolaise dans les villes qu’ils avaient prises avant de s’en retirer.

Le M23 «regrette le retour» des FARDC à Kiwandja et Rusthsuru, «après que nos forces avaient remis ces localités à la police nationale congolaise et au contingent de la Mission de l’ONU en RDC (Monusco)», écrivent les rebelles dans un communiqué. «Cet acte de provocation est un défi lancé contre nos forces», est-il ajouté. Le M23 considère cet acte comme une offensive militaire engagée (…) contre ses positions. Les mutins demandent aux FARDC de quitter « sans délai » ces villes, «faute de quoi elles seront rendues responsables de toutes les conséquences relatives à leur présence dans ces entités». «Si leurs forces sont là-bas, nous allons reprendre ces villes», a affirmé le porte-parole du M23, le lieutenant-colonel Vianney Kazarama.

Le 13 juillet, le porte-parole militaire au Nord-Kivu, Olivier Hamuli a indiqué que plus de cinq cents soldats des FARDC et éléments de la Police nationale congolaise (PNC), qui avaient trouvé refuge en Ouganda après les combats avec le M23 à Bunagana, ont regagné la RDCongo depuis le mercredi 11 juillet via la frontière de Kasindi, entre la RDC et l’Ouganda, en territoire de Beni. Les autorités ougandaises ont restitué tout l’équipement militaire que détenaient ces hommes à leur arrivée sur leur territoire, selon les mêmes sources.

Le 14 juillet, dans le cadre du programme DDRRR (Désarmement, démobilisation, rapatriement, réinsertion et réintégration), la Monusco a accompagné à la frontière rwandaise vingt-neuf combattants de nationalité rwandaise qui ont combattu dans les rangs du M23 contre les FARDC.

Les officiers de la police des frontières rwandaise n’ont accepté que le retour de sept éléments des FDLR et ont refoulé les vingt-deux autres combattants. Ils ont demandé que ceux qui ont combattu au sein du M23 soient remis au gouvernement congolais, car «le M23 n’existe pas au Rwanda».

Le 15 juillet, les rebelles du M23 ont encerclé le village de Kabaya, avant de rassembler les jeunes capables de combattre. Des sources locales indiquent que près de cinquante jeunes hommes ont été enrôlés de force. Les notables de plusieurs villages des groupements de Jomba et Busanza au Nord-Kivu affirment que les rebelles du M23 procèdent au recrutement forcé des jeunes vivant dans les villages qu’ils contrôlent.

2. LE M23, VRAIE REBELLION OU POUDRE AUX YEUX?

Le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole du M23, donne la liste des principales revendications de son mouvement: «Nous demandons au gouvernement de la RDCongo de fournir des efforts pour l’éradication des forces négatives à l’Est, notamment les FDLR. Nous demandons le retour de tous les Congolais réfugiés, vivant à l’extérieur du pays, en exil; la reconnaissance des grades formels de tous les officiers des groupes armés et ceux du CNDP en particulier, l’intégration politique des membres du CNDP au sein du gouvernement central». A cette liste de revendications, le porte-parole du M23 ajoute les conditions sociales des populations. «Les Congolais vivent dans des conditions inhumaines, les médecins et les enseignants sont dans la misère, sans parler des conditions des militaires, leurs enfants n’étudient pas. Nous étions dans une armée sans moyens suffisants et sans salaire», affirme le lieutenant-colonel Vianney Kazarama. «Nous revendiquons aussi la bonne gouvernance et le respect de la vérité des urnes. Il faut que la RDC se dote d’une démocratie libre et crédible. On ne peut pas développer un pays sans la démocratie», explique le porte-parole du M 23.

Paradoxe. Come les rébellions précédentes dans cette région, que ce soit le FPR de 1990, le RCD-Goma, le CNDP, le M23 aussi recourt à l’art d’impressionner l’opinion publique, nationale et internationale, en se présentant comme des «combattants de la liberté» défendant les bonnes causes, comme les droits de l’homme ou la démocratie… pour légitimer leur lutte armée.

