SOMMAIRE
ÉDITORIAL: la «vérité des urnes», encore une priorité
1. POUR SORTIR DE LA CRISE POST-ELECTORALE
2. LA PUBLICATION DES RESULTATS PROVISOIRES DES LEGISLATIVES
3. LES STRATHEGIES D’ETIENNE TSHISEKEDI ET DE L’UDPS
4. LA VÉRITÉ DES URNES PAS ENCORE DÉVOILÉE
ÉDITORIAL: LA «VERITE DES URNES», ENCORE UNE PRIORITE
1. POUR SORTIR DE LA CRISE POST-ELECTORALE
Le 20 janvier, dans un communiqué, le Secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, recommande l’apaisement et le respect des principes démocratiques dans la poursuite du processus électoral. Selon le texte, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) offre sa disponibilité d’accompagnement, précisant qu’elle ne prend position en faveur d’aucune partie au processus électoral. Pour le secrétaire général de la Francophonie, il est impérieux que toutes les dispositions soient prises par les institutions concernées, afin que le processus électoral se poursuive dans les meilleures conditions de rigueur, de transparence et d’équité. Selon Abdou Diouf, l’intérêt supérieur du pays exige que tout recours à la violence et à la provocation soit évité. Il recommande notamment un traitement plus responsable et plus impartial des résultats des élections législatives.
Et en cas de contestations, le secrétaire général de l’OIF conseille de ne recourir qu’aux voies légales. Il invite également la Cour suprême de justice à dire réellement le droit au cours des contentieux électoraux.
Le 23 janvier, en réagissant à la déclaration du secrétaire général de l’OIF, le secrétaire exécutif adjoint chargé des affaires politiques au Mouvement pour la libération du Congo (MLC), le député Jean Lucien Bussa, a soutenu l’idée d’un dialogue inclusif pour calmer la tension. Jean Lucien Bussa espère que ce dialogue aboutisse «au recomptage des voix de la présidentielle».
Pour ce député de l’opposition, «la politique n’est que le dialogue permanent. Maintenant que le processus est biaisé par le fait de la tricherie à grande échelle, il faut penser à une approche technique avec le recomptage des tous les bulletins». Le parti de Jean-Pierre Bemba se dit opposé à un dialogue «pour le partage des postes, sans tenir compte des irrégularités enregistrés au cours des élections du 28 novembre dernier».
Le 25 janvier, après un séjour infructueux en RDCongo du 5 au 13 janvier 2012, les experts électoraux du NDI (Institut national démocratique pour les affaires internationales) et de l’IFES (Fondation internationale pour les systèmes électoraux) ont affirmé, dans une déclaration, qu’il faut une évaluation générale du processus électoral. Telle est la recommandation qu’ils suggèrent aux officiels congolais, notamment ceux ayant en charge l’organisation et la gestion des élections.
Pour ce faire, «La mission conjointe conclut qu’une participation significative de tous les acteurs concernés et l’accès à tous les matériels électoraux pertinents (serveur central, fichier électoral, cartographie des bureaux de vote, etc.) sont nécessaires pour une évaluation générale», souligne la déclaration. L’Ifes et le Ndi confirment leur disponibilité à appuyer une telle évaluation au cas où leur assistance serait sollicitée.
Le 26 janvier, le secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix, Hervé Ladsous, a rencontré des membres de l’opposition congolaise au quartier général de la Monusco à Kinshasa. Ils ont échangé sur la situation de droits de l’homme en RDC et le processus électoral. Les opposants congolais ont notamment soumis au diplomate onusien leurs préoccupations au sujet des élections présidentielles et législatives du 28 novembre.
Au terme de la rencontre, parlant de l’élection présidentielle, Vital Kamerhe, président de l’Union pour la nation congolaise (UNC) et ancien candidat à l’élection présidentielle, a demandé le recomptage des voix pour «rétablir la vérité des urnes».
«D’un côté, le président Etienne Tshisekedi, légitime parce qu’élu par le peuple. De l’autre côté, le président Joseph Kabila proclamé par la Ceni et confirmé par la Cour suprême de justice. Pour rétablir la vérité des urnes et la justice pour tout le monde, il faut recompter les voix pour la présidentielle et là on ne prend pas toutes les provinces. On peut prendre quelques provinces test comme le Katanga, Kinshasa, le Kivu, le Kwilu et la Province Orientale», a déclaré le président de l’UNC.
