Congo Actualité n. 129

SOMMAIRE:

ÉDITORIAL

PROCESSUS ÉLÉCTORAL

Dépôt des candidatures aux élections présidentielles et législatives
Violence pré-électoral à Kinshasa

KIVU

La psychose de l’invasion rwandaise
Les possibles retombés de la visite de Paul Kagame à Paris sur le Kivu

JUSTICE

A propos du projet de loi établissant une Cour spécialisée mixte

 

ÉDITORIAL

Le processus électoral évolue en dents de scie. Les élections de novembre 2011 ne semblent rassurer personne. Tous les ingrédients sont réunis pour une éventuelle dérive avant la date fatidique du 28 novembre 2011. L’escalade verbale est allée crescendo jusqu’à atteindre des proportions inquiétantes, en l’occurrence la violence: des manifestations réprimées, des journalistes brutalisés, des bureaux des partis politiques incendiés, mort d’homme.

La tension est vive et le climat délétère. Avec risque de faire tache d’huile sur l’ensemble du territoire national. Le fond du problème, assurent tous les observateurs avisés, c’est l’homme politique congolais. Tous les acteurs politiques, toutes tendances confondues, semblent ignorer l’abc du processus électoral. Autant ils ont acclamé l’avènement de la démocratie, autant ils s’ancrent dans l’intolérance politique. Aberration ou absence de jugeote? Sont-ils poursuivis par leur passé dictatorial où prédominait la pensée unique? Tout porte à le penser. Car, il est aberrant d’accepter le système démocratique et, au même moment, s’ancrer dans l’intolérance politique.

Respecter les règles du jeu est le gage de réussite d’un processus électoral apaisé. Un consensus minimal parmi les acteurs impliqués dans le processus électoral est de nature à éviter à la nation un nouveau cycle de violence. Déjà, le fait d’enregistrer des violences à ce stade pré-électoral est un signal négatif pour la suite. Les élections, il faut les tenir absolument pour ne plus replonger le pays dans le cycle infernal d’illégitimité et d’interminables transitions ponctuées des négociations et «partage équitable et équilibré du pouvoir».

La violence appelle d’autres violences. Le pays n’en a pas besoin, après des millions de morts.

Un mort de plus est de trop pour assurer la tenue d’élections libres, démocratiques et transparentes.

L’adhésion de tous au Code de bonne conduite placerait tous les protagonistes politiques devant leurs responsabilités pour que, dans un sursaut d’orgueil, ils s’abstiennent de tout comportement narcissique qui ne serait que de l’huile sur le feu.

L’éducation politique et civique des militants est en premier lieu du ressort de responsables des partis politiques, tant de la Majorité que de l’Opposition. Verser dans la provocation pour pousser l’autorité à la faute est une tactique qui ressemble à un couteau à double tranchant. Car, tout dépend toujours de cette capacité à maîtriser la situation avant qu’elle ne devienne incontrôlable.

L’appel à l’apaisement lancé par tous les protagonistes doit être entendu et suivi. Il ne sert à rien d’embraser l’édifice. Pour y parvenir, le respect des règles du jeu doit s’imposer à tout le monde.

PROCESSUS ÉLÉCTORAL

Le 18 août, l’Association africaine de défense des droits de l’Homme (ASADHO) attire l’attention de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sur la question de la double nationalité.

Le président national de cette Ong, Jean-Claude Katende, invite la Ceni à rejeter toutes les candidatures des congolais détenant une double nationalité. Jean-Claude Katende affirme qu’une personne perd la nationalité congolaise dès qu’elle acquiert une nationalité étrangère.

Aux termes de l’article 10 de la Constitution de la République Démocratique du Congo, la nationalité congolaise est une et exclusive et elle ne peut être détenue concurremment avec une autre, rappelle-t-elle, soulignant que toute personne détenant une nationalité étrangère ne peut être, par conséquent, éligible en RD Congo. L’ASADHO saisit cette opportunité pour rappeler qu’en 2007, l’Assemblée nationale avait ajourné l’examen de la question de double nationalité pour permettre aux députés nationaux détenteurs d’une nationalité étrangère de régulariser leur situation en renonçant à celle-ci.

Etant donné qu’aucune mesure appropriée n’a été prise pour redresser cette question de nationalité et pour éviter que des personnes de nationalité étrangère n’accèdent aux prochaines élections présidentielles et législatives, l’ASADHO recommande à la Commission électorale nationale indépendante d’examiner minutieusement les dossiers de candidatures qui lui seront soumis. Notamment en ce qui concerne la question de nationalité.

Le 24 août, vingt quatre partis de l’opposition, membres de l’Union sacrée pour l’alternance (USA), de l’Union pour la nation (UN) et autres regroupements politiques, notamment la Dynamique Tshisekedi président et Soutien à Etienne Tshisekedi, ont désigné Etienne Tshisekedi candidat commun et unique de l’opposition à l’élection présidentielle de 2011. La décision a été prise à Kinshasa, au cours d’une réunion à la paroisse Notre Dame de Fatima.

La rencontre de l’opposition avait rassemblé une vingtaine de représentants des partis politiques. Ces derniers devaient, en principe, examiner les réponses que la Commission électorale indépendante (Ceni) avait données à l’opposition sur les griefs portés contre la révision du fichier électoral.