– Selon l’art. 1.1 des accords du 23 mars 2009, «le CNDP confirme le caractère irréversible de sa décision de mettre fin à son existence comme mouvement politico-militaire, il s’engage à se muer en parti politique et à poursuivre dorénavant la quête de solutions à ses préoccupations par des voies strictement politiques et dans le respect de l’ordre institutionnel et des lois de la République». Mais plusieurs de ses membres ont opté pour quitter la coalition politique de la Majorité Présidentielle ou démissionner de leur poste au sein du Gouvernement provincial du Nord Kivu pour rallier le M 23 et déclencher une nouvelle guerre.

– Alors que le M23 dit lutter pour le retour des réfugiés en RDCongo, il a cependant engagé des combats contre l’armée congolaise, jetant encore plus de personnes sur les routes, des populations qui fuient les affrontements.

– Exiger de mettre fin au phénomène des FDLR, alors que c’est Kigali qui les maintient artificiellement en vie, est absurde. Des centaines de combattants hutus des FDLR que la MONUSCO et les FARDC rapatrient au Rwanda chaque mois, sont aussitôt renvoyés en RDCongo pour combattre sous d’autres appellations. Le maintient du «mythe FDLR» au Kivu sert les intérêts du Rwanda et lui sert de prétexte pour intervenir quand et où il veut au Congo. C’est pourquoi les militaires issus de l’AFDL, du RCD, du CNDP et, maintenant, ceux du M 23 ne veulent pas s’éloigner de la frontière entre la RDC et le Rwanda.

– «Lorsque le M23 parle des militaires impayés, ce sont eux qui ont été des commandants des grandes unités dans la région. Ce sont eux qui s’occupaient de la solde des militaires qu’ils détournaient ainsi que les munitions. Les vraies raisons de leur mutinerie sont ailleurs.», explicite le colonel Olivier Hamuli, porte-parole de FARDC à Goma.

– Le M23 est «est formé par des ex-éléments du CNDP. Ce n’est donc pas un nouveau groupe armé. En réalité, il est une émanation du CNDP», raconte Achraf Sebbahi, chargée de mission au Programme Afrique d’Amnesty International pour la RDCongo.

Il faut signaler que Bosco Ntaganda «contrôlait plusieurs unités dans la région Est du Congo. Il a ainsi réussi à faire que certains éléments du CNDP accèdent à des positions clés dans l’armée congolaise dans la province du Nord et du Sud-Kivu. L’annonce de la création du M23, nouveau groupe armé, faisant référence aux accords du 23 mars 2009 n’est en réalité qu’un moyen de cacher l’existence réelle de la branche armée du CNDP qui était restée intacte, malgré son intégrations dans l’armée nationale», croit savoir Achraf Sebbahi.

Une source locale, affirme qu’«en réalité, le M23 n’existe pas. Les M23, ce sont des militaires venus du Rwanda installés au Congo depuis longtemps et qui ont été intégrés dans les FARDC. Ils ne travaillent pas pour la RDCongo».

– Fin mars-début avril, sous la pression de la Communauté internationale et d’autres ONG internationales de défense des droits de l’homme (Human Rights Watch, Amnesty international, etc.), le gouvernement congolais a commencé à traquer le général Bosco Ntaganda, recherché par la CPI. Pourtant, dans l’accord du 23 mars 2009, à l’art. 3.1, le gouvernement congolais et le CNDP avaient convenu d’une loi d’amnistie qui devait couvrir la période de juin 2003 jusqu’à la date de la promulgation de cette loi. Donc, il n’était pas prévu de poursuites éventuelles.

Dès cette opération contre le général Bosco Ntaganda, une peur a envahi d’autres éléments ex-CNDP qui bénéficiaient de la loi d’amnistie. «Beaucoup d’éléments Cndp ont craint non seulement de perdre leurs privilèges (dans les trafics et l’exploitation des ressources naturelles à l’Est du Congo) par rapport aux postes de responsabilité qu’ils occupaient, mais aussi d’être poursuivis pour leur passé criminel, notamment dans les violations des droits de l’homme», décrypte Achraf Sebbahi. C’est visiblement cet accord d’amnistie qui est pointé du doigt du côté du M23.