Le 27 janvier, le sénateur belge Philippe Moureaux (PS) a suggéré un recomptage des voix exprimées lors des élections présidentielles et législatives.
«Tout comme lors du scrutin présidentiel, les résultats du scrutin législatif partiellement publiés sont déjà contestés. Le pouvoir hésite d’ailleurs à les publier», a indiqué M. Moureaux, qui est aussi ministre d’Etat, dans un communiqué.
« Lorsque la dénonciation des élections émane de milieux aussi divers il y a lieu de s’interroger sur la fiabilité et la crédibilité de l’ensemble du processus », a ajouté l’ancien ministre.
« Face à une telle suspicion, la communauté internationale ne peut plus se contenter d’observer. Elle se doit, dans sa grande sagesse, tirer les conclusions qui s’imposent et agir en conséquence : il faut demander avec force que l’on procède au recomptage des voix afin que la vérité des urnes apparaisse. Si cela s’avère impossible, l’exigence de nouvelles élections contrôlées de a à z par une instance neutre s’imposerait».
Le 28 janvier, à la suite de l’OIF et du secrétaire général adjoint de l’Onu chargé du maintien de la paix, la plate-forme AETA (Agir pour des élections transparentes et apaisées) préconise la tenue du dialogue inclusif pour mettre un terme à la crise postélectorale en RDC.
Les ONG membres de AETA constatent que le processus électoral en cours est «souillé par des tentatives de tricherie et des actes de corruption, qui jettent un voile de suspicion et des doutes sur la crédibilité des résultats publiés et la transparence du processus électoral. Conséquence, la RDC est en proie à une crise politique aiguë, principalement consécutive à ce manque de crédibilité des résultats publiés». Par conséquent, les ONG membres de AETA en appellent au sens de responsabilité des acteurs politiques congolais, de la CENI ainsi que de la communauté tant nationale qu’internationale sur la nécessité d’entreprendre des actions urgentes, en vue de trouver une solution durable à cette crise.
Au regard de ce qui précède, les ONG de la Société civile, membres de AETA, recommandent au Conseil de sécurité de l’Onu, au Conseil de paix et de sécurité de l’UA et à l’OIF de faciliter l’initiation d’un processus visant à faire triompher la vérité des urnes. Elles leur demandent de désigner rapidement des experts internationaux indépendants comme médiateurs de la crise de légitimité à la tête du pays et d’user de leur autorité pour pousser les dirigeants actuels de la RDC à s’ouvrir à l’éventualité du changement et de l’alternance politique.
Quant à la Cour suprême de justice, il lui est recommandé d’examiner en profondeur des dossiers en règlement du contentieux électoral et l’annulation des résultats électoraux là où il est constaté des fraudes et irrégularités avérées; l’application de la loi de la manière la plus rigide et impartiale à l’endroit de tous les auteurs et complices de nombreuses fraudes électorales quel que soit leur rang.
Au peuple congolais, les ONG membres de AETA demande de faire montre du même sens civique que celui constaté lors du déroulement du scrutin; de prendre ses responsabilités citoyennes et patriotiques pour la consolidation de sa démocratie qu’il a chèrement acquise, notamment en se rendant prêt à toute mobilisation visant le rétablissement de la vérité des urnes et la crédibilisation du processus électoral ; de s’abstenir des actes de violences, de s’impliquer dans les actions de pression à l’égard des acteurs politiques pour la tenue du dialogue.
Le 30 janvier, à Kinshasa, à l’issue d’un échange de vues avec le vice-ministre congolais des Affaires étrangères, Ignace Gata Mavita, le directeur régional pour les Grands Lacs de l’Union Européenne (UE), M. Koen Vervaeke, a affirmé que l’UE suit attentivement le processus électoral en cours. « Nous avons pris note des résultats et nous encourageons la CENI et toutes les institutions qui interviennent dans ce domaine à jouer la transparence et à assurer la crédibilité du processus », a déclaré M. Vervaeke. Le directeur régional pour les Grands Lacs de l’UE a encouragé les candidats qui contestent les résultats des législatives à saisir la Cour suprême de justice qui, selon lui, doit jouer son rôle en toute impartialité et en toute transparence. Il a recommandé aux acteurs politiques congolais de tirer les leçons du dysfonctionnement du processus, en vue de faire mieux pour les échéances provinciales et locales à venir. Au sujet des questions sécuritaires, il a indiqué qu’il y a eu des allégations des violations des droits de l’homme, durant la période électorale, sur l’ensemble du territoire national. Il faudrait que « les autorités fassent leurs investigations et que la justice fasse son travail en toute transparence », a-t-il conclu.
