SOMMAIRE
ÉDITORIAL: Et maintenant, que faire?
1. POLITIQUE INTERNE
a. L’Assemblée Nationale a élu son Bureau définitif
b. Matata Ponyo, nommé nouveau Premier ministre
c. L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS)
2. DEUX ATÉLIERS D’ÉVALUATION DE LA PREMIERE PHASE DU PROCESSUS ELECTORAL
a. LA Commission Electorale Nationale Independante (CENI)
b. AETA (Agir pour des élections transparentes et apaisées)
3. LA SOCIETE CIVILE S’INQUIETE DE L’ETAT SECURITAIRE
ÉDITORIAL: ET MAINTENANT, QUE FAIRE?
1. POLITIQUE INTERNE
a. L’Assemblée Nationale a élu son Bureau définitif
Le 7 avril, à l’Hôtel Memling de Kinshasa on a assisté à la présentation du nouveau groupe parlementaire, Terre d’Avenir (TA), au sein de l’Assemblée Nationale. Ses membres sont essentiellement issus des partis politiques membres de la Majorité Présidentielle (MP). Les objectifs poursuivis par TA sont, entre autres, la promotion de la démocratie, des droits de l’homme et de l’environnement et le soutien à la vision du chef de l’Etat. La structure de TA est très simple: elle est constituée de la plénière, son organe suprême, du bureau composé d’un président, un premier vice-président, un deuxième vice-président, un rapporteur, un rapporteur adjoint, un questeur et un questeur adjoint. Après consultations, l’UDCO Baudouin Banza a été désigné président, le CCU Lambert Mende 1er vice-président, le PA Tryphon Kin-kiey 2ème vice-président, l’ULDC Zacharie Babaswe rapporteur, le RDPR Tibasima rapporteur adjoint, le CNC Pius Muabilu questeur, et enfin, le PANU Charly Wenga, questeur adjoint.
Quinze candidatures ont été retenues pour les sept postes du bureau définitif de l’Assemblée Nationale.
– Présidence (Majorité Présidentielle): Aubin Minaku Ndjalandjoko du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD);
– 1ère vice-présidence (Majorité Présidentielle): Toussaint Ekombe Mpetshi, du Parti des démocrates chrétiens (PDC) et Charles Mwando Nsimba, de l’Union des nationalistes fédéralistes (UNADEF);
– 2ème vice-présidence (Opposition): Samy Badibanga Ntita, Timothée Kombo Nkinsi et André Paluku Kavula, tous de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS); Anzuluni Bembe (candidat indépendant);
– Rapporteur (Majorité Présidentielle): Norbert Ezadri Egumu du Mouvement social pour la rénovation (MSR);
– Rapporteur adjoint (Opposition): Angélique Milemba, Françoise Bemba Ndokwa et Yvon Dangbele Ngotuga du Mouvement de libération du Congo (MLC), Jean Pierre Tshimanga du CAC/ADR, Marie Thérèse Basiala Maka de l’UFC;
– Questeur (Majorité Présidentielle): Elysée Minembwe de l’Alliance pour la rénovation du Congo (ARC);
– Questeur adjoint (Majorité Présidentielle): Bosco Kaboyi Bwivu de l’AFDC.
Le 11 avril, les députés de l’opposition menacent de ne pas participer à l’élection du bureau définitif de l’Assemblée Nationale. Les groupes parlementaires de l’opposition accusent ceux de la Majorité Présidentielle d’user de manouevres pour faire élire les députés Kombo Nkisi de l’UDPS et Tshimanga Bwana de l’ADR aux postes de 2e vice-président et de rapporteur adjoint contre leur gré.
Les députés de l’UDPS qui siègent à l’Assemblée nationale soutiennent la candidature de Samy Badibanga au poste de 2e vice-président. Selon les résultats des «élections primaires» tenues à l’intérieur du groupe parlementaire de l’UDPS, Samy Badibanga Ntita les avait emportées par 18 voix contre 8 à Timothée Kombo Nkisi et 3 à Rémy Massamba.
Quant au poste de rapporteur adjoint, le Mouvement de Libération du Congo pense qu’il lui revient de droit, en tant que deuxième parti de l’opposition. L’UDPS et le MLC sont, en effet, les deux partis politiques de l’opposition les mieux représentés à la chambre basse du Parlement.
