SOMMAIRE
ÉDITORIAL: Quand le mensonge est utilisé comme une arme de guerre
1. KIVU
a. Sur la ligne des combats
b. L’ONU accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23
c. Rencontre de Kigali: affaire Fdlr, le Rwanda piège encore la RD Congo
d. Pour avoir choisi la voie des armes: le M23 préfère la guerre au dialogue
e. Nord-Kivu: la jungle!
ÉDITORIAL: QUAND LE MENSONGE EST UTILISE COMME UNE ARME DE GUERRE
1. KIVU
a. Sur la ligne des combats
Le 23 mai, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Antonio Guterres, a affirmé que presque 80.000 personnes ont fui les violences armées qui ont débuté fin avril dans la province du Nord-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo.
Dans le Rutshuru, le HCR a recensé plus de 40.000 personnes déplacées entre le 30 avril et le 19 mai. De nombreux déplacés vivent dans des conditions précaires dans des écoles, des églises et des sites improvisés. Selon le personnel du HCR au Rwanda, plus de 8.200 réfugiés sont arrivés au Rwanda en provenance de la RDC depuis le 27 avril. La plupart d’entre eux restent près de la frontière. En Ouganda, les autorités ont indiqué au HCR que 30.00 réfugiés sont arrivés ce mois-ci.
«Le niveau de déplacement de population que nous observons dans l’est de la République démocratique du Congo est déjà catastrophique», a indiqué Antonio Guterres. Le conflit combiné à un accès très limité pour les travailleurs humanitaires signifie que plusieurs milliers de personnes se trouvent sans protection ni assistance. Depuis novembre 2011, environ 300.000 personnes ont été nouvellement déplacées. Elles s’ajoutent à plus de 1,1 million de personnes déplacées qui avaient fui de précédentes vagues de violences. En RDC, à travers tout le pays et en incluant ce nombre, plus de deux millions de personnes sont désormais déracinées.
Le 25 mai, des affrontements ont eu lieu dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDCongo), entre l’armée congolaise et les mutins ex-rebelles basés près de la frontière avec l’Ouganda et le Rwanda.
«Nous avons repris les affrontements. Nous attaquons les mutins à l’armée lourde pour les chasser du sommet de la colline de Chanzu, l’un des fiefs des soldats se réclamant du Mouvement du 23 mars (M23)», a déclaré un colonel loyaliste participant à l’offensive.
«Les FARDC viennent de nous attaquer. Ils utilisent des armes lourdes mais nous n’avons pas peur de ça. Nous allons nous défendre. Nous savons que nous sommes en face de 7.000 hommes, mais ils ne pourront rien changer, nous gardons toujours nos positions», a affirmé le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole du M23.
Les combats se déroulent au sud-est du territoire de Rutshuru, au niveau de trois collines: celles de Mbuzi, Chanzu et Runyonyi, où les affrontements sont concentrés depuis une dizaine de jours près de la frontière avec l’Ouganda et le Rwanda.
Le 26 mai, dans un communiqué du 23 mai, les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) ont appelé les Forces armées de la RDC (FARDC) à un cessez le feu. Affirmant être ouverts aux pourparlers pour une issue pacifique à la crise, le Mouvement rebelle rappelle que la défection de certains officiers des rangs des FARDC et la création de ce mouvement se justifie par le non respect des accords signés entre le CNDP et les autorités du pays. Les rebelles du M23 ont, par ailleurs, invité la Monusco «à cesser d’apporter son appui aux FARDC». Pour l’instant, il n’y a pas encore de réactions du côté de l’armée nationale. Des sources locales ont affirmé la poursuite des affrontements entre l’armée régulière et les mutins dans le groupement de Jomba et Bweza, en territoire de Rutshuru.
b. L’ONU accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23)
Selon un rapport confidentiel de l’ONU que s’est procurée la BBC, des citoyens rwandais ont été recrutés et formés dans leur pays pour renforcer la mutinerie des rebelles du M23 que l’armée congolaise combat depuis début mai dans la province du Nord-Kivu.