Le 30 janvier, en occasion du 18ème sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, une délégation de membres de l’opposition a introduit auprès du bureau de la présidence du sommet et au Conseil de sécurité et de paix de l’Union Africaine un plan de sortie de la crise post-électorale, prévoyant un recomptage des voix. Le plan a été remis, en privé, à une quinzaine de Chefs d’Etat africains aussi. Le plan de sortie de crise, signé par plusieurs partis de l’opposition parmi lesquels l’Union pour la démocratie et le progrès social (UPADS) de Etienne Tshisekedi et l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamhere, demande à l’Union africaine de désigner un médiateur pour discuter avec toutes les parties congolaises d’un consensus de sortie de la situation post-électorale.
Les opposants congolais suggèrent également de comparer les résultats de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à ceux des candidats et des observateurs internationaux.
«Il faut organiser une nouvelle élection présidentielle au cas où l’opération de recomptage des voix s’avère difficile», propose le plan de sortie de crise qui demande la reprise des élections législatives seulement dans les circonscriptions électorales où il y a des contestations.
Pour l’opposition congolaise, la sortie de crise passe par la désignation d’une nouvelle personnalité consensuelle à la tête de la CENI dont la composition devra être revue. «La majorité des forces politiques du changement et de la société civile désigneront chacune deux personnes pour les représenter au sein du Bureau de la CENI, dont toutes les fonctions administratives et financières seront confiées à la MONUSCO (Mission des Nations unies pour la stabilisation en République Démocratique du Congo», ajoute le document. Il propose par ailleurs de procéder au nettoyage du fichier électoral et à la publication des listes électorales conformément à la loi et de requérir la participation des experts africains et internationaux à toutes les phases du processus.
Le 2 février, dans un communiqué, le Réseau européen pour l’Afrique Centrale (EurAc) tient à exprimer son inquiétude par rapport au déroulement du processus électoral. La crise politique qui s’en est suivie hypothèque la stabilité institutionnelle du pays, peut mener à la violence et donne des arguments à ceux qui cherchent le désordre. Il résulte des élections congolaises un Président faible qui souffre d’une grave crise de légitimité et qui, dans la situation actuelle, n’est pas à même de répondre aux défis majeurs auquel fait face la RDC tant en terme de maintien de l’ordre et de la sécurité qu’en terme de développement.
Compte tenu de la situation actuelle, l’Union Européenne et ses Etats membres devraient adopter une position forte et cohérente pour :
– Contribuer à renforcer le dialogue entre les acteurs politiques congolais tout en favorisant l’implication de la société civile et encourager ces derniers à trouver une solution concertée et réaliste à cette crise postélectorale;
– Peser afin que le processus électoral, qui n’est pas encore clôturé, soit conduit de façon à évaluer et tirer des leçons du processus tel qu’il a été mené jusqu’à présent. Il s’avère fondamental de s’assurer que la RDC remette sur pied une Commission Electorale Nationale Indépendante crédible et légitime et adopte une loi électorale qui puisse assurer le respect des fondements démocratiques et la participation active de tous les acteurs politiques et sociaux dans la tenue des élections provinciales et locales;
– Peser afin que le cycle électoral aille à son terme avec la tenue d’élections provinciales et locales et afin que soit mis en place un processus de décentralisation effectif, seule garantie d’une participation effective des citoyens à la vie politique du pays et d’une amélioration de la gouvernance démocratique;
– S’engager dans le soutien à l’éducation civique, seule manière de réaliser l’appropriation du processus de démocratisation par la population et de protéger celle-ci des manipulations qui ont engendrés des violences lors des échéances précédentes. C’est un enjeu d’autant plus important que le risque est grand qu’une classe politico-militaire s’approprie le processus au détriment des principes de démocratie et de justice, pour lesquels les acteurs de la société civile congolaise se battent depuis longtemps ;
– Prendre position vis-à-vis du processus électoral et des résultats du scrutin présidentiel de manière forte, cohérente et concertée entre tous ses Etats membres et profiter de la programmation du Fond Européen de Développement (FED), prévue en 2012, pour définir une stratégie politique commune, à la mesure de l’importance de la RDC dans la région.