Certains partis de l’Opposition, notamment le MLC de Jean-Pierre Bemba Gombo, l’UNC de Vital Kamerhe, l’Union des forces du changement (UFC) de Léon Kengo wa Dondo et l’UREC d’Oscar Kashala ont boycotté cette plénière pour n’avoir pas été d’accord sur l’ordre du jour. Pour eux, avant d’aborder le point sur la problématique de la candidature commune à la présidentielle 2011, il aurait fallu vider celui de l’analyse sur les éléments de réponse de la CENI relatifs aux préalables de l’Opposition avant de procéder à la signature du Code de bonne conduite. Ils pensent aussi que l’opposition doit se concerter autour d’un programme commun et dégager la personne qui incarnerait mieux les idéaux de l’opposition pour la présidentielle de 2011.

Le 25 août, étant donné que les Sénateurs seront en session extraordinaire jusqu’au 4 septembre, alors que la date limite de dépôt de candidatures est fixée au 5 septembre, ils ont adopté à l’unanimité une motion demandant au bureau de la Ceni de prolonger jusqu’au 15 septembre la date de dépôt des candidatures aux élections présidentielles et législatives prévues le 28 novembre 2011. Pour eux, en fixant les nouvelles dates de dépôt et traitement des candidatures du 18 août au 05 septembre 2011, le Bureau de la CENI et son Président n’ont pas tenu compte des contraintes administratives, techniques, logistiques ainsi que celles liées au transport.

Le 26 août, suite à la publication tardive de la loi portant répartition des sièges par circonscription, la diminution du trafic aérien et l’enclavement de certaines circonscriptions électorales, la Commission Eléctorale Nationale Indépendante (Ceni) a pris certaines mesures pour faciliter le dépôt des dossiers de candidatures:

– Les candidats ne pouvant pas déposer leurs dossiers de candidature dans les bureaux de réception et de traitement des candidatures (BRTC) se trouvant dans les circonscriptions électorales peuvent le faire, à dater du vendredi 26 août, auprès des BRTC situés dans les secrétariats exécutifs provinciaux (SEP) de la Ceni, au niveau des chefs-lieux des provinces. Ainsi, tous les élus du peuple des différentes provinces se trouvant à Kinshasa, peuvent bien déposer leurs dossiers au BRTC qui se trouve sur le Boulevard de 30 juin et ils seront enregistrés comme s’ils étaient dans leurs provinces respectives.

– Les candidats ne pouvant pas payer la caution dans leurs circonscriptions électorales peuvent le faire à Kinshasa et dans les chefs-lieux des provinces et déposer des preuves au niveau du secrétariat exécutif provincial ou du bureau de réception et de traitement des candidatures situé au numéro 134 du boulevard du 30 juin à Kinshasa/Gombe;

– La période d’ajout, de retrait et de substitution des candidatures, fixée du 7 au 11 septembre 2011, est également ouverte pour le dépôt des dossiers des candidatures.

Le 1er septembre, le vice-président de la Ceni, Jacques Djoli, a rassuré que «l’opposition comme toute la nation congolaise aura accès au fichier électoral, parce que la loi oblige la Ceni de publier cette liste 30 jours avant le début de la campagne électorale». Aux termes du calendrier électoral, cela devrait être le 28 septembre 2011! Or, l’Opposition veut accéder au serveur central avant le traitement du fichier électoral ainsi que son affichage définitif.

Dans sa réponse du 21 août 2011 aux dix préalables de l’Opposition politique, le président de la Ceni, Daniel Ngoy Mulunda, avait déjà répondu: «La Ceni réitère sa demande contenue dans sa précédente réponse appelant l’Opposition et la Majorité à désigner deux experts informaticiens qui pourront prendre contact avec la Direction du Centre national de traitement pour clarifier les préoccupations en rapport avec l’utilisation du serveur central et les autres applications connexes. La Ceni invite aussi 5 dirigeants de l’Opposition et 5 de la Majorité aux fins de procéder à la visite du Centre national de traitement et des installations de transmission des données par Vsat, afin de s’assurer de la fonctionnalité de ces outils».

Mais, en dépit du fait que la Ceni «renouvelle sa disponibilité de travailler avec tous les partis politiques, parties prenantes essentielles au processus électoral», Daniel Ngoy Mulunda a réaffirmé «la nécessité de sauvegarder l’indépendance de la Ceni, expression et volonté manifeste du constituant telle qu’affirmée par l’article 211 de la Constitution».

En effet, l’article 7 de la loi organique du 28 juillet 2010 portant son organisation et son fonctionnement dispose que, «dans l’exercice de sa mission, la Ceni jouit de l’indépendance d’action par rapport aux autres institutions. Elle bénéfice néanmoins de leur collaboration».

La Ceni a tenu à apporter des éléments de réponse sur une prétendue disparition des CD, donc d’un certain nombre d’électeurs. «Une certaine presse a fait état de la perte des CD de certains kits d’enregistrement et par conséquent de la perte des données de certains électeurs. La Ceni précise que les opérations de révision du fichier électoral ont été entourées de dispositifs sécuritaires appropriés aux opérations d’une telle envergure. En effet, chaque Kit d’enregistrement était doté, en plus de son disque dur interne, d’un disque dur externe. Chaque kit devrait graver 2 CD journaliers, 2 CD hebdomadaires, 5 CD finaux dont 2 CD FA et 3 CD FB. En plus, lorsque tous ces supports sont illisibles ou perdus, la Ceni recourt aux formulaires F O1, aux listes albums ou au Kit concerné. Aucune perte de données d’électeurs ne peut donc être envisageable», a dit le Rapporteur de la Ceni.