«Les Nations unies ont réalisé des entretiens avec 11 combattants qui ont abandonné leurs positions dans les forêts montagneuses de la frontière entre la RDC et le Rwanda. Le rapport (…) décrit ces déserteurs comme des citoyens rwandais recrutés au Rwanda sous prétexte de rejoindre l’armée nationale, y compris un mineur», est-t-il expliqué. «Ils ont dit qu’ils ont été recrutés dans un village appelé Mundede, qu’ils ont reçu un entraînement au maniement des armes et qu’ils ont été envoyés en RDC pour rejoindre le M23», a déclaré à la BBC Hiroute Guebre-Selassie, chef du bureau de la Mission de l’ONU (Monusco) à Goma, la capitale provinciale. «Certains combattants ont affirmé avoir été recrutés dès février», indique la BBC.
«Quinze mutins se sont rendus jusqu’à aujourd’hui, dont sept Rwandais. Ils ont témoigné que le Rwanda leur donnait des renforts. On le disait depuis bien avant: le Rwanda les appuie en munitions, armes lourdes et même en troupes», a déclaré un colonel participant aux combats.
«Le M23 ne pouvait pas résister pendant tous ces jours de combats sans le soutien du Rwanda», a-t-il ajouté. Il a précisé que ceux qui se sont rendus ont été «acheminés à Rutshuru auprès du commandant de secteur » et que la hiérarchie déciderait « quoi faire d’eux».
Les rebelles du M23 ont démenti recevoir une aide du Rwanda. «Si le Rwanda nous soutenait, on serait arrivés très loin aujourd’hui, car il a une armée organisée, et très forte », a pour sa part déclaré le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole du M23.
Le gouvernement congolais a dit ne pas disposer, à ce stade, d’informations confirmant ces informations. «Il n’est pas exclu que l’on soit en face d’une provocation de gens qui veulent perturber davantage la situation en créant des problèmes entre le Rwanda et nous. Une vérification est en cours, mais a priori nous n’avons pas d’éléments qui puissent confirmer de telles accusations», a réagi Lambert Mende, porte-parole du gouvernement.
De sa part, Kigali a rejeté en bloc les accusations de l’ONU, qualifiant d’ »échec » la mission de la Monusco. «Ce sont des rumeurs totalement fausses et dangereuses», a déclaré dans un communiqué la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo. «Depuis le départ, le Rwanda a toujours soutenu que l’instabilité actuelle dans l’est de la RD Congo est une affaire qui relève du gouvernement congolais et de l’armée congolaise», a-t-elle dit. «L’intérêt national du Rwanda est de contenir le conflit et d’établir des profondes relations pacifiques avec ses voisins», a poursuivi Mme Mushikiwabo. La ministre a conclu en affirmant que la mission de l’ONU en RDC a été un échec et que l’ONU était finalement « incapable » de protéger les civils dans l’est de la RD Congo. «Au lieu de s’acquitter de son mandat d’éradiquer la menace FDLR et aider à stabiliser la région, la MONUSCO est devenue un élément déstabilisateur, dont le premier souci est d’assurer le maintien de ses énormes budgets et justifier sa présence actuelle », a terminé la ministre Mushikiwabo.
L’ambassadeur de la RDCongo au Rwanda, Norbert N’kulu, a tenté de relativiser les accusations de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) concernant le la présence des éléments rwandais dans les rangs des mutins du Mouvement du 23 mars (M23). A l’issue d’une entrevue avec le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, le 29 mai à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, M. N’kulu a indiqué que le rapport de la MONUSCO « ne concerne que cette mission onusienne en RDC ». L’ambassadeur N’kulu a privilégié l’excellence des relations entre la RDC et le Rwanda, qui, selon lui, ne font que se normaliser. Il a rappelé que Kigali et Kinshasa avaient convenu, au terme de la 5ème commission mixte tenue récemment à Kigali, capitale rwandaise, de conjuguer les efforts pour une sécurisation mutuelle.
Le Premier ministre, Matata Ponyo, avait déjà affirmé devant les députés congolais en session plénière au Palais du peuple qu’«aucune rébellion ne peut prospérer si elle ne bénéficie de l’appui de la population, si elle n’a pas une base de repli dans un territoire voisin».