2. LA PUBLICATION DES RESULTATS PROVISOIRES DES LEGISLATIVES
Le 26 janvier, en pleine nuit, la Commission électorale a annoncé ses résultats provisoires partiels des législatives. 432 députés sur les 500 sièges ont été déclarés élus (87 %); les autres devront attendre, car la compilation des résultats n’est pas encore terminée.
Le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), du président Kabila, obtient 58 des 432 sièges. Le PPRD avait obtenu 111 sièges lors des précédentes législatives de 2006. En deuxième position arrive le parti de l’opposant Etienne Tshisekedi, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), avec 34 sièges. L’UDPS avait boycotté les élections de 2006. Le Mouvement de libération du Congo (MLC), recueille 20 sièges. Le MLC était le principal parti d’opposition à l’Assemblée en 2006, avec 64 sièges. Sur les 432 députés figurent 44 femmes. Il manque encore des sièges à pourvoir.
La Ceni a annoncé la publication des résultats restants dans les prochains jours, probablement le 30 janvier. Il s’agit notamment des résultats de trois circonscriptions de Kinshasa ainsi que ceux de Popokabaka (Bandundu), Kongolo (Katanga), Rutshuru (Nord-Kivu), Mbuji-Mayi (Kasaï-oriental).
Le Ceni compte, en outre, réorganiser les élections dans six circonscriptions électorales «affectées par des violences». Il s’agit de: Kiri dans le Bandundu, Ikela à l’Equateur, Punia au Maniema, Masisi au Nord-Kivu, Kole et Lomela au Kasaï-Oriental, Demba au Kasaï-Occidental.
Le président de la Ceni a proposé de recourir à la Cour suprême de justice (CSJ) pour trancher des cas d’irrégularités.
La Commission électorale a annoncé avoir demandé à la cour suprême de justice -qui proclamera les résultats définitifs d’ici deux mois après examen des probables recours- l’annulation du scrutin dans 7 des 169 circonscriptions à cause de violences ou incidents lors du vote, de même que des poursuites judiciaires pour une quinzaine de candidats accusés de violences.
L’ancienne Alliance pour la majorité présidentielle (PPRD, Palu, MSR, ARC, Cofedec, Unadef, Unadec et CCU) compte déjà 128 députés. Les nouveaux partis signataires de la charte de la MP ont 74 sièges, portant à 202 le nombre de députés de cette plate forme. A ce nombre, il faudrait ajouter les députés fournis par les partis qui ont raflé un à quatre sièges. Compte tenu de cette configuration, l’ancienne majorité risque d’être reconduite d’autant plus que la somme des députés de grands partis de l’opposition (UDPS, MLC, UNC, RCD-KML, UFC) atteint à peine 80 élus.
Le 1er février, la Ceni a publié tard dans la soirée les derniers résultats provisoires des élections législatives. Il s’agit des résultats des centres de compilation de Mbuji-Mayi (Kasaï-Oriental), Kongolo (Katanga), Popokabaka (Bandundu), Rutshuru (Nord-Kivu) ainsi que ceux de Tshangu, Lukunga et Mont-Amba (Kinshasa).
Selon les résultats provisoires de la Céni, le camp présidentiel obtient autour de 260 sièges sur les 500 de l’Assemblée nationale, et l’opposition autour de 110. La Céni n’a pas donné le taux de participation. Il manque les résultats de sept circonscriptions -soit 17 sièges- pour lesquelles la Céni a demandé l’annulation du scrutin notamment à la suite de violences lors du vote.
Le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), du président Kabila, est en tête avec 63 sièges. Le PPRD perd 40% environs des votes obtenus en 2006. En deuxième position arrive le parti de l’opposant Etienne Tshisekedi, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), avec 41 sièges. L’UDPS avait boycotté les élections de 2006 et devient la première force d’opposition.