Le 1er septembre, les militants de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) ont organisé une marche pour réclamer la transparence du processus électoral. L’UDPS entendait déposer à la Céni un mémorandum demandant un audit du fichier électoral, l’accès au serveur du fichier électoral et la cartographie des bureaux de vote. Selon Jacquemin Shabani, la coalition ETwM veut connaître qui sont les futurs électeurs (listes électorales, identité des électeurs), où sont-ils (cartographie des circonscriptions électorales, adresses des bureaux de vote), combien sont-ils, etc. A Kinshasa comme à Mbuji-Mayi, les manifestants ne sont pas arrivés à destination. Ils ont rencontré sur leurs chemins des barrières érigées par la police nationale congolaise. À Kinshasa, la manifestation, partie en milieu de matinée du siège de l’UDPS, a été stoppée en début d’après-midi par les policiers à l’arrivée des quelques milliers de manifestants aux abords du siège de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), dans le quartier de la Gombe. Selon certains témoignages, plusieurs manifestants ont fait usage de pierres et de cocktails Molotov. Il y a eu un choc frontal, perturbant la circulation et paralysant toutes les activités commerciales dans le centre-ville. Pendant plus de deux heures, l’on a assisté à un véritable branle-bas entre les militants de l’UDPS et les policiers qui n’ont pas hésité de faire usage de gaz lacrymogène, avant de tirer en l’air à balles réelles pour disperser les manifestants quand ils se sont sentis débordés. M. Jacquemin Shabani, porte-parole de l’UDPS, a fait état, sans autre précisions, de blessés et d’arrestations, ainsi que de tirs à balles réelles des policiers. L’UDPS annonce une nouvelle marche le 8 septembre prochain.

Le 5 septembre, le président de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Etienne Tshisekedi, a déposé sa candidature pour l’élection présidentielle au Bureau de réception et de traitement de candidature (BRTC), au siège national de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) à Kinshasa. Des milliers de militants de l’UDPS et d’autres partis politiques alliés l’ont accompagné. Concernant les tractations avec d’autres partis de l’Opposition sur la question de la candidature commune ou unique, Etienne Tshisekedi est formel: «Ce débat est définitivement clos». Le président de l’UDPS a déclaré qu’il respectait le point de vue des partis politiques qui manifestent des réticences quant à sa candidature, avant d’ajouter qu’il mettait fin au processus de consultation avec les autres partis. Il n’y aura donc pas de candidature unique de l’opposition.

Dans la soirée, un bureau du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le parti présidentiel, a été saccagé sur le boulevard Sendwe, dans la commune de Kalamu. L’acte est imputé aux «combattants» de l’UDPS. Les faits se sont déroulés lorsque, le cortège d’Etienne Tshisekedi, accompagné de ses militants, rentrait au bureau de son parti, situé à la 10ième rue Limete. Les témoins racontent qu’il y a eu des invectives de part et d’autre. La police serait intervenue pour disperser les manifestants de l’UDPS.

Pendant la nuit, probablement en réaction à ces incidents, le siège de l’UDPS à la 10ième rue Limete a été saccagé. Pour le secrétaire général de l’UDPS, Jacquemain Shabani Lukoo, «l’opération a été menée par des éléments de la garde présidentielle et des agents de l’Agence nationale de renseignements». Selon une source, des experts de l’UDPS ont pu suivre les conversations dans le réseau de «talkies walkies» des «services». Le siège de la Radio Lisanga télévision (RLTV), appartenant à Roger Lumbala, du Rassemblement congolais pour la démocratie/National (RCD/N) qui soutient la candidature d’Etienne Tshisekedi, a été aussi incendié.

Le 6 septembre, un militant de l’UDPS a été tué et au moins trois autres blessés à Kinshasa lors d’un rassemblement dispersé par la police. Dans la matinée, selon l’avocat Serge Mayamba, secrétaire de l’UDPS, la police a tiré des grenades lacrymogènes près du siège de l’UDPS, situé au quartier Limete, « pour disperser des jeunes militants qui étaient venus après avoir été informés que le siège du parti avait été vandalisé », dans la nuit. L’origine des tirs par balles restait confuse. Des membres de la Ligue des jeunes de l’UDPS ont accusé des délinquants violents appelés « pombas », d’avoir tiré, alors que d’autres ont mis en cause des policiers. Ces « pombas » seraient des jeunes karatéras et autres judokas désœuvrés agissant aux côtés des éléments de la police anti-émeute. « Il n’y avait aucune raison de disperser ces jeunes qui ne faisaient rien, qui ne manifestaient pas », a estimé Me Mayamba. Selon le ministre de l’Intérieur, Adolphe Lumanu, le siège de l’UDPS a été « saccagé » par des « inciviques ». Le saccage à l’UDPS a été commis « en réaction » à des « actes de vandalisme perpétrés par des militants de l’UDPS » dans une permanence du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), au pouvoir, selon le ministre Lumanu, qui a fait état pour ce dernier incident de 12 personnes « grièvement blessés » et six véhicules incendiés. Le ministre Adolphe Lumanu a dénoncé « une stratégie préparatoire à une insurrection souhaitée par certains politiciens », dans laquelle « la Céni est devenue le bouc émissaire de prédilection ».