Sans le dire ouvertement, Matata Ponyo est convaincu de l’existence d’une main invisible qui, bien au-delà des frontières de la RDC, commanderait les opérations pour la déstabilisation de l’Est. Il s’est toutefois réservé de la nommer. Et si c’était le Rwanda qui tirerait les ficelles? Rien n’exclut cette hypothèse. De toute évidence, c’est la preuve qu’à Kinshasa, on est bien conscient de l’implication du Rwanda dans ce qui s’est toujours passé dans l’Est. Mais, certaines personnalités congolaises laissent Kigali poursuivre son expédition criminelle en RDC feignant, au même temps, de compatir à la cause du Congo-Kinshasa. L’analyse des faits donne à penser qu’à Kinshasa il y a des complicités internes. Sinon, comment continuer à «protéger» Kigali lorsque toutes les hypothèses corroborent sa responsabilité dans le drame à répétition de l’Est?
c. Rencontre de Kigali: affaire Fdlr, le Rwanda piège encore la RD Congo
À propos de la 5ème rencontre de la Grande Commission Mixte Rwanda-RDCongo tenue à Kigali du 18 au 19 mai, certains observateurs de la scène politique de la région des Grands Lacs pensent que la souveraineté de la RDCongo a été vendue à vil prix. Tout d’abord, soulignent- ils, le communiqué final utilise un terme générique pour faire mention des «mutins» du M23, en les traitant de «éléments opportunistes et propagande négative». Ce, alors que plus de deux millions des Congolais sont des déplacés internes. Les viols massifs ne se comptent plus. Les tueries, les massacres, les destructions méchantes ont forcé des dizaines de milliers de Congolais à fuir à cause de ces «mutins» du M23, dont les revendications sont à première vue indéfendables. Notamment en se présentant comme les seuls à pouvoir protéger les populations tutsi et en exigeant de la hiérarchie des FARDC une promotion dans l’échelle de leurs grades. Des individus à la nationalité douteuse, à l’instar de leur véritable chef Bosco Ntaganda, qui n’ont jamais mis leurs pieds dans une académie militaire et dont bon nombre n’ont jamais terminé l’école primaire.
À lire le communiqué conjoint rendu public, les deux délégations n’ont examiné qu’un seul point à l’ordre du jour, celui de la traque aux FDLR et pas un mot sur «les mutins» du M23.
Outre le fait que cette réunion semble banaliser les crimes perpétrés par ces «mutins» du M23, un passage du communiqué final stipule que «les ministres de la défense ont convenu d’étendre le mandat de la Commission conjointe des renseignements à la vérification conjointe de la situation sécuritaire le long des frontières ainsi qu’à l’intérieur de chaque pays». Une façon de préparer la reprise des opérations militaires conjointes de triste mémoire et qui n’ont rien arrangé, car les FDLR sont devenus plus virulents et d’une sauvagerie sans commune mesure à l’endroit des populations congolaises non armées. Y a-t-il souveraineté nationale lorsque des officiers des services de renseignements et des éléments d’une armée d’un pays étranger peuvent venir à tout moment opérer sur une portion du territoire d’un autre Etat?
À cause d’un discours officiel plutôt mensonger, toutes les rencontres initiées entre la RD-Congo et le Rwanda semblent tourner à l’avantage de Kigali. Le Rwanda met en exergue les effets nocifs des FDLR et minimise les crimes commis par les mutins du M23 dans les deux Kivu qu’ils qualifient d’ailleurs «d’éléments opportunistes». Les observateurs se demandent comment depuis 1994, le Rwanda recherche toujours les FDLR sur le sol Rdcongolais et n’arrive pas à les vaincre. Pour certains, cette question est un véritable fonds de commerce qui permet au Rwanda de profiter des richesses de son voisin. Tous les rapports publiés par les experts des Nations-Unies apportent une grande lumière sur ces conflits armés à l’est du pays.
Depuis la guerre de «libération» de 1996-1997, le «parrain» Kigali se sent dans la position de tout régenter en RDCongo, au point de s’ingérer, au vu et au su de tout le monde, dans les affaires intérieures de son voisin. Il se considère en droit d’y intervenir chaque fois que le besoin se fait sentir, en s’appuyant sur la présence quasi permanente des FDLR sur le sol congolais depuis le génocide de 1994. C’est sur le génocide de 1994 que le Rwanda se réfugie toujours pour justifier ses incursions en RDC.