On se pose ainsi une question au sujet des prétentions de la famille politique du Chef de l’Etat: son ouverture vers l’Opposition serait-elle purement nominale, pour la consommation extérieure?
Le 12 avril, les députés ont élu le bureau définitif de l’Assemblée Nationale:
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Président: Aubin Minaku (PPRD), avec 343 voix sur 349,
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1er vice-président: Charles Mwando Nsimba (UNADEF), avec 324 voix sur 349
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2è vice-président: Timothée Kombo Nkisi (UDPS), avec 312 voix sur 349
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1er rapporteur: Norbert Ezadri (MSR), avec 344 voix sur 349
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Rapporteur adjoint: Jean Pierre Tshimanga Bwana (CAC/ADR), avec 290 voix sur 349
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Questeur: Elysée Munembwe (ARC), avec 344 voix sur 349
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Questeur adjoint: Jean Bosco Kaboy (AFDC), avec 328 voix sur 349
L’élection des membres du bureau définitif de l’Assemblée nationale s’est déroulée en l’absence d’une bonne partie de députés de l’opposition, notamment ceux de l’UDPS et du MLC. Ils ont boycotté la plénière accusant la majorité d’user des manigances pour placer aux postes de 2è vice-président et de rapporteur adjoint réservés à l’opposition, des personnalités favorables à la majorité.
L’UDPS avait désigné un autre candidat pour occuper le poste de deuxième vice – président e le Mouvement de libération du Congo (MLC) avait désigné son candidat pour celui de rapporteur adjoint, mais qui est finalement revenu à un autre parti d’opposition.
La nouvelle assemblée issue des élections du 28 novembre 2011 est dominée par la Majorité présidentielle (MP), avec 340 députés venant d’une soixantaine de partis, dont le premier est le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, 61 députés). L’opposition a quelque 120 sièges. Après l’élection du nouveau président de l’Assemblée Nationale, le président Kabila devrait désormais désigner prochainement un nouveau Premier ministre.
Le bureau définitif de l’Assemblée nationale affiche complet. Que dire finalement de ces élections? Tout s’est passé comme prévu par la Majorité au Parlement. C’est une partie qui a été jouée à l’avance; une partie où les acteurs et les gagnants étaient connus bien avant que le coup d’envoi ne soit lancé. Tout était ficelé pour obéir à la ligne tracée par la Majorité. Forte de ses 342 députés, la Majorité est convaincue d’avoir l’Assemblée nationale sous son contrôle. La grande leçon est que l’on sait désormais la manière avec laquelle va fonctionner la nouvelle chambre basse du parlement. Comme entre 2006 et 2011, l’Assemblée nationale reste inféodée à la logique de la Majorité. C’est elle qui fixe les règles de jeu. A l’Opposition de savoir comment l’amener à obtempérer ses ardeurs et porter à l’hémicycle la voix du Peuple, le souverain primaire.
b. Matata Ponyo, nommé nouveau Premier ministre
Le 18 avril, le président Joseph Kabila, a nommé Augustin Matata Ponyo Mapon Premier Ministre.
Né le 5 juin 1964 à Kindu (Maniema), il est spécialiste en politiques monétaires et budgétaires.
Il est entré au gouvernement Muzito II le 19 février 2010 comme ministre des Finances. Il est reconduit à la même fonction le 11 septembre 2011. Il a aussi occupé le poste de Directeur général du Bureau central de coordination de la Banque Centrale de 2003 à 2010, après avoir présidé le Comité de pilotage de la même structure de 2001 à 2003. Matata Ponyo a également travaillé comme assistant à la Faculté des Sciences Economiques de l’Université de Kinshasa (Unikin) dans le séminaire d’Economie Monétaire internationale en dernière année de Licence d’Economie monétaire et Internationale.
Il a la réputation d’un gestionnaire assez rigoureux.