Depuis plusieurs semaines, l’UDPS manifeste régulièrement devant la Commission électorale (Ceni) pour dénoncer les nombreuses irrégularités du processus électoral en cours. Le parti d’opposition réclame plus de transparence et l’accès aux fichiers et aux serveurs informatiques afin d’éviter toute fraude. Toutes ces manifestations ont été violemment réprimées par la police.

L’UDPS a prévu une autre marche le 8 septembre à Kinshasa devant la Céni qu’elle accuse de « manque de transparence ». Le PPRD a pour sa part confirmé une « marche pacifique » de ses jeunes militants le même jour, devant le siège de l’UDPS, « pour dire non à la violence et oui aux élections apaisées ».

Le 7 septembre, le gouvernement provincial de Kinshasa a interdit toute manifestation à caractère politique (marche ou sit-in) sur la voie publique jusqu’au dimanche 11 septembre.

Dans un communiqué, le gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta, a précisé que cette période est exclusivement consacrée aux opérations de dépôt des candidatures auprès du bureau de réception et de traitement des candidatures (BRTC). Le but de cette mesure, indique le même document, est de permettre à ces opérations de se dérouler dans la sérénité afin de favoriser un climat social apaisé au cours du processus électoral.

L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, opposition) et le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, au pouvoir), qui avaient prévu deux marches le 8 septembre, ont déclaré qu’ils respecteraient l’interdiction.

L’archevêque de Kinshasa, la délégation de l’Union européenne, la Mission de l’ONU et l’ambassadeur des Etats-Unis en RDC ont appelé au calme les acteurs politiques.

Le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya a déclaré à la presse: « Nous invitons les uns et les autres, de même que les forces de l’ordre, à garder le sang-froid, à éviter des provocations inutiles et à faire preuve de calme et de retenue ». Le cardinal Laurent Monsengwo est d’avis que «les élections ne sont pas une rixe ni une guerre dont il faut affûter les armes, mais une opération citoyenne où les nationaux choisissent leurs mandataires sur la base d’un programme qui soit de nature à relever et à développer le pays».

La délégation de l’UE et les Etats membres de l’UE représentés en RDC ont aussi appelé chaque acteur politique à « assumer sa part de responsabilité pour des élections libres, transparentes démocratiques et apaisées et à ne pas avoir recours à la violence ».

L’ambassadeur des Etats-Unis à Kinshasa, James Entwistle, a aussi appelé les chefs politiques à une campagne « apaisée, calme et amicale » et la Mission de l’ONU (Monusco) leur a demandé de « tout mettre en oeuvre pour éviter toute action qui pourrait compromettre le bon déroulement des élections ».

Le 7 septembre, Vital Kamerhe et Nzanga Mobutu ont déposé leurs candidatures à l’élection présidentielle au bureau de réception et de traitement de candidature (BRTC). Ils étaient accompagnés des militants de leurs partis politiques respectifs, l’Union pour la nation congolaise (UNC) et l’Union des démocrates mobutistes (Udemo).

Nzanga Mobutu a indiqué, par ailleurs, que l’Udemo est déjà en discussion avec d’autres partis politiques de l’opposition, en vue de former une future majorité. «Il faut déjà envisager des futurs accords mais le peuple en décidera. Et en ce moment là nous allons décider avec qui nous allons faire ces alliances», a-t-il expliqué.

Dans son discours, à la sortie de la Ceni, Vital Kamerhe a expliqué avoir « à plusieurs reprises, tenté de se rapprocher » d’Étienne Tshisekedi. Et malgré le refus du candidat de l’UDPS, Vital Kamerhe s’est engagé à « poursuivre ces efforts de pourparlers jusqu’au bout ». Vital Kamerhe entend aussi poursuivre les discussions avec ses deux partenaires, avec qui il a signé un programme commun d’opposition, Jean-Pierre Bemba pour le MLC et Léon Kengo pour l’UFC. Des partenaires qui ne se sont pas encore prononcés sur leur propre candidature. Le président de l’UNC compte enfin engager des pourparlers avec deux autres candidats déclarés: Nzanga Mobutu (UDEMO) qui a déjà déposé sa candidature et Mbusa Nyamwisi, président du RDC-KML. Vital Kamerhe ne ferme donc aucune porte pour de futures alliances. Il a affirmé que malgré les divergences de vue, les partis de l’opposition peuvent encore trouver un compromis. Il a annoncé qu’il va continuer de discuter avec les autres partis de l’opposition pour trouver un candidat commun.

Le 8 septembre, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a organisé au Palais du peuple à Kinshasa, un forum avec les partis politiques. Les échanges ont tourné notamment autour de l’évolution du processus électoral et de la signature du code de bonne conduite.