A ce jour, il se constate que tous les accords signés entre les deux pays penchent en faveur du Rwanda, dont celui conclu le 19 mai 2012 à Kigali. Comme les précédents, ce nouvel accord est fondé essentiellement sur la traque des FDLR, alors que ce n’est pas une urgence pour Kinshasa, compte tenu de la rébellion menée par les insurgés du Mouvement du 23 mars (M23). Mais, contre toute attente, la RDC a de nouveau fait la part belle au Rwanda, en acceptant totalement de coopérer à la neutralisation des rebelles hutu rwandais.
L’expérience du passé renseigne que le rapprochement entre les deux pays n’a jamais été sincère. Car, c’est au nom de ses intérêts et pour se protéger que Kigali entraîne toujours Kinshasa dans son jeu, en lui faisant signer des accords généralement contre-nature.
La question des FDLR est au cœur de tout ce qui se passe en RDCongo depuis bientôt 20 ans. Elle a été instrumentalisée pour justifier l’agression du pays, avec l’entremise de l’Alliance des Forces Démocratiques de Libération (AFDL), lors de la guerre dite des «Banyamulenge» pour recouvrer leur nationalité et qui a vu un officier général rwandais placé sur le siège du chef d’Etat Major Général de l’armée congolaise. Elle a justifié l’occupation des territoires des provinces du Kivu, d’une partie de la Province Orientale et du Kasaï, pendant cinq ans, par des troupes régulières rwandaises aux côtés de celles du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), toujours pour traquer ces éléments des FDLR. Elle a justifié les fameuses opérations militaires conjointes rwando-congolaises (Umoja wetu) de 2008-2009 et qui se sont soldées par le limogeage de Vital KAMERHE, coupable d’un crime de lèse-majesté pour avoir dénoncé la violation de l’intégrité et de la souveraineté du pays. Que va-t-elle encore justifier? Probablement la balkanisation du pays, selon le schéma Sud-soudanais.
En souscrivant aux prescrits de ce communiqué final, la RDC endosse la responsabilité de la traque de ces FDLR, alors que toutes ces opérations militaires conjointes ou non n’ont pas abouti à leur anéantissement total. Dès lors que Kinshasa a accepté le principe de la traque, il devient comptable de tout ce qui adviendra. Il va donc être obligé d’affecter des ressources financières, humaines, matérielles, militaires et scientifiques à ces opérations et cela, au détriment des multiples chantiers de la reconstruction du pays. De même, si hier, lors des opérations militaires conjointes, l’entrée des troupes régulières rwandaises était ponctuelle et limitée dans le temps, avec ce communiqué final des travaux de Kigali, la durée devient indéterminée. C’est Kigali qui va désormais en fixer le temps et l’espace au gré de ses humeurs, intérêts visibles et invisibles.
Le Nord-Kivu est à feu et à sang à cause des hommes du général Bosco Ntaganda qui sont aux prises avec les Forces armées congolaises. C’est la population civile qui en paye un lourd tribut.
Entre-temps, Kigali et Kinshasa multiplient des rencontres. Les chefs de la diplomatie, des renseignements, etc. s’activent et leurs rencontres se terminent par des communiqués vaseux.
Pourtant, dans les deux pays, tout le monde sait où se trouve le problème. Mais personne n’ose franchir le pas pour proposer une solution, qui va de soi.
Le problème du Kivu, c’est le Rwanda.
Depuis que le FPR a lancé son armée sur la RDC pour détruire les camps des réfugiés hutu en 1996-1997, il a créé le phénomène Banyamulenge et l’AFDL pour envahir ce pays. Il a poussé son aventure jusqu’à Kinshasa pour détrôner Mobutu et introniser LD Kabila. Celui-ci a été vite assassiné, en janvier 2001, car il devenait indomptable. Le Dr Théogène Rudasingwa, ex-Directeur de cabinet du président Paul Kagame, a affirmé que c’est le président rwandais qui a organisé cet assassinat. LD Kabila a été remplacé par « son fils », qui reste sous l’emprise de Paul Kagame dont il a été garde du corps, selon certaines sources.