Parmi les partis membres de la Majorité Présidentielle, une dizaine a obtenu entre 10 et 30 sièges, avec en tête le Parti du peuple pour la paix et la démocratie (PPPD, 30 élus) et le Mouvement social pour le renouveau (MSR, 28). Une dizaine d’autres ont recueilli autour de 5 sièges.
Côté opposition, deux partis seulement se détachent derrière l’UDPS: le Mouvement de libération du Congo (MLC, 22 sièges) de Jean Pierre Bemba, et l’Union pour la nation congolaise (UNC, 17 élus), créé en 2010 par Vital Kamerhe. Une centaine de partis seront représentés à l’Assemblée, dont la plupart avec seulement un ou deux sièges.
Le président de la Ceni, Daniel Ngoy Mulunda, a lancé des mises en gardes à l’égard des témoins qui, selon lui, ont donné des faux résultats à leurs candidats. «Les témoins ont communiqué de faux rapports aux candidats, désorientant ainsi ces derniers. Certains témoins ont même créé leurs propres fiches de résultats», a-t-il expliqué.
A la suite des critiques, la Céni a indiqué qu’une évaluation du processus électoral sera faite fin février, avant l’annonce d’un nouveau calendrier pour la suite du cycle d’élections (provinciales, sénatoriales, locales).
3. LES STRATHEGIES D’ETIENNE TSHISEKEDI ET DE L’UDPS
Le 20 janvier, Etienne Tshisekedi, autoproclamé « président élu » de République, a tenu une conférence de presse à son domicile à Limete-Kinshasa, où plusieurs journalistes n’ont pas pu accéder, la police ayant bouclé le quartier. Quelque 150 partisans de l’UDPS n’ont également pas pu approcher la résidence. Pour Serge Mayamba, secrétaire national de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), « ce climat confirme ce que nous avons toujours dénoncé: la mise en résidence surveillée du président Tshisekedi ».
Les « points forts » de sa déclaration ont été rapportés sur les sites internet de « l’opposition politique congolaise ».
M. Tshisekedi a annoncé:
– qu’il était «officiellement entré en fonction comme chef de l’Etat élu du peuple»,
– qu’il considérait comme « nulles » les législatives,
– qu’il formera un gouvernement « la semaine suivante », sur la base de la nécessité et l’urgence
– qu’il gouvernera par ordonnance et décrets-lois, jusqu’à la mise en place des institutions élues sur la base d’un véritable recensement de la population et l’organisation d’élections à tous les niveaux »,
– qu’il prévoyait « un recensement général de la population dont la réalisation a été confiée à «une société suisse», avant des élections locales et de nouvelles législatives nationales ».
M. Tshisekedi rejette par ailleurs « toute hypothèse de table ronde ou autre solution de compromis », comme l’avaient proposé trois autres candidats de l’opposition battus à la présidentielle, dont le président du Sénat Léon Kengo.
Après avoir indiqué qu’il lui fallait le soutien de la force publique, il a demandé à celle-ci de lui faire allégeance, car «l’armée et la police sont acquises au changement».
Il a, enfin, décidé de se rendre au Palais de la Nation, «symbole et siège du pouvoir».
Le 26 janvier, la police a empêché Etienne Tshisekedi de se rendre au Palais Présidentiel. La police l’a bloqué aux abords de sa résidence et a dispersé, avec des gaz lacrymogènes, des petits groupes de partisans, peu nombreux, venus pour « l’accompagner ». La police a procédé à quelques interpellations aussi. Les jours précédents, le parti de Tshisekedi, l’UDPS, avait appelé les Congolais à se « mobiliser massivement » pour « accompagner » leur leader « à son bureau de travail au Palais de la nation ».
Le 27 janvier, pour faire plier le pouvoir en place, Etienne Tshisekedi a lancé un appel à la grève générale sur l’ensemble du territoire national depuis le 30 janvier et « jusqu’à nouvel ordre ». M. Tshisekedi a également ordonné aux députés de l’UDPS «nommés » par la CENI, de ne pas aller siéger dans la future Assemblée nationale. Le leader de l’UDPS a une nouvelle fois demandé aux militaires comme aux civils d’arrêter M. Kabila partout où il se trouverait et de le lui livrer ligoté et vivant, afin que l’on puisse le juger pour les crimes qu’il a commis sur le sol congolais. Il menace également de considérer comme « venant d’un pays ennemi du peuple congolais » tout diplomate qui « irait présenter ses voeux de nouvel an » au président Kabila.