– En outre, selon Kris Berwouts, ancien directeur d’Eurac, (réseau européen pour l’Afrique centrale), dans la tentative de démanteler la chaîne de commandement parallèle, qui était incarnée par le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) et qui était demeurée intacte, en avril 2012, on avait commencé à muter vers d’autres provinces, dont le Katanga, des militaires tutsis qui, jusque là, n’avaient pas voulu quitter le Kivu. Le problème est que, en voulant réduire «l’armée dans l’armée», Kinshasa a franchi une ligne rouge. Le déclencheur de la guerre du M23 c’est la volonté manifestée par le gouvernement de vouloir démanteler les structures parallèles au sein de l’armée congolaise.

3. LES DÉCLARATIONS DES PARLEMENTAIRES DU NORD KIVU

Le 13 juillet, les députés du Nord-Kivu, après avoir constaté que la situation sécuritaire actuelle dans leur province est «préoccupante, critique, dramatique» et qu’elle se dégrade de jour en jour, particulièrement après la prise de trois localités (Jomba, Bunagana, Rutshuru) par les mutins du M23, demandent au président Joseph Kabila de «procéder au changement de toute la chaine de commandement de l’Armée, de la police et des services de sécurité, responsables de la débâcle actuelle» dans leur province et de «revoir la politique d’affectation des militaires sur l’ensemble du territoire indépendamment de leur appartenance tribale».

Le rapport des experts onusiens sur la situation sécuritaire dans les provinces du Kivu ayant prouvé l’implication de l’armée rwandaise aux côtés du M23, les députés nationaux du Nord-Kivu ont recommandé au gouvernement congolais de «déposer une plainte contre le Rwanda auprès du Conseil de sécurité des Nations Unies». L’objectif visé est que «le Rwanda cesse de servir de terrain de conception, de financement, de recrutement et de base arrière du M23 et de tout autre mouvement de déstabilisation de la RDCongo».

Le gouvernement est aussi exhorté à «rejeter toute idée de négociation avec le M23 et les autres groupes armés responsables de la dégradation de la situation sécuritaire au Nord-Kivu et dans toute la partie Est du pays».

Aux cours et tribunaux de la RDC, les députés du Nord-Kivu ont recommandé de «poursuivre et sanctionner les militaires présumés auteurs de trahison, d’affairisme et de détournements de la solde des militaires et d’enrichissement illicite sur le dos de leurs subalternes».

Ils recommandent aussi des «poursuites judiciaires contre les acteurs politiques et autres leaders présumés auteurs de trahison et de complicité avec l’ennemi».

Ils attendent de la population du Nord-Kivu de «rester vigilante, unie et sereine, de continuer à soutenir les FARDC et de ne pas céder aux discours haineux et divisionnistes». Ils demandent à l’ensemble des Congolais de «rester solidaire de leurs compatriotes du Nord-Kivu et de l’Est de la RDCongo» et aux jeunes de «ne pas se faire recruter ou manipuler par des acteurs politiques en mal de positionnement».

Ils appellent, enfin, la Monusco à «appliquer réellement le Chapitre VII de la Charte des Nations unies s’agissant de la protection des populations civiles».

4. LES DÉCLARATIONS ET PROPOSITIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

Le 09 juillet, les organisations de la société civile du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ont adressé au représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies en RDCongo (Monusco), Roger Meece, une lettre ouverte par laquelle elles expriment leur frustration et celle des populations locales devant cette nouvelle guerre injuste et inutile leur imposée par le Rwanda.

«Nous tenons avant toutes choses à féliciter la MONUSCO pour avoir eu pour la première fois depuis sa présence en RDCongo, le courage de dénoncer, malgré les pressions, l’implication directe du Rwanda dans la guerre actuelle. Il faut en tirer sur le plan du droit international toutes les conséquences, en particulier, exiger le retrait immédiat et sans conditions des troupes rwandaises et infliger au Rwanda des sanctions appropriées.

La guerre actuelle est encore une fois le résultat de la conspiration du Rwanda contre la République Démocratique du Congo. L’invasion de la RDC par le Rwanda, en violation du droit international public et de la charte des Nations Unies et des peuples, mérite une attention particulière. Cependant, notre grande frustration et celle de nos populations est la manière dont la mission des Nations Unies se comporte depuis des années chaque fois qu’une crise pareille se présente.