Economiste financier de formation, Matata Ponyo est un familier de la Banque mondiale et du FMI. Il n’a pas en revanche un profil de politicien. Il est certes membre du PPRD, le parti présidentiel, mais il est plutôt considéré comme un technocrate. Les actions de son gouvernement, a-t-il déclaré au cours d’un point de presse, seront basées sur «des valeurs cardinales» axées sur: a) la consolidation de la paix sociale, b) la sécurité de l’Etat, c) l’amélioration du social du peuple congolais, d) l’amélioration de la gouvernance économique. Quant à la formation du gouvernement, elle devra se baser sur la compétence et la rigueur dans la gestion des affaires publiques de l’Etat, a-t-il ajouté. Les acteurs politiques tant de la Majorité présidentielle que de l’opposition ont salué la nomination de Matata Ponyo. Tous évoquent le choix d’un technocrate, rigoureux et qui devra prioritairement s’atteler au social du peuple congolais.
c. L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS)
Le 10 avril, trente-trois députés de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Etienne Tshisekedi ont été radiés du parti. La présidence de l’UDPS préfère parler plutôt d’une auto-exclusion constatée à la suite du non-respect des consignes de l’organisation. Le secrétaire général intérimaire du parti, Raymond Kahungu, a déclaré que ces députés n’ont pas voulu respecter la consigne qui leur interdisait de siéger à la chambre basse du Parlement et il demande à la presse de cesser de parler d’eux comme appartenant à ce parti. Pour ces députés radiés qui voudraient revenir dans le parti, il demande d’écrire à la direction de l’UDPS. La même source indique que seuls huit de quarante et un députés élus pour le compte de l’UDPS ont exprimé leur refus de siéger à l’Assemblée nationale.
Ci-dessous les députés radiés:
* Mr. PALUKU KAVULA BWANAMBULA ANDRE Kinshasa I Lukunga
* Mr. TSHIBALA NSENGA GUYLAIN Kinshasa II Funa
* Mr. BADIBANGA NTITA SAMY Kinshasa III MtAmba
* Mr. MASAMBA MA-KIESE REMY Kinshasa III MtAmba
* Mr. MAYAMBA MASSAKA SERGE Kinshasa IV Tshangu
* Mr. MAKWALA MA MAVAMBU YE BEDA JEROME Bas-Congo Luozi
* Mr. KOMBO NKISI TIMOTHEE Bas-Congo Madimba
* Mr. NZAU VOLA JOSE Bas-Congo Matadi
* Mr. MBUELA YIMBU EMMANUEL Bas-Congo Moanda
* Mr. NSUKA AIME RODRIGUE Bandundu Bagata
* Mr. NIANGO IZIAMAY MUNSHEMVULA PAPY Bandundu Ville
* Mr. AMBATOBE NYONGOLO AMY Sud-Kivu Fizi
* Mr. KOLELA YAHANU JOHN Katanga Likasi
* Mr. MULONGO NZEMBA COCO JACQUES Katanga Lubumbashi
* Mr. MUTOMB KAN KATO FABIEN Katanga Lubumbashi
* Mr. MBUYI MAMBA KALALA VASCO Kasai-Oriental Kamiji
* Mr. MWAMBA MULANGU BENJAMIN Kasai-Oriental Luilu
* Mr. MUSENGA WA MUKUNA BENOIT Kasai-Oriental Lupatapata
* Mr. MUTANDA NGOY MUANA ALEXIS Kasai-Oriental Mbuji-Mayi
* Mr. KALONJI MUKENDI ROMAIN Kasai-Oriental Miabi
* Mr. KABOMBO MUADIANVITA GUY Kasai-Oriental Mwene-Ditu
* Mr. NGOYI SHABITANDA ROGER CLEMENT Kasai-Oriental Mwene-Ditu
* Mr. TSHIBUMBA KANYANGA Kasai-Oriental Ngandajika
* Mme NGOYA KANDA GISELE Kasai-Oriental Tshilenge
* Mr. KABUYA MULAMBA KABITANGA MARTIN Kasai-Occidental Dibaya
* Mr. MUKUNA KALAMBAYI DAMIS Kasai-Occidental Dimbelenge
* Mr. KALAMBA MULUMBA N’GALULA JEAN PIERRE Kasai-Occidental Kananga
* Mr. MUYAYA TSHIBONA CONSTATIN Kasai-Occidental Kananga
* Mr. MUBIKAYI MUBALAMATE LEON Kasai-Occidental Luebo
* Mr. MASUASUA BAKATUSH1PA CORNEILLE Kasai-Occidental Luiza
* Mr. KOTA PIEM STEPHANE Kasai-Occidental Mweka
* Mr. NZAJI KABULEKEDI BENOIT Kasai-Occidental Tshikapa
* Mr. TSHIONGO MPUTU DIBINGA BARTHELEMY Kasai-Occidental Tshikapa ville
Le 16 avril, au restaurant Green Garden de Kinshasa, une frange des partis politiques de l’opposition a annoncé le lancement imminent d’une nouvelle plateforme dénommée «Majorité Présidentielle Populaire» (MPP). Eugène Diomi Ndongala, est le porte-parole de cette nouvelle plateforme qui regroupe, autour d’Etienne Tshisekedi, des partis politiques comme l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), la Démocratie chrétienne et le G14 du Dr Kabamba Mbwebwe, des associations de la société civile, des autorités traditionnelles et des associations de jeunes. L’idée est venue de Diomi qui l’a soumise au président Tshisekedi pour appréciation.