Le 30 janvier, l’appel à la grève générale lancé par le dirigeant d’opposition Etienne Tshisekedi a été diversement suivi dans les principales villes du pays.
A Kinshasa, le mot d’ordre n’a visiblement pas eu d’écho: commerces, écoles, ministères étaient ouverts. Le trafic routier était aussi dense que d’habitude. « Si nous faisons la grève, qu’allons-nous manger? Le Congolais mange au jour le jour, faire une grève c’est nous tuer », a expliqué Marie, une vendeuse d’oignons dans un quartier de la capitale. Quant à Robert, un fonctionnaire, comme d’autres Kinois il n’avait pas entendu parler de l’appel à la grève. Il l’a appris en arrivant au travail, en voyant que « certains bureaux étaient restés fermés ». Même situation à Mbandaka, dans le nord-ouest, et dans la ville portuaire de Matadi, dans l’ouest.
En revanche, les principales villes des deux provinces du Kasai, dans le centre du pays, ont été paralysées. A Mbuji-Mayi, dans le Kasai oriental, marchés, boutiques, commerces et écoles étaient fermés. De nombreuses personnes sont restées chez elles, même si la police a encouragé la population à vaquer normalement à ses occupations. A Kananga, capitale du Kasaï-Occidental voisin, plusieurs écoles et établissements publics sont restés fermés, mais « dans l’après-midi, les commerçants ont commencé à sortir et essayer de vendre un petit rien pour subvenir aux besoins de la famille », a indiqué la Société civile du Congo (Socico). A Mbuji-Mayi l’opposant a obtenu plus de 97% des suffrages, et à Kananga près de 96%, selon les résultats officiels de la Commission électorale nationale indépendante (Céni).
À propos de la présidentielle, l’UDPS ainsi que plusieurs partis de l’Opposition continuent de contester les résultats compilés par la CENI. L’UDPS et ses «alliés» persistent à croire que la volonté du peuple congolais, telle qu’exprimée dans les urnes et actée dans les bureaux de dépouillement, n’a pas été respectée. À cause de cela, l’UDPS a lancé l’opération «villes mortes» sur toute l’étendue du Pays, des manifestations destinées à exiger le respect de la vérité des urnes, mieux à obtenir la reconnaissance, par la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), de la victoire d’Etienne Tshisekedi à l’élection présidentielle du 28 novembre 2011. Selon l’état-major politique d’Etienne Tshisekedi, les opérations « villes mortes » à déclencher le vendredi à partir de 03 février devraient se poursuivre jusqu’à ce que le peuple congolais obtienne gain de cause, c’est-à-dire l’entrée en fonction de celui qu’il a plébiscité dans les urnes.
Le déclenchement des opérations « villes mortes » annoncé par l’UDPS pour ce vendredi 03 février 2012, est remis à plus tard. Les raisons avancées pour justifier ce changement de calendrier se trouvent dans la nécessité, pour l’UDPS et ses partenaires politiques et sociaux, de réfléchir davantage aux stratégies les plus efficaces à mettre en œuvre pour atteindre leur objectif commun, à savoir le refus catégorique de cautionner le hold up électoral.
Une première évaluation.
En application de la consigne de Tshisekedi, les députés élus de l’Opposition vont-ils suivre le lider maximo dans sa logique d’annuler les législatives? Vont-ils renoncer aux mandats acquis? En majorité Tshisekedistes, les candidats députés nationaux de l’Opposition seront-ils conséquents avec eux-mêmes en considérant comme biens mal acquis les mandats obtenus d’un scrutin législatif «entaché de graves irrégularités qui remettent en question la crédibilité des résultats publiés»? La crise politique voulue nationale pourrait faire ses premiers dégâts au sein de l’Opposition pro-Tshisekedi.