La MONUSCO hésite d’utiliser ses prérogatives inscrites dans le chapitre VII. Depuis plus de 14 ans maintenant, il y a disproportion non justifiable et inacceptable entre le nombre des troupes des Nations Unies en RDC et son incapacité à protéger les populations civiles qui encore aujourd’hui sont dispersées à coups de canon, fuient dans tous les sens et exposées à la pluie et au froid du Kivu montagneux.

Cette pratique désormais courante du Rwanda d’envahir directement ou par procuration l’Est de la RDC n’est pas la première. Et à chaque fois, la mission des Nations Unies se comporte de la même façon, se limitant à des opérations symboliques sans impact réel sur les évènements.

Nous, Organisations de la société civile, ne pouvons plus comprendre ni accepter qu’avec 17000 casques bleus, des Nations Unies ne puissent pas appuyer efficacement les FARDC face à l’agression du Rwanda. Nous ne pouvons ainsi comprendre comment avec les unités spéciales népalaises, pakistanaises, les hélicoptères de combat, les chars…, vous n’apportez pas suffisamment d’appui aux FARDC.

Si la situation continue, notre peuple sera dans l’obligation de se prendre en charge. Prenez donc vos responsabilités. Arrêtez l’invasion des troupes rwandaises, car la patience de notre peuple a atteint ses limites. Nous gardons confiance aux Nations Unies. Nous gardons malgré tout confiance à la MONUSCO et savons qu’elle peut faire beaucoup plus qu’elle ne fait aujourd’hui. Nous attendons d’elle une action rapide et conséquente».

Le 12 juillet, à Kinshasa, les Chefs des Confessions religieuses de la RDCongo ont présenté et signé une pétition intitulée: «Le peuple congolais exige la répression des crimes commis par le Rwanda en République Démocratique du Congo».

Signée par tous les représentants des confessions religieuses bien connues au Congo, à l’instar des églises catholique, orthodoxe, protestante, islamique, salutiste, kimbanguiste, des églises de réveil et indépendantes…, la pétition est adressée au Secrétaire général des Nations unies, au Conseil de Sécurité ainsi qu’aux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Dans la pétition, les confessions religieuses notent que, au cours des deux dernières décennies, l’on a enregistré des violations massives des droits de l’homme, millier des femmes violées et plus de six millions des RD-congolais ont perdu la vie, laissant derrière eux des milliers de veuves et d’orphelins. Ces mêmes crimes, lit-on dans la pétition, continuent aujourd’hui à se perpétrer suite à l’invasion actuelle confirmée par le rapport du Panel des experts des Nations-Unies, qui cite le Rwanda comme pays qui soutient les rebelles du M23, le rendant de ce fait, selon ces chefs religieux, responsable de la situation qui prévaut à l’Est de la RDC.

Dans cette pétition, les responsables religieux de la RDC se disent «opposés à toutes formes de négociations avec les éternels criminels ainsi qu’à toute tentative de balkanisation du territoire national de la RDCongo». Ils exigent, entre autres, «la mobilisation des Forces de la MONUSCO pour appuyer les FARDC, afin d’arrêter une fois pour toute l’invasion de la RDCongo, le pillage de ses richesses et le viol de la femme congolaise».

Parlant au nom du peuple congolais, ils exigent «la répression des crimes commis par le Rwanda en RDCongo et l’arrestation de tous les criminels cités nommément dans les différents rapports des Nations Unies et recherchés par la justice internationale».

Ils exigent dans le même document «le rejet de la candidature du Rwanda au poste de membre non permanent du Conseil de sécurité de l’Onu pour le compte de l’Afrique, pour violations récurrentes de la Charte de l’ONU». Enfin, les chefs religieux «rejettent toute idée de négociation avec le Rwanda dont l’agression contre le Congo est avérée».