Plusieurs partis et regroupements politiques, le PPRD et le MLC, entre autres, ont signé ce code de bonne conduite. Mais les partis de l’opposition qui soutiennent la candidature d’Etienne Tshisekedi à l’élection présidentielle conditionnent leur signature par la prise en compte de leurs préalables. Ils demandent à la Ceni d’impliquer l’opposition dans la gestion du serveur central et dans l’audit du fichier électoral. Le président de la Ceni, Daniel Ngoyi Mulunda, a indiqué que la Ceni accepte que l’opposition désigne des techniciens qui vont se joindre à ceux de la Ceni pour travailler ensemble. Quant à l’audit de la Ceni, il a déclaré qu’il est du ressort du parlement. En outre, il a affirmé l’indépendance de son institution vis-à-vis de la majorité et de l’opposition.

Le 10 septembre, Léon Kengo Wa Dondo, président national de l’Union des forces du changement (UFC) et actuel président du Sénat, a déposé sa candidatures au BRTC/Gombe de la Ceni, à Kinshasa.

Le 11 septembre, le Président sortant, Joseph Kabila Kabange, a déposé sa candidature au BRTC de la CENI à Kinshasa. Des milliers de militants de la majorité présidentielle (MP) l’ont accompagné au BRTC situé sur le boulevard du 30 juin, Place Royale. Investi comme candidat unique du PPRD et de toute la MP au scrutin présidentiel de novembre 2011, il s’est pourtant enregistré en « indépendant ». Comme en 2006. Une façon d’indiquer qu’il ne veut pas être l’otage d’un parti ou un regroupement de partis politiques.

Le 15 septembre, à Kinshasa, la Ceni a publié la liste provisoire des candidatures à l’élection présidentielle prévue le 28 novembre 2011. Le bureau de la Ceni a déclaré recevable les onze candidatures déposées. Les candidats retenus sont:
Jean Andeka Djamba (ANCC)
Etienne Tshisekedi (UDPS)
François Joseph Nzanga Mobutu (Udemo)
Vital Kamerhe (UNC)
Kengo wa dondo (UFC)
Nicephore Kakese (URDC)
Joseph Kabila (Indépendant)
Oscar Kashala(UREC)
Antipas Mbusa Nyamwisi (Indépendant)
Adam Bombole (Indépendant)
Josué Alex Mukendi Kamama (Indépendant)

La Ceni rappelle aux candidats ayant déposé des dossiers de candidature non retenus à l’élection présidentielle que la période de recours est fixée du 16 au 19 septembre. Les recours en contestation des candidatures doivent être déposés à la Cour suprême de justice (CSJ).

Selon le président de la Ceni, Daniel Ngoyi Mulunda, la Ceni a reçu sept mille deux cents candidatures à la députation nationale.

En 2006, l’ex – CEI avait enregistré 33 candidatures aux éléctions présidentielles. Comment expliquer cette fois que la moisson ne soit pas du tout abondante?

Plusieurs causes sont à la base de cette situation. La première résulte de ce fait que de nombreux partis politiques ont tiré certaines leçons des élections de 2006. Plutôt que de viser haut, certains ont préféré se montrer réalistes en revoyant leurs ambitions à la baisse. Ils ont opté pour les législatives, les provinciales ou les locales. La deuxième cause serait due à la caution à payer. Quelques candidats estiment que ce montant est exorbitant, USD 50.000 (cinquante mille dollars), surtout qu’il n’est pas du tout remboursable. La troisième explication porte sur la stratégie et la tactique électorales des partis politiques ainsi que des plates-formes. Ils se sont engagés à réunir plus de chances possibles, en imposant une certaine discipline pour ne pas éparpiller des voix. Etant donné que les élections sont à un seul tour, il est prudent et sage de s’appuyer sur des candidats potentiels. Ceux qui sont susceptibles de soulever des foules et d’apporter au parti ou à la plate-forme des voix nécessaires pour remporter les élections.

Le 16 septembre, le rapporteur de la CENI, Matthieu Mpita, a annoncé que la CENI a reçu la liste des noms proposés par l’opposition pour auditer le fichier électoral soupçonné de contenir de graves irrégularités, notamment, l’enrôlement de mineurs, policiers, militaires, étrangers, etc., et n’attend que celle de la majorité. Ils sont Jean-Lucien Busa, Martin Fayulu et Valentin Mubake, trois personnalités bien connues de l’univers politique congolais. S’agissant des noms proposés par l’opposition, des observateurs se posent des questions sur le choix porté à l’endroit de personnalités aux accents politiques très prononcés. Ceci, au regard du caractère technique de l’exercice sollicité par l’opposition qui, en principe, requiert la présence d’experts informaticiens, comme l’avait d’ailleurs exigé la CENI à l’opposition et à la majorité.

Le rapporteur n’a pas manqué non plus de faire le point sur l’évolution du processus. Sur 58 formulaires retirés pour la présidentielle, 11 candidatures ont été enregistrées et déposées en bonne et due forme. Du côté de la députation nationale, il a parlé de 7327 candidatures retenues et 1.000 candidatures non encore traitées.

KIVU

L’Est du Congo est gagné par une sorte de psychose, celle de l’invasion rwandophone. Plusieurs habitants de la partie orientale de la RDC ne cachent plus leurs craintes face à ce qu’ils considèrent comme un plan pour la consécration de l’hégémonie rwandophone dans leur contrée.