Le 23 décembre 2011, à l’occasion de la cérémonie d’investiture d’Etienne Tshisekedi en qualité de président de la République, l’opposition a considéré la résidence de Limete comme le nouveau siège du chef de l’Etat congolais. Presque un mois après, elle se rend bien à l’évidence: le siège de l’Institution «Président de la République» n’a jamais été à Limete, mais plutôt à Gombe, au Palais de la Nation.
En prêtant serment non devant la Cour suprême de justice mais devant ses partisans et alliés, Etienne Tshisekedi s’est «solennellement» engagé à respecter la Constitution et les lois du pays. Et voilà que, de façon unilatérale, il annule de sa propre volonté les élections législatives, tout en gardant l’élection présidentielle, pourtant organisées toutes les deux dans le même contexte de temps et de lieu et avec les mêmes irrégularités. Il avertit aussi l’opinion publique qu’il formera son gouvernement. Après l’annulation des législatives, pour le président national de l’Udps, l’absence d’une Assemblée nationale ne constitue nullement un obstacle à la formation de son Gouvernement. Pour contourner ce qui semble être un vide juridique, Etienne Tshisekedi dit qu’il gouvernera par voie d’ordonnances et Décrets-lois. Ce, en attendant l’organisation de nouvelles élections crédibles, transparentes et démocratiques, à l’issue desquelles sortira une nouvelle Assemblée nationale.
En d’autres termes, il dissout le parlement et s’empare des prérogatives du gouvernement.
Sans Parlement, il prend le risque de gouverner, lui aussi, «par défi», de prolonger un régime de dictature et de retarder le processus de démocratisation du Pays.
L’éventuel boycott de l’hémicycle par l’UDPS relance la question de la politique de la chaise vide qui a souvent desservie le peuple et même l’opposition. Cela reviendrait à supprimer le seul résultat véritablement démocratique et satisfaisant qui soit jusqu’ici sorti de ce scrutin cafouilleux: réinscrire l’UDPS dans le paysage politique institutionnel, en tant que parti majeur de l’opposition, au lieu d’être confiné dans un rôle marginal d’opposition extraparlementaire.
En demandant à ses députés de ne pas siéger au parlement, Tshisekedi a pris un risque, celui de voir certains de ses députés le désavouer en allant siéger à la chambre basse du parlement. D’ici peu, l’UDPS risque d’entrer dans une zone de turbulence qui la déstabiliserait une fois plus, en lui provocant la perte d’une partie de ses cadres. En tout cas, cette position de Tshisekedi met mal à l’aise certains députés de l’UDPS qui estiment que, en politique, on ne gagne pas tout et tout de suite, il faut y aller progressivement. Cette nouvelle prise de position de Tshisekedi éloigne davantage la RdCongo d’une sortie de crise négociée comme le suggère la communauté internationale.
4. LA VÉRITÉ DES URNES PAS ENCORE DÉVOILÉE
Le résultat des élections congolaises est à peu près le pire que l’on puisse imaginer: des résultats réels inconnus, des résultats officiels auxquels personne ne croit, une Cour Suprême qui n’a pas le courage d’annuler des résultats que tout le monde sait frauduleux, deux hommes qui se prétendent «élus» à la Magistrature suprême, avec chacun leur version de la «vérité des urnes».
Interpelant le Ministre belge des Affaires Etrangères, le Sénateur Dallemagne résumait ainsi la situation telle qu’elle était fin décembre 2011: «À propos des élections présidentielles, tous les rapports montrent que les fraudes ont été massives et ce à toutes les étapes, y compris celle de la compilation des résultats. Tout cela démontre qu’en réalité … on ne peut vraiment pas dire qui d’entre les deux, Joseph Kabila ou Etienne Tshisekedi, a vraiment gagné les élections présidentielles et toute personne qui se veut être de bon compte doit avouer que l’on ne connaît pas le résultat du suffrage du peuple congolais et donc, la volonté de ce dernier. À moins de disposer d’informations totalement différentes, on ne peut, aujourd’hui, affirmer que l’ordre des résultats n’est pas modifié par les fraudes constatées lors de l’élection présidentielle».