5. LES RÉACTIONS DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

Le 9 juillet, en séjour à Kinshasa, l’ambassadeur Barrie Walkley, conseiller spécial du département d’Etat américain pour les Grands Lacs, avec siège à Kigali (Rwanda), a affirmé que «le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique est vraiment préoccupé par les événements dans le Kivu» et que « tout soutien du Rwanda au M23 et à tous les autres groupes armés doit cesser». Pour l’émissaire américain, si des militaires rwandais sont sur le territoire congolais, ils devraient partir immédiatement. «Ça c’est clair, c’est le message que nous avons transmis au gouvernement rwandais», a-t-il précisé. L’homme d’Etat américain a déclaré que son gouvernement reconnaît l’urgence de la question. «Nous discutons au sein du gouvernement américain de ce qui pourrait être disponible pour faire pression sur le Rwanda. Aussi, on discutera avec nos alliés de la communauté internationale des mesures qu’on pourra prendre ensemble contre le Rwanda», a t-il souligné.

Pour bon nombre d’analystes politiques le meilleur moyen que Washington peut recourir pour faire pression sur Paul Kagame est de lui couper les vivres. Le Rwanda reçoit à titre de l’aide au développement de millions de dollars américains. En réduisant cette enveloppe ou en la supprimant tout simplement, Kagame pourrait renoncer à ses visées hégémonistes sur la RDCongo.

Le 10 juillet, le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies en RDCongo (Monusco), Roger Meece, a déclaré devant la presse à Kinshasa que «il y a beaucoup d’informations du soutien et d’une implication du Rwanda [dans la mutinerie du M23]. C’est une situation inacceptable qu’il faut immédiatement arrêter». Sans affirmer avec évidence ce soutien du Rwanda aux rebelles du M23, Roger Meece dit se référer au rapport des experts des Nations Unies et à quelques indices pour confirmer l’appui extérieur aux rebelles du M23. Il cite notamment:

  • Les tenues militaires des rebelles du M23 qui sont différentes de celles des FARDC,
  • La présence des ex-CNDP dans les rangs des rebelles du M23,
  • Les rebelles du M23 sont très bien équipés et approvisionnés,
  • Des tactiques des combats comme des attaques nocturnes qui sont différentes de celles des FARDC.

Il a ajouté que la Monusco a reçu quelques ex-combattants du M23 qui ont confirmé le soutien du Rwanda aux rebelles et la présence des éléments de RDF (les Forces de la défense du Rwanda).

D’un ton ferme, Roger Meece a condamné toutes les actions militaires des rebelles du M23 et les appelle à «cesser immédiatement» toutes les exactions au Nord-Kivu.

Répondant à une question de la presse relative au plan de balkanisation de la RDC, Roger Meece a déclaré: «Le sentiment des Congolais contre toute tentative de sécession de leur pays est très important. La Communauté internationale et la Monusco sont contre toute tentative de scission de la RDC. Toute tentative de diviser le territoire national congolais n’est pas quelque chose d’acceptable».

Le 11 juillet, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a appelé les présidents rwandais et congolais pour tenter de «trouver des mesures possibles pour résoudre la crise» provoquée par la rébellion en RDCongo. M. Ban a demandé à Paul Kagame et Joseph Kabila de «poursuivre le dialogue afin de réduire les tensions et mettre fin à la crise», a précisé le porte-parole de l’ONU, Martin Nesirky. M. Ban a exprimé aux deux présidents «sa grande inquiétude devant les informations selon lesquelles les rebelles du M23 reçoivent une aide extérieure et sont bien armés, entraînés et équipés», a ajouté M. Nesirky. Le secrétaire général a aussi souligné la «nécessité de tout faire pour dissuader le M23 de continuer à gagner du terrain et pour mettre fin aux combats immédiatement».

Le 11 juillet, dans une déclaration de la haute représentante Mme Catherine Ashton, l’Union Européenne se dit très préoccupée par la situation qui se détériore rapidement dans l’Est de la RDCongo suite à la dissidence du mouvement rebelle M23.

L’UE est vivement préoccupée par les conclusions, désormais publiques, du rapport du groupe d’experts du Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies indiquant qu’un certain nombre de hauts responsables rwandais sont impliqués dans le soutien apporté aux groupes rebelles congolais, y compris aux mutins du mouvement M23.

L’UE accueille favorablement l’invitation faite par le Rwanda au groupe d’experts des Nation unies de procéder à une revue approfondie des informations contenues dans le rapport des Nations unies. L’UE appelle le Rwanda à cesser tout soutien aux groupes armés de l’Est de la RDCongo, ainsi qu’à enquêter en profondeur sur les questions soulevées par le rapport du Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies et ses annexes et à y apporter une réponse constructive.