L’objectif de la plateforme est de relancer les pressions internes et externes sur la CENI et le pouvoir en place pour le rétablissement de la vérité des urnes étouffée lors des scrutins du 28 novembre 2011. Au cours de sa conférence de presse, Eugène Diomi Ndongala a déclaré que cette nouvelle organisation politique vise à «rétablir la vérité des urnes en RDC afin que le peuple congolais puisse réellement être gouverné par les dirigeants de son choix, soutenir les actions visant la conquête de l’impérium par le président élu de la RDC, son excellence Etienne Tshisekedi, coaliser les forces vives de la nation afin de donner corps à un nouveau leadership politique national et local capable de canaliser la volonté de changement qui habite notre peuple et restaurer l’alternance du pouvoir politique en RDC ».
Le porte-parole de la nouvelle plateforme a aussi annoncé que toutes les plateformes électorales «qui ont utilisé le label Tshisekedi pour se faire élire ne sont pas reconnues part rapport à la famille politique d’Etienne Tshisekedi», les invitant à tirer eux-mêmes les conséquences de «leur comportement immoral». Selon lui, leurs anciens compagnons qui ont opté pour le Parlement sont également les bienvenus, à condition qu’ils renoncent à siéger dans l’hémicycle.
Concernant les élections provinciales et locales, «la MPP ne les boycottera pas», a rassuré Eugène Diomi, mais elle tient d’abord à la restructuration de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Une fois fait, cette commission commencera d’abord par réorganiser les législatives pour que les Congolais aient une Assemblée Nationale qui puisse véritablement représenter le peuple congolais.
2. DEUX ATÉLIERS D’ÉVALUATION DE LA PREMIERE PHASE DU PROCESSUS ELECTORAL
a. La Commission Electorale Nationale Independante (CENI)
Le 10 avril, à l’initiative du Bureau de la CENI, un atelier d’auto-évaluation de la première phase du processus électoral de 2011 s’est ouvert à Kinshasa. Cette institution d’appui à la démocratie revisite, avec le concours de ses partenaires, plusieurs segments de ce processus électoral: enrôlement, fichier électoral, serveur central, violences pré et post-électorales, campagne électorale, déploiement des kits électoraux, cartographie des bureaux de vote, déroulement des scrutins, compilation des résultats, proclamation des résultats, coûts financiers, utilisation des fonds, etc.
Le président du bureau de la Ceni, Daniel Ngoy Mulunda, a prononcé le discours d’ouverture, dont voici quelques extraits:
«A l’issue du double scrutin du 28 novembre 2011, surtout après la proclamation des résultats provisoires, des critiques et attaques sont venues et continuent de venir de partout.
Pour arriver à avoir les avis de toutes les voix qui se lèvent contre le processus et bien sûr contre la CENI, nous nous sommes décidés de trouver un temps pendant lequel nous pourrions nous mettre à l’écoute des uns et des autres et échanger dans la franchise et le respect mutuel. Ces échanges ne se feront pas dans le but de dire qui a raison et qui a tort, mais dans le but d’améliorer le travail de la CENI. D’où la volonté du Bureau d’organiser une évaluation à mi-parcours sans complaisance de notre processus électoral en y impliquant les acteurs de la société civile et des partis politiques.
En décidant d’organiser cet atelier, le Bureau de la CENI a voulu créer un espace de libre expression où tout le monde qui est sincèrement préoccupé par la bonne marche du processus électoral, c’est-à-dire tous les partenaires, le gouvernement, les partis politiques, les organisations de la société civile et les missions d’observation, puissent déceler et identifier tous les problèmes majeurs ayant entaché les élections du 28 novembre 2011, les définir, les préciser, en donner les causes et proposer les solutions dans le but d’améliorer l’organisation des échéances à venir.