Comme on sait, la présidentielle a fait l’objet d’une proclamation provisoire des résultats par la CENI, puis d’une proclamation officielle par la CSJ, sur quoi Kabila a prêté serment. De son côté, Tshisekedi s’est proclamé vainqueur d’après ses propres chiffres et a prêté serment lui aussi. En ce qui concerne les législatives, le dépouillement et la compilation des résultats se sont poursuivis au milieu de protestation encore plus nombreuses que pour la présidentielle.
Ce fait lui-même interpelle. En fait, il semble que l’on traite les résultats des deux élections comme si elles étaient distinctes, presque comme si elles avaient eu lieu sur deux planètes différentes, alors qu’il s’agit de votes qui ont eu lieu le même jour, dans les mêmes bureaux, avec les mêmes électeurs et les mêmes agents. Il est fatal que la crédibilité de l’une rejaillisse sur l’autre. On ne peut pas accepter des présidentielles «acceptables» et, dans le même temps, des législatives «cafouilleuses».
En réalité, l’on ne connaît pas la «vérité des urnes». La thèse officielle suivant laquelle «les erreurs ne paraissent pas de nature à remettre en cause l’ordre des résultats» n’est démontrée nulle part, ni dans le rapport de l’UE, ni dans le rapport de la Fondation Carter, qui est d’ailleurs souvent cité de manière erronée. Cette thèse n’a été affirmée jusqu’ici que par le pouvoir congolais, par les observateurs de l’Union Africaine (UA) et par le ministre belge des Affaires Etrangères, Didier Reynders – non par le gouvernement belge qui a parlé de «reconduction» de JKK, non de sa «réélection».
La thèse UDPS de la victoire «évidente» de Tshisekedi n’est pas davantage confirmée. Tous les autres avis (Cenco, MOE-UE, Centre Carter, etc…) se bornent à constater un chaos indescriptible d’où il ressort que les résultats officiels sont hautement suspects, mais restent dans le vague quant aux divergences constatées entre les résultats proclamés et ceux qui découleraient de l’addition des PV de bureaux, seuls documents peut-être encore disponibles, les bulletins de vote ayant été abandonnés à la merci du vent et de la pluie, perdus ou détruits.
Ce qui devrait être évident pour tout le monde est que les critiques ont concerné l’ensemble du processus électoral. On ne peut donc dissocier les deux scrutins et les traiter de façon différente. La présidentielle est l’objet d’autant de points d’interrogation que les législatives. Mais les deux «vainqueurs possibles» veulent une dissociation complète des scrutins et le maintien des résultats de la présidentielle. Bien entendu, cela n’a pas le même sens chez JKK que chez ETwM, mais le fait est là: de part et d’autre, c’est «changez tout ce que vous voulez, pourvu que je sois le président». Il faudrait donc tout annuler.
Toutefois, faire annuler une élection est extrêmement difficile. On obtient dans une infime minorité des cas une annulation partielle – p.ex. dans une commune sur l’ensemble des municipales. Dans le cas d’élections nationales, il n’y a qu’un précédent: l’Ukraine. En 2004, les soupçons de fraude électorale y ont entraîné d’importantes manifestations de rue, la révolution orange. Sous la pression, le second tour de l’élection présidentielle a été réorganisé le 26 décembre 2004. La pression de la rue était sans doute l’arme sur laquelle comptait Tshisekedi. Elle tarde à se manifester…
Cela ne signifie nullement qu’il faut cesser de réclamer la «vérité des urnes».
Faute d’une «vérité des urnes» pour les départager, faute de pouvoir organiser de nouvelles élections à court terme si l’on ne veut pas qu’elles retombent dans les mêmes errements (car le préalable indispensable d’un recensement de la population qui exige du temps, se posera toujours), il faut s’attendre à voir suggérer les formules de «conciliation» et de «partage» les plus abracadabrantes et l’on aboutira à une concertation qui ne serait qu’une sorte de «redistribution des cartes à l’intérieur du joséphisme», sans trop se soucier de la véritable opinion des électeurs.
Le parti de Jean-Pierre Bemba se dit opposé à un dialogue «pour le partage des postes, sans tenir compte des irrégularités enregistrés au cours des élections du 28 novembre dernier». Pour Jean Lucien Busa, secrétaire général chargé des affaires politiques du MLC de Jean-Pierre Bemba, seul un dialogue qui aboutirait au recomptage des voix de la présidentielle pourrait résoudre la crise politique en RDC.