L’UE soutient le dialogue en cours entre la RDC et le Rwanda, qui vise à mettre un terme à la mutinerie du M23 et à poursuivre la lutte contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Elle encourage des mesures de confiance entre la RDC et le Rwanda, telles que les mécanismes conjoints de vérification. Considérant qu’une approche régionale est également importante, elle salue la réunion ministérielle de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) qui se tiendra le 11 juillet, à Addis-Abeba.

La stabilité durable à l’Est de la RDC ne peut pas se fonder uniquement sur l’action militaire.

L’UE demande donc instamment à Kinshasa et Kigali de contribuer à une solution politique et de s’attaquer aux sources régionales et locales de l’instabilité. Tout en soutenant la souveraineté de la RDC sur son territoire, elle appelle aussi la RDC à assumer une responsabilité accrue en établissant pleinement l’autorité de l’Etat dans les provinces des Kivu. À cet égard, la réforme du secteur de la sécurité, notamment de l’armée congolaise, ne doit pas être plus longtemps retardée.

Les développements actuels ne profitent à aucun des deux pays ni à leurs populations. C’est la responsabilité de la RDC et du Rwanda d’assurer une paix durable dans la région.

Depuis le déclenchement des hostilités par le M23, tout semble indiquer que la RDC se retrouve seule tandis que le Rwanda qui est le concepteur de ces troubles est subtilement épargné des sanctions dues à la hauteur de son acte. Pour preuve, les déclarations de condamnation faites à l’ONU par certaines grandes puissances mondiales sont simplement verbales. Là-bas on se contente de dénoncer le soutien de Kigali à la bande de Makenga Sultani sans aller au fond de la question. Aucune solution concrète n’est votée dans le sens de sanctionner ce pays pour son rôle néfaste et de mettre définitivement fin à cette guerre ignoble. Or, si on ne s’attaque pas aux motifs réels du conflit, le reste n’est que diversion. Pour ce qui se passe dans l’Est de la RDC, aussi longtemps que Paul Kagame présidera aux destinées du Rwanda et qu’il continue à faire des FDLR un prétexte pour défendre ses intérêts au Kivu, il créera toujours des troubles dans les régions frontalières entre la RDC et son pays. Il faut qu’il y ait des dirigeants courageux pour le dissuader de sa folie meurtrière et lui imposer la voie de la paix. Tant qu’on n’en arrivera pas là, l’homme «fort» de Kigali constituera toujours un problème pour la RDCongo.

Le 13 juillet, la Cour Pénale Internationale (CPI) a lancé des mandats d’arrêt contre les deux principaux responsables des violences dans les Kivu, un ancien général des FARDC, Bosco Ntaganda et le commandant suprême des rebelles des FDLR, Sylvestre Mudacumura.

Les juges de la CPI ont délivré un mandat d’arrêt contre Bosco Ntaganda, 41 ans, pour trois chefs de crimes contre l’humanité, notamment meurtres et viols, et quatre chefs de crimes de guerre, commis dans les Kivu en 2002-2003. Il faisait déjà l’objet d’un mandat d’arrêt pour enrôlement d’enfants soldats lancé en 2006.

Le porte-parole de la CPI a tenu à rappeler que «la prérogative d’arrêter un suspect ne revient pas à la Cour pénale internationale, mais plutôt à l’Etat partie».

Les juges ont également lancé un mandat d’arrêt, pour neuf chefs de crimes de guerre, notamment meurtres, attaques contre la population civile et pillages commis en 2009 et 2010, contre le Rwandais Sylvestre Mudacumura, 58 ans, commandant suprême des FDLR.

6. LA PROPOSITION D’UNE NOUVELLE «FORCE INTERNATIONALE NEUTRE»

 

Le 11 juillet, une session extraordinaire du Comité Interministériel Régional (RIMC) de la Conférence Internationale sur la Région des Grands- Lacs (CIRGL) s’est tenue à Addis-Abeba (Ethiopie). La situation sécuritaire au Nord-Kivu (Est de la RDC) était au centre des débats.