De la province du Sud Kivu à l’Ituri, en passant par la province du Nord Kivu, le constat est le même. Des langues se délient pour dénoncer le contrôle de l’armée congolaise par des sujets rwandophones. Plusieurs sources renseignent que les commandements de plusieurs unités de FARDC sont confiés aux sujets rwandophones. Ils jouent les premiers rôles, sinon, ils sont des commandants seconds avec plus de pouvoir. A ceci, s’ajoute le fait que les militaires ex CNDP, majoritairement rwandophones, ne sont déployés que dans le Kivu. Les rapports entre les FARDC ressortissants d’autres couches sociales congolaises et les ex CNDP ne sont pas toujours bons. Les premiers prétendent que les derniers jouissent de plus d’avantage qu’eux.

Cet état de chose laisse place à diverses interprétations au sein de l’opinion publique. Si il y en a qui voient dans cela une manière de permettre au Rwanda d’avoir un droit de regard sur certaines contrées de l’Est de la RDC, d’autres estiment que ces soldats rwandophones seraient à l’Est de la RDC pour mater des éventuelles contestations des prochaines élections, le CNDP étant membre de la Majorité Présidentielle. Les extrémistes vont jusqu’à imaginer que ceci s’inscrirait dans un éventuel plan de balkanisation du Congo. Des assassinats, enlèvement et autres sévices vécus notamment dans la région de Beni-Lubero sont attribués aux militaires d’expression rwandophone.

Les dirigeants congolais devraient s’employer à dissiper cette sorte de psychose qui gagne de plus en plus les populations de l’Est de la RDC au sujet de cette hégémonie rwandophone. Nul n’ignore que les régions du Kivu sont caractérisées par une sorte de lutte hégémonique entre Rwandophone et non rwandophone. Certaines résistances mayi-mayi contre les rebellions qui se sont succédées dans la région orientale du Congo avaient pour principale motivation celle de barrer la route à l’hégémonie rwandophone. C’est une réalité connue de tous.

Une large opinion n’a jamais digéré le fait que le gouvernement avait cédé aux exigences du CNDP de voir ses éléments armés déployés seulement dans le Kivu. Puisque intégrés dans les FARDC, l’armée nationale congolaise, les ex-CNDP devraient aussi être déployés dans d’autres provinces de la RDC, pense-t-on au Kivu. De toutes les façons, cette psychose ne manquera pas d’avoir d’effet dans les choix des habitants du Kivu aux prochaines élections.

Le 12 septembre, à Bukavu (Sud Kivu), une rumeur a circulé selon laquelle certains militaires des FARDC planifiaient un soulèvement. Certains habitants de Bukavu n’ont pas effectué leurs activités quotidiennes à la suite de cette rumeur. Des parents n’ont pas envoyé leurs enfants à l’école. Selon le colonel Delphin Kahimbi, commandant des opérations militaires Amani Leo, quelques officiers frustrés veulent intoxiquer la population. Toutefois, il n’a pas précisé les motifs de cette frustration et a traité de «bandits» les auteurs de cette rumeur.

Selon Charles Mampasu, les informations reçues décrivent la genèse et la situation actuelle comme suit:

– Les opérations Amani et consorts sont pilotés par des officiers banyamulenge et/ou rwandophones qui sont les mieux équipés et avec des hommes les mieux payés;

– Le reste de militaires FARDC vivent dans la misère;

– Le camp militaire Saio, qui est à fin construction et qui sera le mieux camp construit dans toute la province du Sud Kivu, regorge d’un grand nombre de militaires congolais ne parlant pas Kinyarwanda;

– Les travaux de construction de ce camp tirant vers sa fin, et les militaires qui jadis ont vécu et vivent dans ce camp dans des conditions infra humaines ont été informés que leurs camarades Rwandophones viendront occuper les maisons construites dans ce site. Cela a soulevé une tôlée de protestations. Les militaires ont affuté leurs armes et étaient prêts à en découdre avec les prétendus nouveaux locataires des nouvelles maisons en finition.

– L’homme de la rue évoque des mesures d’intimidation et des propos des certains militaires les moins appréciés (anciens CNDP) de la ville qui disent que si le Raïs n’est pas réélu, la poudre va parler au Kivu. Les populations du Nord Kivu sont aussi étonnées de voir que tous les militaires CNDP qui ont refusé d’être mutés ont été déversés dans la police.

– Au Kivu, des nominations au poste de commandement ne sont pas appréciées parce qu’un groupe d’anciens rebelles se voit octroyer la part du lion.

Le 15 septembre, des militaires dont la plupart sont issus des ex-groupes armés, mécontents de leur grade, ont organisé des manifestations dans les centres de formation de régiments à Kalehe et à Kaniola (Sud Kivu). Ils refusent les cartes biométriques délivrées par la commission nationale des FARDC, au motif qu’elles leur attribuent des grades inférieurs. Un lecteur de Radio Okapi a laissé le commentaire suivant: «Ce qui n’est pas dit, c’est l’injustice. Les ex- FRF et CNDP choisissent les grades alors que les ex-combattants Mai Mai sont dégradés. Et tout ça est livré avec minimisation, alors qu’une véritable mutinerie est en veilleuse. Voilà qu’après Bukavu, c’est Kalehe et Kaniola. Mais pour les officiels, c’est une simple rumeur».