Tout ceci doit se faire dans un esprit d’ouverture et de courtoisie mutuelle. L’écoute devra caractériser tous les participants à l’atelier. Cet atelier d’évaluation n’est pas un tribunal où la CENI est mise à la barre pour être accusée et jugée. Venir avec une telle idée, c’est tout simplement se tromper.
L’objectif principal fixé à cet atelier est de permettre à la CENI, en concertation avec l’assistance électorale internationale et toutes les parties prenantes, de faire le point sur les activités déjà menées dans l’exécution du processus électoral 2011-2013, afin d’améliorer la gouvernance électorale globale dans l’organisation des prochains scrutins.
Entreprendre un exercice d’évaluation impose que soient identifiés clairement les difficultés rencontrées, les problèmes connus, les causes de ces problèmes et les propositions de solutions pour mieux relever les différents défis à venir lors des prochaines échéances électorales.
Les questions que nous devons nous poser tout au long de cet exercice sont celles de savoir les causes de ces problèmes: sont-elles systémiques? Emanent-t-elles de la vision et du vouloir des membres du Bureau ou du personnel de la CENI? Avons-nous expressément planifié toutes ces difficultés et comment en sommes-nous arrivés là où nous sommes? Dans quel contexte socio-politique se sont organisées et déroulées ces élections? Qu’est-ce qui a fait courir la CENI? Y- a-t-il eu une bonne volonté des uns et des autres de voir la CENI organiser ces élections dans le délai constitutionnel? Dans quelles conditions la CENI a-t-elle reçu le financement de ces élections?
Voici la liste des problèmes que nous avons identifiés et que nous soumettons aux participants, afin de les analyser et de proposer des solutions pour qu’ils ne puissent plus ressurgir lors des scrutins futurs:
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Le traitement chaotique des candidatures.
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La mauvaise cartographie des Bureaux de vote.
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L’affichage tardif des listes électorales.
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Le nombre très élevé des omis sur les listes électorales.
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Le coût excessif de transport.
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Le non respect de la loi sur la passation des marches.
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Le désordre et le clientélisme dans les CLCR
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La complication et le volume des bulletins de vote surtout pour les électeurs en âge avancé
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Pas tous les témoins ont reçu les copies des procès verbaux des résultats.
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Le nombre important des personnes non enrôlées.
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Le retard dans la distribution du matériel électoral
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Epuisement des bulletins de vote à la mi-journée.
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La perte du matériel et des plis électoraux.
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La destruction des bureaux de vote.
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Violences et attaques contre les agents de la CENI.
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Sécurité du matériel sensible.
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Les directeurs ou propriétaires des écoles désignés de facto chefs de centres de vote et présidents des bureaux de vote et de dépouillement.
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La formation ou mauvaise formation en cascade des agents électoraux.
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Hostilité de certains partis politiques.
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Insuffisance de communication et absence de cadre de concertation avec la société civile et les medias.
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Le non-paiement à temps des primes et honoraires des agents électoraux et policiers.
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Echec et défaillance de l’éducation civique et électorale.
Notre liste n’étant pas exhaustive, nous vous encourageons à soulever toutes les difficultés que vous avez identifiées et que vous les ajoutiez dans la liste afin de chercher des solutions d’amélioration et de correction. En dépit de toutes ces faiblesses que, du reste, nous reconnaissons, les résultats annoncés sont justes et crédibles. Toutes ces difficultés énoncées, n’ont pas joué sur les résultats des urnes dans les deux scrutins».
Pour le déroulement des travaux, on a proposé les cinq commissions suivantes :
– Commission 1 : Aspects juridiques, financiers, administratifs et budgétaires ;
– Commission 2 : Logistique, sécurisation et archivage ;
– Commission 3 : Recrutement, formation, sensibilisation et communication ;
– Commission 4 : Opérations électorales et traitement des données;
– Commission 5 : Management et relations avec les porteurs d’intérêt.
Le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, président du bureau de la CENI, et ses collaborateurs s’attendaient sans doute à un entérinement automatique de leur rapport de travail, avant de passer aux étapes suivantes, celles de l’organisation des élections provinciales et locales.
Hélas, après les discours officiels d’ouverture, la journée du mercredi 11 avril a été celle d’une douche froide pour le staff de cette institution d’appui à la démocratie. Les bailleurs de fonds de la CENI, l’Union Européenne en tête, ont posé comme préalables à leur participation au financement des étapes futures du processus électoral un audit général des opérations électorales et des finances.