Un communiqué final souligne les décisions prises. L’on peut retenir notamment:

«1. Les Etats membres de la CIRGL ont fortement condamné les actions de M23 ainsi que celles des autres forces négatives opérant dans la Région et appuient les efforts déployés par le gouvernement de la RDC pour la restauration de la paix et de la sécurité dans la Province du Nord – Kivu.

2. Ils ont fortement condamné les activités continuées et non contrôlées des FDLR et en appellent à une action militaire immédiate pour éradiquer cette menace.

3. La CIRGL est appelée à travailler avec l’Union Africaine et les Nations Unies en vue d’établir immédiatement une Force Internationale neutre pour éradiquer le M23, les FDLR, ainsi que toutes les autres forces négatives opérant à l’Est de la RDC et pour assurer le contrôle et la sécurisation des zones frontalières.

4. Toutes les forces négatives, en particulier le M 23, devraient immédiatement cesser leurs activités armées et aucun appui ne devrait leur être accordé pour déstabiliser la région, et plus particulièrement à l’Est de la RDC.

5. Les Etats membres de la CIRGL sont appelés à mettre en œuvre dans sa totalité le Pacte sur la sécurité, la Stabilité et le Développement et plus particulièrement le Protocole sur la Non – agression et la défense mutuelle.

6. Ils encouragent fortement les Gouvernements de la RDC et du Rwanda à mettre en œuvre totalement leurs mécanismes bilatéraux dans la lutte contre l’insécurité à l’Est de la RDC, plus particulièrement l’opérationnalisation complète du Mécanisme Conjoint de Vérification et d’ouvrir ce mécanisme à d’autres Etats membres de la CIRGL .

7. Ils appellent la communauté internationale à apporter urgemment une aide humanitaire appropriée aux victimes des violences à l’Est de la RDC, plus particulièrement dans la province du Nord- Kivu et étendre l’aide en question à toutes les populations victimes dans toutes les zones affectées.

8. Établissement immédiat d’un mécanisme de suivi à travers la réactivation de l’Équipe d’Envoyés Spéciaux, S.E. Benjamin Mkapa et S.E. le Général Olusegun Obasanjo, pour trouver les causes profondes des conflits à l’Est de la RDC et ainsi proposer une solution durable. Le Secrétaire Général des Nations Unies est appelé à appuyer cette initiative.

9. Mettre un place un groupe ad hoc de six experts indépendants conformément à l’article 25 du Pacte, lequel groupe devrait préparer et soumettre un rapport sur la situation à l’Est de la RDC à la prochaine réunion du RIMC».

Le 15 juillet, lors du sommet de Addis Abeba, l’Union Africaine (UA) s’est déclarée prête à contribuer à une force régionale pour mettre un terme définitif aux agissements des groupes armés dans l’est de la RDCongo. Les présidents congolais Joseph Kabila et rwandais Paul Kagame qui participaient à cette réunion régionale, ont accepté « le principe » de la mise sur pied de cette force internationale neutre.

Il n’a pas été possible dans l’immédiat d’établir quelles troupes seraient sollicitées pour constituer cette « force internationale neutre » amenée à combattre les rebelles congolais.

Le Congolais Ntumba Luaba, secrétaire exécutif de la CIRGL, affirme que les ministres de la Défense des pays membres vont se réunir bientôt pour décider des modalités pratiques de la mise en place de cette force. Selon lui, la constitution de cette force est ouverte «à tous les partenaires de la communauté internationale».

La lecture du communiqué final ayant sanctionné la réunion de la CIRGL à Addis-Abeba laisse un arrière-goût qui ne rassure pas quant à la réelle volonté des participants à apporter une solution durable. Aucune mention n’a été faite sur le soutien que le Rwanda apporte aux rebelles du M23, la réunion s’étant contentée de noter qu’«aucun appui ne devrait être accordé aux M23, FDLR et autres forces négatives». Lorsqu’il s’agit du M23, les Etats membres de la CIRGL se limitent à une simple condamnation. S’agissant des FLDR, la CIRGL appelle à «une action militaire immédiate pour éradiquer cette menace». C’est un engagement à deux vitesses. Et Kigali en profite. On aura fait de sa préoccupation une urgence, au détriment de celle de Kinshasa.