Paul Kagame est donc le mentor du président congolais et de ce fait, il fait ce qu’il veut en RDC.
L’intérêt pour le Rwanda à asseoir son autorité sur le Kivu, via ses officiers-liges (Mutebutsi, Nkunda, Ntaganda et maintenant Makenga, parmi beaucoup d’autres, militaires et politiciens), est principalement économique. Sur ce point, les FDRL sont utiles à Paul Kagame qui en profite pour brandir leur menace, afin de garder l’emprise sur les matières premières de la région. Car les généraux Nkunda, Ntaganda, et maintenant Makenga ont, entre autres, pour mission de sécuriser les corridors de «transferts» des «matières premières à une clientèle d’hommes d’affaires rwandophones, pour ne pas dire Tutsi, dans la région».
Le Rwanda est une épine dans le pied de la RDCongo. Extraire cette épine demande la détermination des hommes et des femmes congolais qui peuvent prendre leur courage à deux mains pour dire non à l’annexion d’une partie du pays par le Rwanda. Voilà la solution.
d. Pour avoir choisi la voie des armes: le M23 préfère la guerre au dialogue
Au moment où, le 6 mai, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) annonçaient avoir suspendu depuis le 4 mai leur offensive contre les mutins fidèles au Général Bosco Ntaganda et avoir donné un ultimatum de cinq jours aux militaires insurgés pour se rendre, le Colonel Makenga, ancien du CNDP et lui aussi devenu depuis 2009 officier au sein des FARDC comme Bosco Ntaganda, a annoncé dans un communiqué de presse la «redynamisation de l’aile politique du CNDP» à travers ce qu’il a nommé le Mouvement du 23 mars, M23.
Le nom ferait référence au 23 mars 2009, date à laquelle le CNDP, alors mouvement politico-militaire, avait signé avec le gouvernement un accord pour mettre fin à la rébellion, se muer en parti politique, et faire intégrer ses troupes dans les FARDC.
Le porte-parole de ce M23 a affirmé que leur mouvement avait comme objectif principal de faire respecter cet accord passé avec le gouvernement Congolais. Le président du CNDP, le Sénateur Edouard Mwangachuchu, a quant à lui indiqué que son parti politique, le CNDP, restait attaché au processus de paix. Pour rappel, le CNDP fait partie de la plate-forme qui a soutenu le président Kabila lors des dernières élections, la MP (Majorité Présidentielle). Cependant, il n’a obtenu aucun siège à la députation nationale, et les élections dans son fief de Masisi ont tout simplement été annulées par la CENI, suite à de multiples irrégularités dont elles ont été entachées. Du coup, le poids politique du CNDP a sensiblement baissé et, par exemple, aucune place dans le nouveau gouvernement n’a été offerte au CNDP. Du coup, c’est la carte militaire qui reste dans les mains du CNDP. La force politique, il n’en a pas. Mais la force militaire, il en a encore et c’est ce qu’il semble vouloir démontrer, pour faire du chantage au pouvoir de Kinshasa et obtenir des postes, tout en protégeant le Général Bosco Ntaganda.
Mais le CNDP joue la prudence et préfère agir en deux temps: un front politique, sur lequel il fait semblant de rester loyal à Kabila, et un front militaire qu’il dédie à Makenga et ses troupes.
Ceux qui le connaissent, disent du Colonel Makenga qu’il est parmi les radicaux du CNDP et qu’il a difficilement digéré l’arrestation de Laurent Nkunda en 2009, bien qu’à l’époque il ne disposait d’aucun levier pour s’opposer au rapprochement avec le gouvernement facilité par le «Terminator» Ntaganda. Le moment est-il propice, pour lui, de prendre sa revanche?
Les collines de Runyoni, à la frontière entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda, où il s’est retiré constituent un lieu parfait pour pouvoir à la fois affronter les FARDC qui l’attaqueraient, et être proche des bases arrières que pourraient constituer ces deux pays voisins de la RDC. Vont-ils le soutenir, rester neutres, ou appuyer le gouvernement de Kabila? La réponse à cette question sera déterminante.