Les partenaires de la CENI exigent des réponses claires aux préoccupations soulevées dans les rapports des missions d’observation électorale tant nationales qu’internationales. Ils sont convaincus que le peuple congolais a été victime d’un hold up électoral qui appelle absolument réparation. Concrètement, la CENI devrait s’expliquer sur l’opacité du fichier électoral, l’enrôlement des enfants mineurs, des militaires et des policiers, l’inaccessibilité de son serveur, les doublons, la publication tardive des listes des électeurs et de la cartographie des bureaux de vote, l’acheminement tardif des kits électoraux et des bulletins de vote, les bulletins de vote parallèles en libre circulation avant les élections, les bulletins de vote cochés en dehors des bureaux de vote, l’absence des procès-verbaux des résultats, la compilation des résultats dans des villes et localités ayant enregistré des pertes de colis électoraux (cas de Kinshasa et de Mbuji-Mayi).
Tous les partenaires (Union Européenne, Coopération britannique, gouvernements occidentaux et américain) ayant participé au financement des élections tiennent à voir clair dans l’utilisation des fonds. A ce sujet, la CENI et le PACE/Pnud (Projets d’Appui aux Cycles Electoraux) sont spécialement épinglés. Obligation leur est faite d’éclairer la lanterne de tous sur la nature des dépenses engagées dans l’organisation technique et matérielle des élections.
L’audit financier s’avère aussi incontournable. A défaut, les robinets vont rester hermétiquement fermés. Ngoy Mulunda et son équipe sont appelés à se justifier à propos des allégations de détournement des fonds qui circulent autour de leur gestion.
Dans la foulée de l’atelier d’auto-évaluation, il a été donné d’apprendre que le gros des résultats diffusés par la CENI aurait été l’œuvre du travail de compilation d’un expert du PNUD, qui ne se serait appuyé sur aucun soubassement. En effet, les procès-verbaux qui auraient dû accompagner les résultats auraient fait gravement défaut.
En conséquence, les partenaires exigent qu’avant de reprendre les autres phases du processus électoral, le staff actuel de la CENI rende le tablier et que cette institution d’appui à la démocratie soit complètement restructurée. A leur avis, un nouveau pouvoir organisateur des élections, piloté par des personnalités intègres, compétentes et effectivement indépendantes, devrait voire le jour en lieu et place de la CENI, afin que les prochaines élections soient réellement libres, transparentes, démocratiques et apaisées.
Dans ce qui s’apparente à un processus de rélégitimation, le bureau de la Ceni, n’a pas pu compter sur l’UNC de Vital Kamerhe qui a décliné son invitation dans une lettre datée du 10 avril adressée à la Ceni. Pour l’UNC, il est plus qu’étonnant que la Ceni, acculée de toute part avec une pétition en circulation sur la démission de son bureau, se tourne maintenant vers l’opposition qu’elle a méprisée tout au long du processus électoral. Ayant réussi son forfait, avec la «réélection» de Joseph Kabila à la tête de la Rd-Congo avec une majorité plus que confortable à l’Assemblée Nationale, le Bureau de la Ceni veut se ré-légitimer avec cette fausse évaluation pour poursuivre le processus électoral (élections provinciales, municipales et locales). Elle est juge et partie et son président voulant prévenir les critiques, a déclaré que cette évaluation n’est pas un tribunal. Pour l’UNC fidèle à son plan de sortie de crise, la question de l’évaluation et de la gestion du processus électoral doit faire partie d’un mécanisme d’ensemble qui doit être abordé au cours d’un dialogue entre la classe politique et la société civile. Tout en reconnaissant à la Ceni le droit de s’auto-évaluer, l’UNC attend le débat général entre la majorité, l’opposition et la société civile avec l’implication de la communauté internationale pour faire l’évaluation du processus électoral. C’est à ce prix et à ce prix seulement que l’institution Ceni sera de nouveau légitime, ce qui est loin d’être le cas en ce moment où elle est honnie, car considérée comme un appendice du pouvoir. Ayant perdu toute légitimité et toute crédibilité même au sein de la majorité présidentielle, le bureau de la Ceni rendrait un grand service à la nation en démissionnant tout simplement, dignité oblige. Surtout que certains de ces membres sont impliqués dans des affaires de corruption et d’enrichissement illicite.