Le flou qui entoure la composition et la feuille de route de cette force sont autant d’indices qui ravivent ces inquiétudes des Congolais. L’on soupçonne la composition de la force internationale à envoyer en RDC. Elle pourrait comporter en son sein des militaires rwandais, ougandais, burundais et des éléments du M23. Ce qui, à la fin, ne serait qu’une machination visant, estime-t-on dans certains milieux, à officialiser l’occupation du territoire congolais, et par ricochet, garantir la pérennité de l’exploitation illicite des minerais de la RDC.

Selon certains observateurs, les institutions congolaises, notamment l’assemblée nationale, le sénat et le Gouvernement devraient se prononcer officiellement sur cette question, car la mission de la protection des frontières nationales et la sécurisation des civils reviennent en premier lieu à l’État congolais et aux FARDC. Il faut que ces institutions congolaises définissent clairement les prérogatives de cette «force», composition, commandement, objectifs, stratégies, financement, durée précise. Pour d’autres analystes, certains Pays de la Région des Grands Lacs, comme le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi, devraient être exclus de cette force, car considérés comme parties prenantes au conflit. En effet, on ne comprend pas comment le Rwanda pourrait faire parti d’une force “neutre” pour combattre le M23 qu’il a lui-même fomenté et soutenu.

En ce qui concerne cette «force africaine neutre», les Congolais, eux, craignent un bis repetita. L’acceptation d’une «force régionale» ou d’une «force commune» avec le Rwanda constituerait, pour la RDCongo, un échec militaire intolérable. Une éventuelle force conjointe avec son voisin ne serait que la répétition de l’opération militaire conjointe « Umoja Wetu » menée au début de 2009 contre les FDLR, avec des conséquences tellement négatives que l’on avait dû la suspendre. Visiblement, personne n’envisage une opération militaire conjointe bis, mais une opération neutre chargée de contribuer à la consolidation de la confiance entre Etats voisins. De toutes les façons, qu’il s’agisse d’une «force neutre» ou d’une «force conjointe» avec le Rwanda, la solution à l’équation de l’Est réside dans la sincérité du Rwanda de mettre véritablement un terme à la prédation des ressources congolaises, source des conflits. Tant que le pays de Kagame continuera de jouer au cache-cache, aidé par ses acolytes congolais qui tirent des ficelles à l’interne, la situation pourrira de plus belle, quelles que soient les forces qu’on déploiera sur cette partie du territoire.

La délégation congolaise présente à Addis-Abeba est tombée dans un gros piège. En adhérant au projet de positionnement d’une force africaine neutre au Nord-Kivu, elle met la Monusco à mal, car cette dernière aura de plus en plus du mal à surveiller les activités du CNDP, du M.23, des FDLR et des autres forces négatives qui, instrumentalisées par le régime de Kigali, seront la cible des opérations militaires de la nouvelle force. Paul Kagame, qui ne veut plus de la Monusco en territoire congolais, surtout depuis les révélations du panel des Nations Unies sur la présence des troupes rwandaises dans les rangs du M23, est bien servi. Il l’est davantage lorsque la résolution de l’UA s’adresse aussi, et probablement surtout, aux FDLR, donnant à penser que c’est plutôt le Rwanda qui serait la victime à cause de la présence des rebelles hutu sur le territoire congolais. C’est ce résultat-là que Kigali voulait manifestement obtenir et il l’a obtenu.

À l’Est de la RDCongo, contrairement à la rhétorique de Kigali, c’est le Rwanda qui gère les forces dites négatives y compris les FDLR. Le rapport des experts des Nations Unies est très explicite à ce sujet, lorsqu’il relève le «recyclage» des FDLR au Rwanda où ils sont préparés à venir semer le désordre et l’insécurité en RDC. Le même rapport fait état du troc « armes contre minerais » organisé par des militaires à la solde du Rwanda.

Ainsi, donc, si les Congolais ne font pas attention, ils risquent de voir la fameuse force neutre de l’UA faire obstruction au travail de la Monusco sur le terrain et empêcher celle-ci de faire le monitoring des nuisances rwandaises à la paix et à la stabilité de la RDC.