Ce qui est sûr, c’est que le Président Kabila et le gouvernement Matata Ponyo devront choisir rapidement entre mener une guerre qu’ils ne sont pas certains de gagner, et faire des concessions au CNDP (ou plutôt au M23), afin de maintenir la trêve obtenue en 2009. Cette dernière solution est la plus évidente au regard de l’incapacité des FARDC, dans les conditions actuelles, à juguler une nouvelle rébellion. Mais elle est bien sûr éphémère.
Du CNDP au M.23, cette mue n’est rien d’autre que la continuation des mouvements rebelles précédents de l’AFDL et du RCD. Réfractaires à toute paix porteuse de démocratie et à toute démocratie porteuse de paix, les éléments armés du CNDP ont fait de la guerre une raison de survie. Manifestement, ils ont choisi la voie des affrontements cycliques pour jouer la partition qui leur réussit jusque-là pour leur survie: la victimisation.
Le porte- parole du M23 a cru fendre le coeur de l’opinion en s’en prenant au gouvernement, coupable de n’avoir pas rempli ses engagements, comme la non prise en charge médicale des blessés de guerre et la non prise en charge sociale des veuves et des orphelins, en oubliant, toutefois, qu’eux aussi sont à la base de ces mêmes affres chez la population civile.
Dans sa réplique, le gouverneur du Nord-Kivu a révélé que l’ex-branche armée du Cndp compte le plus grand nombre de colonels par rapport aux autres groupes armés signataires des Actes de Goma.
Ainsi, l’ex-branche armée du Cndp a dans l’Etat-major général des Fardc l’interlocuteur attitré pour passer son message. Devenu parti politique, le Cndp est habilité à s’adresser aux institutions nationales politiques (Président de la République, Assemblée nationale, Sénat et Gouvernement) et aux institutions provinciales (Assemblée provinciale et gouvernement provincial).
Mais le nouveau mouvement insurrectionnel a fait le choix délibéré de l’affrontement armé avec, bien entendu, son lot de déplacés et de réfugiés, en plus des blessés et des morts.
e. Nord-Kivu: la jungle!
Les échos qui nous parviennent de la province du Nord-Kivu ne sont guère rassurants quant à la restauration de l’Etat et de la paix dans cette partie du pays. Les officiers FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) et ceux du Congrès National pour la Défense du peuple (CNDP) ainsi que les seigneurs de guerre des milices et autres groupes armés font leur loi, chacun en sa manière. Une véritable jungle.
Le trafic de minerais dans la province du Nord-Kivu se porte à merveille. Les trafiquants se recrutent le plus dans les rangs des officiers des FARDC et du CNDP. Chacun s’organise pour avoir une mine et la contrôler.
Les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) rapatriées au Rwanda sont de retour en RDCongo, «chassés par le pouvoir de Kigali». Selon certaines sources, deux d’entre eux ont été capturés par les FARDC et sont passés aux aveux à Runyoni, dans le territoire de Rutshuru. La présence de ces rebelles hutu rwandais fait que la population est traumatisée, vivant dans un état de stress permanent.
On signale également que des populations rwandaises occupent de grands espaces dans cette partie du Nord-Kivu, où elles font plus des affaires relatives à l’exploitation et la vente du coltan. D’ailleurs, la population ne comprend pas pourquoi le colonel Bahati des FARDC, qui a essayé de pacifier tant soi peu la contrée, a été remplacé par un officier CNDP sur ordre de l’Etat-major général des FARDC. C’est le désarroi total au sein de la population.
Kigali n’agit pas seul
Quant au Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), certaines sources renseignent que cet organisme du système des Nations Unies travaillerait en complicité avec Kigali, pour ramener les populations d’expression kinyarwanda au Kivu. Mais on ne sait pas dire qui est Congolais et qui ne l’est pas. Cela est peut-être prémédité dans la mesure où, signalent les mêmes sources, l’ordre a été donné en 2004 pour ne pas distinguer la nationalité congolaise de celle rwandaise. Les chefs coutumiers qui ont voulu procéder au recensement ont été empêchés de le faire. Ce qui fait qu’aujourd’hui, les gens détiennent à la fois et le Kirangamutu (carte d’identité rwandaise) et la carte d’électeur congolaise, tenant lieu de carte d’identité des Congolais.