Le 19 avril, le président de la Ceni, Daniel Ngoy mulunda a clôturé l’atelier d’évaluation à mi-parcours des activités de la CENI. A en croire le Président de la CENI, le facteur temps a été le premier ennemi du processus électoral étant obligés, pour éviter le vide institutionnel au sommet de l’Etat, d’organiser les élections dans un délai très contraignant de 7 mois, dans lequel plusieurs paramètres de transparence et d’élection équitable et juste n’ont pas été pris en compte. Et, de poursuivre: ‘‘Cet atelier d’évaluation nous a permis de jeter les nouvelles bases pour mieux appréhender l’avenir mais en prenant en compte les faiblesses du processus passé’’. Ngoy Mulunda, au nom du Bureau de la CENI, a pris l’engagement de traduire en décisions toutes les recommandations formulées lors de cet atelier d’évaluation et de veiller à leur application.
– S’agissant du nombre élevé des omis sur les listes électorales, l’atelier a recommandé de mettre sur pieds, au niveau des antennes et du centre national de traitement (CNT), des mécanismes d’intégration d’électeurs possédant les cartes et dont les noms ne figuraient pas sur les listes affichées devant les bureaux de vote et de dépouillement.
– En ce qui concerne les faiblesses constatées dans la mise en œuvre de la cartographie pour les sites de vote et les BVD, l’atelier recommande de l’actualiser.
– S’agissant du questionnement sur le fichier électoral, il a été recommandé au management de la CENI de reprendre, dans le meilleur délai, le dialogue avec la classe politique.
– S’agissant de l’inscription des candidatures, il y a lieu à l’avenir de respecter scrupuleusement les termes de la loi électorale et des conditions d’éligibilité pour éviter le nombre élevé des candidats. – – Concernant le défaut de maîtrise des paramètres pour l’élaboration, l’exécution, la gestion du budget, il est recommandé au gouvernement de disponibiliser à temps les fonds destinés aux opérations électorales, de payer toutes les dettes vis-à-vis des fournisseurs et au management, de maîtriser dorénavant tous les paramètres et les éléments qui rentrent dans l’élaboration du budget électoral en vue d’en assurer une mise en œuvre adéquate.
– Les commandes et acquisitions du matériel électoral ont constitué une des faiblesses lors du processus passé. Les procédures de passation des marchés publics seront scrupuleusement respectées pour les prochaines élections. De même, devons-nous donner un temps raisonnable entre les commandes et le déploiement des matériels vers les hubs, sous hubs.
– En ce qui concerne la gestion des résultats au niveau des CLCR, il est vivement recommandé que les acteurs de la société civile puissent, à l’avenir, être intégrés non pas comme observateurs mais comme agents électoraux à part entière, pour renforcer la transparence et la crédibilité des scrutins futurs.
– Le calendrier pour les élections provinciales prévues fin janvier 2013, sera élaboré en privilégiant les exigences techniques et opérationnelles et non politiques comme celui de 2011 mais, en concertation étroite avec la classe politique, le gouvernement, les bailleurs de fonds extérieurs ainsi que l’assistance technique internationale de la MONUSCO et du projet PNUD/PACE.
b. AETA (Agir pour des élections transparentes et apaisées)
Au terme d’un atelier national organisé du 16 au 18 avril, à Kinshasa, sur l’évaluation du processus électoral, les ONG de la Société civile regroupées au sein de AETA (Agir pour des élections transparentes et apaisées) ont recommandé, entre autres, la tenue d’un dialogue politique entre les principaux acteurs impliqués et la restructuration de la CENI, comme voie de sortie à la crise postélectorale.
Dans sa synthèse des évaluations provinciales du processus électoral, le secrétaire permanent de AETA, Jérôme Bonso, a épinglé deux constats. Le premier est celui des déficiences techniques et logistiques des élections de novembre 2011. Des déficiences qui, selon lui, sont inhérent au manque de temps et au calendrier très contraignant du processus. Tandis que le second constat est relatif à l’éthique des faits et gestes posés par les acteurs de la CENI et qui ont sérieusement «entamé la crédibilité et la transparence des élections». Pour Jérôme Bonso, ces deux constats liés au processus «requièrent une réforme profonde imminente de la CENI et la crédibilisation du processus électoral à travers un calendrier électoral rationnel prenant en compte toutes les différentes élections devant concourir à la vraie démocratie participative».