La situation à l’Est du pays, particulièrement dans les deux Kivu, risque d’empêcher le déroulement normal des élections dans cette partie du pays. Il s’y observe ces dernières semaines une insécurité de plus en plus grandissante. La sonnette d’alarme vient d’être tirée par Société civile du Kivu qui dénonce le soulèvement des militaires à Bukavu. Presque au même moment, les organisations humanitaires, toujours à cause de cette insécurité grandissante, ont décidé de se retirer des axes Lubero et Walikale. Des enlèvements des personnes sont signalés chaque semaine, obligeant les populations à se déplacer continuellement. Sur l’axe Kalehe-Kanyola, les militaires des FARDC réclament la reconnaissance de leurs grades et refusent les cartes biométriques qui ne prennent pas en compte les grades déjà reconnus par la hiérarchie militaire. Ce mécontentement vient s’ajouter à la peur qui envahit de jour en jour les habitants de deux provinces du Kivu, toujours à la merci des groupes armés réfractaires.

Pareille situation constitue un véritable handicap au bon déroulement des élections. A deux mois des élections, voilà que le Kivu confirme, une fois de plus, sa légende de ventre mou de la République démocratique du Congo. L’Est risque de porter un coup dur au bon déroulement des élections tant le danger est réel, la menace grande. Les provinces du Kivu comptent un nombre important d’électeurs. Par voie de conséquence, un plus grand nombre de sièges à pourvoir pour la députation nationale. Partant, on ne peut parler des élections en RDC en omettant les provinces du Kivu. Ce serait remettre tout en cause, voire l’existence même de la RDC. Surtout que, dans le cas d’espèce, la présidentielle à un seul tour est couplée des législatives. Il reste donc à prendre des mesures urgentes et conséquentes pour garantir la sécurité dans des conditions optimales afin de rassurer les populations.

Le désamour entre Kabila Kabange et la population de l’Est du Congo, singulièrement celle de l’ex-Kivu est un secret de polichinelle en dépit de l’allégeance de quelques cupides chefs coutumiers au président sortant. Joseph Kabila a donc du souci à se faire surtout quand on sait qu’aux élections de 2006 c’est l’ex-Kivu qui lui aurait accordé sa confiance avec un score à la soviétique de plus de 90% sous prétexte que le successeur désigné à LD Kabila serait l’artisan de la paix au pays et dans la région.

De retour de Bukavu, Modeste Bahati Lukwebo, kabiliste devant l’Eternel, a été reçu par Kabila Kabange à Kinshasa et a eu le courage de lui dire le désamour qu’éprouvent les populations de l’Est à son encontre. Et pour cause, la non visibilité de 5 chantiers : pas d’eau, pas d’électricité, pas de voies de communication.

L’autre reproche fait à Kabila par les Kivutiens c’est l’insécurité quotidienne entretenue par les autorités politiques et militaires de Kinshasa accusés d’utiliser des Interhamwe pour faire fortune en exploitant les mines (or et coltan notamment).

Pour les populations du Kivu, la responsabilité de Kabila est engagée, parce qu’en ne payant pas les policiers et autres militaires, ces derniers ont pris le contrôle des mines pour exploiter le coltan et l’or et y semer mort et désolation. Ceux des militaires qui ne vont pas dans les mines s’illustrent pour leur part par des viols et autres pillages, parce que leurs soldes sont détournés par des officiers supérieurs à partir de Kinshasa où l’impunité leur est garantie.

L’autre cause du désamour entre Kabila et les Kivutiens c’est la nomination des officiers du CNDP à la tête de toutes les troupes à partir de Kalemie jusqu’à Aru. Or, ces officiers sont considérés, non sans raison, par la population comme des criminels. Mais pas seulement.

Pour les populations du Kivu, la plupart des officiers du CNDP nommés par Kabila à la tête des troupes sont des citoyens rwandais . Et cela, les Kivutiens ne l’acceptent pas du tout.

Pour toute réaction, Kabila déclare: «mais Chishambo (NDRL gouverneur du Sud-Kivu) ne m’a rien dit de tout cela». Traduction: le gouverneur du Sud-Kivu me dit toujours que tout va bien.

Que faire maintenant que Bahati Lukwebo a dit la vérité cachée? La première proposition faite à Kabila par Bahati lui-même c’est de commencer à déplacer les officiers du CNDP, en les envoyant dans d’autres provinces comme le Kasaï. Les récalcitrants devraient être sanctionnés.

Le président rwandais compte réaliser de juteuses affaires avec la France. Curieusement, face à la rareté des ressources naturelles du Rwanda, il saute aux yeux que Paul Kagame lorgne vers les frontières congolaises.

Paul Kagame l’a déclaré aux opérateurs économiques français lors de sa récente visite au pays de Nicolas Sarkozy, effectuée de l’11 au 13 septembre: «Le Rwanda est prêt pour les affaires, il y aura des opportunités dans tous les secteurs, de l’agriculture à l’activité minière, des télécommunications aux infrastructures … Le secteur privé rwandais est la base de notre économie. Une économie ouverte à tous, sans restriction»: l’invitation du président Kagame est claire et s’adresse aux dirigeants des entreprises françaises rencontrés lors de sa visite à Paris. Ces informations sont rapportées en détail par le quotidien du gouvernement rwandais «New Times».