Concernant les ONG tant nationales qu’internationales, font remarquer nos sources, elles ne travaillent que pour leurs propres intérêts. Ce sont les affaires qui les intéressent depuis 1994, année au cours de laquelle les Hutu rwandais ont massivement envahi les deux Kivu, après le génocide rwandais.
S’agissant du rôle de la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (MONUSCO), un constat malheureux est fait: sa présence n’arrête pas l’insécurité, ni les violations massives des droits de l’Homme. Pour nos sources, rien de concret n’a été fait en ce qui concerne la restauration de la paix et la fameuse stabilisation.
La population, à en croire les mêmes sources, a cru au changement politique pour justement restaurer cette paix. Mais les choses ont bougé autrement. Même avant la publication des résultats définitifs de l’élection présidentielle du 28 novembre 2011, beaucoup de ceux qui se disaient Congolais, parmi lesquels les seigneurs de guerre, ont traversé la frontière pour le Rwanda.
La résistance est réelle, surtout à Rutshuru et à Masisi, où les gens se prennent en charge. Malheureusement, la population constate que les tireurs de ficelles se trouvent à Kinshasa.
Selon le député Zacharie Ne Muanda Nsemi, leader de l’ancien mouvement politico-religieux Bundu Dia Kongo (BDK), la problématique de la sécurité dans les Kivu est très complexe, parce qu’elle est au carrefour des intérêts des protagonistes tant nationaux qu’internationaux. La guerre des Kivu, n’est pas seulement une affaire des multinationales. Elle est aussi celle de certains originaires du coin qui en tirent de gros dividendes. Ils opèrent dans l’ombre et coordonnent les opérations à partir de leurs officines de Kinshasa. Selon lui, c’est donc cette catégorie de compatriotes qui appuie les véritables acteurs affichés de la guerre. «Certains des nos frères de l’Est se trouvant dans le circuit politique du pays ne sont pas sincères. Ils déclarent une chose pendant la journée et soutiennent le contraire la nuit», dit Ne Muanda Nsemi sur un ton de regrets.
Quant aux issues à proposer, ce député de l’opposition évoque la piste militaire. «Pour une solution durable à la confusion dans l’Est, le pays doit se doter d’une Force publique bien structurée, organisée et équipée, composée d’hommes intègres», explique Ne Muanda Nsemi, avant de dénoncer ce qu’il qualifie de faiblesses de l’ancien processus de brassage des anciennes troupes ennemies. «Le processus de brassage des anciennes troupes n’a pas été transparent. Certains éléments sont des espions qu’on a infiltrés dans les Forces armées de la RDCongo (FARDC) pour une mission précise», souligne encore ce député élu du district de la Funa.
Aussi longtemps que Kinshasa et Kigali ne joueront pas franc jeu pour résoudre définitivement la question des FDLR, tout ce qui se fait présentement à Kinshasa relève du cinéma.
La guerre des Kivu a sans doute ses origines lointaines ou historiques. Cependant, la présence sur le sol congolais des forces négatives, en l’occurrence les fameuses Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) semble être la cause apparente de la guerre. Ces forces centrifuges rwandaises présentes sur le sol congolais depuis 1994 constituent, pour Kigali, le principal prétexte chaque fois évoqué pour justifier l’intrusion de son armée régulière en RDCongo.
Partant, Ne Muanda Nsemi ne ménage pas la Communauté Internationale, principalement les Nations Unies accusées d’inertie. S’inspirant de l’expérience congolaise, Zacharie Ne Muanda Nsemi, comme d’autres analystes de la question, pense que les Nations Unies devraient contraindre le pouvoir de Kigali à résoudre son problème à l’interne. Aussi, pense-t-il, cette solution passe impérativement par l’organisation d’un dialogue franc entre les différentes composantes, en l’occurrence les deux ethnies sœurs ennemies, Hutu et Tutsi. Ce schéma, souligne ne Muanda Nsemi, a le mérite de redonner espoir et confiance aux populations Hutu majoritaires vivant en RD Congo, particulièrement les éléments ex-FAR et Interahamwe qui se considèrent encore comme victimes de l’anomie du pouvoir de Kigali.