C’est pourquoi elle propose, entre autres pistes de solutions l’organisation d’un dialogue politique pour une concertation entre les principaux acteurs impliqués ; la restructuration profonde de la CENI, de sa conception comme institution citoyenne ou institution politique bipolarisée et de sa composition.
Pour ce qui est de la restructuration de la CENI, les participants recommandent son audit externe et celui de PNUD/PACE. Ils ont également recommandé d’organiser l’évaluation externe de la CENI; procéder à l’audit du fichier électoral pour la crédibilité et la transparence du processus; instituer une plénière comme organe de décision, d’orientation et d’évaluation de la CENI ; instituer le bureau comme organe de gestion et d’exécution des décisions…
S’agissant de la composition du bureau, celui-ci devra comprendre des représentants de la Société civile (70%) et des partis politiques (30%). Quant à la plénière, elle devra être composée de 22 personnes représentant toutes les provinces de la RDC.
Parlant de la voie de sortie de la crise, AETA propose l’organisation d’un dialogue politique à format réduit et dans un très bref délai entre les acteurs impliqués dans la crise. Cette rencontre aura comme parties prenantes le président de la République et la Majorité; les principaux leaders de l’Opposition, la Société civile et la communauté internationale.
3. LA SOCIETE CIVILE S’INQUIETE DE L’ETAT SECURITAIRE
Du 9 au 13 avril, les membres du Réseau pour la Réforme du Secteur de Sécurité et de Justice (RRSSJ) se sont réunis au Centre Lassalien de Kintambo, dans la ville de Kinshasa, pour analyser la situation sécuritaire prévalant dans toutes les provinces de la République démocratique du Congo en général, et dans la partie Est en particulier.
Le réseau trace un tableau très sombre: il y a les tracasseries militaires, policières et administratives sur toute l’étendue du territoire national; la résurgence des groupes armés nationaux et étrangers, surtout dans la partie Est du pays; l’existence de commandements parallèles au sein de certaines Régions militaires en provinces; la défection au sein des Forces armées, avec le mouvement du général Bosco Ntaganda, de l’ex-Conseil national pour la défense du peuple (CNDP) du général déchu Laurent Nkunda. Le RRSSJ note aussi la commission massive des actes des violences sexuelles contre les femmes et les jeunes filles par des hommes armés incontrôlés ; les actes d’agression quasi systématiques des défenseurs des droits de l’homme, des organes de presse privés et des journalistes.
A cela, il faut ajouter les crises sécuritaires survenues avant, pendant et après les élections présidentielles et législatives de novembre 2011, l’usage abusif de la Police nationale à des fins personnelles, le recours à des «Pomba ou hommes forts» pour le maintien de l’ordre public, en lieu et place de la Police nationale. En outre, il fustige le phénomène tant décrié, sur toute l’étendue du territoire national, de détournement des soldes des agents de la Police nationale congolaise, des militaires et autres personnels du secteur de sécurité ; la résurgence de la criminalité urbaine avec les phénomènes «Kuluna» à Kinshasa, «Shégués» dans les autres provinces, «Maï Bobo» au Nord-Kivu et Sud-Kivu, «Suicidaires» au Kasaï Oriental, etc., la détérioration du tissu socio-économique.
Face à cette situation déplorable, les membres du Réseau pour la réforme du secteur de sécurité et de justice recommandent ce qui suit:
– Au président de la République de: rétablir l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national, de prendre des mesures urgentes et réalistes pour mettre fin à l’activisme des groupes armés nationaux et étrangers, de prendre des mesures urgentes tendant à accélérer le processus de la réforme de l’armée, de la Police nationale, des services étatiques de sécurité et de justice en vue de garantir la paix et la sécurité nationales.
– Au gouvernement, de: veiller sur la sécurité de la population victime des atrocités commises par les agents de la Police nationale congolaise, des Forces armées congolaises et de l’Agence nationale des renseignements; de prendre des mesures coercitives contre les groupes armés nationaux et étrangers; de prendre des mesures de sécurité conséquentes de lutte contre la criminalité urbaine.
– Au Parlement, de: proposer, voter et adopter toutes les lois relatives à la réforme de l’armée, de la Police nationale, des services de sécurité et de la justice.
– Au pouvoir judiciaire, de: lutter contre l’impunité des auteurs des cas d’insécurité à tous les niveaux, en disant le droit en toute indépendance.