Mais, quels minerais le Rwanda compte-t-il proposer aux Français? Le coltan? L’or? … Des statistiques démontrent que ce pays ne peut pas offrir en quantité ces minerais aux industriels sans s’approvisionner en RDC. Cela voudrait-il signifier que le Rwanda jouerait au commissionnaire? Dans cette éventualité, il est illusoire de passer par ce pays voisin pour avoir accès aux ressources se trouvant en RDC, le Rwanda n’exerçant pas sa souveraineté sur les ressources se trouvant sur le sol congolais.

Ceux des opérateurs économiques français désireux de s’approvisionner en ces différents minerais ont intérêt à passer directement auprès du gouvernement congolais. Transiter par le Rwanda équivaudrait à alimenter l’insécurité. Par conséquent, l’instigatrice, la France, porterait elle aussi une lourde responsabilité au même titre que l’exécutant de cette sale besogne au détriment des populations congolaises. Avec plus de 6 millions de morts, les Congolais sont échaudés à l’idée de voir relancer les affaires entre le Rwanda et la France par le commerce des minerais congolais.

Il est déplorable que la réconciliation entre la France et le Rwanda ait, visiblement, comme socle la négation des intérêts congolais. Si la guerre de prédation enclenchée depuis 1996 se poursuit jusqu’aujourd’hui sous des formes plus subtiles, toutefois il faut que la coopération entre les Etats des Grands Lacs se fasse sur des bases clairement définies, en lieu et place des intrigues de tous genres.

La psychose d’une nouvelle guerre.

Il convient de se poser la question de savoir, où le président Kagame trouvera-t-il des terres arables à offrir aux Français pour la production agricole? Il est notoirement connu que le Rwanda ne dispose pas de suffisamment d’espace pour installer sa propre population. En trouverait-il subitement pour sa coopération agricole avec la France? Dans cette hypothèse, les échos qui viennent de l’Est ne devraient plus rassurer d’autant plus qu’il est fait état d’implantation massive des populations rwandaises sur les terres congolaises.

Les rencontres de Paul Kagame avec le président Nicolas Sarkozy et avec les chefs d’entreprises ont été critiquées par les défenseurs des droits de l’Homme et des libertés, qui ont souligné les méthodes autoritaires de Kagame dans son pays et qui ont rappelé que ses troupes sont responsables de crimes et abus, à la fois au Rwanda et en République démocratique du Congo. Certaines associations ont fait remarquer qu’au nom des intérêts économiques, la France ferme les yeux sur de nombreux chapitres sombres du passé marqué par des violations et crimes.

La vente des minerais congolais et des terres arables congolaises sans l’implication réelle des Congolais se ferait au détriment de la paix dans la sous-région des Grands Lacs africains.

Les prétentions du président rwandais peuvent paraître comme une opération entre deux Etats souverains, le Rwanda et la France. Seulement, ce n’est pas le cas dans la mesure où les ressources sont essentiellement en RDC.

Quant à certains observateurs congolais, lucides, ils ont encore frais en mémoire cette déclaration surprenante du président français devant des diplomates accrédités à Paris, parlant du Rwanda et de la RDC: «Quant à la région des Grands Lacs, la violence s’est une nouvelle fois déchaînée… Cela met en cause la place, la question de l’avenir du Rwanda, pays à la démographie dynamique et à la superficie petite. Cela pose la question de la République démocratique du Congo, pays à la superficie immense et à l’organisation étrange des richesses frontalières. Il faudra bien qu’à un moment ou un autre il y ait un dialogue qui ne soit pas simplement un dialogue conjoncturel, mais un dialogue structurel: comment, dans cette région du monde, on partage l’espace, on partage les richesses et on accepte de comprendre que la géographie a ses lois, que les pays changent rarement d’adresse et qu’il faut apprendre à vivre les uns à côté des autres?» Question: ne serait-ce pas déjà la mise en application du Plan Sarkozy?

JUSTICE

Le 22 août, les sénateurs congolais réunis en session extraordinaire ont renvoyé au gouvernement le projet de loi établissant une Cour spécialisée mixte chargée de juger les crimes internationaux commis en RD Congo depuis 1990. Ils ont mis en avant la souveraineté de la RD Congo qui serait mis à mal par la présence du personnel international, les questions budgétaires, préférant privilégier la seule compétence des tribunaux nationaux.

Le 23 août, la FIDH réitère son appel à la création d’une Cour efficace, impartiale et transparente pour lutter contre l’impunité. La FIDH et ses ligues membres en RDCongo, l’ASADHO, le Groupe Lotus et la Ligue des électeurs, regrettent vivement cette décision et rappellent l’importance d’établir un mécanisme spécifique pour lutter contre l’impunité des crimes les plus graves commis en RDCongo.

«Le projet de loi soumis au Sénat le 2 août 2011 était le résultat de nombreuses discussions et consultations régulières entre les autorités congolaises, la société civile nationale et internationale et les potentiels donateurs. Il proposait de combler les lacunes d’une justice congolaise incapable de lutter efficacement contre l’impunité des crimes internationaux et d’une Cour pénale internationale uniquement compétente pour les crimes les plus graves commis postérieurement à 2002. La décision du Sénat porte un sérieux frein aux efforts conjoints pour répondre au droit des victimes à la justice, conformément aux dispositions des conventions internationales de protection des droits humains ratifiées par la RDC», a déclaré Sidiki Kaba, président d’honneur de la FIDH.

Fermement attachées à l’établissement d’une Cour spécialisée mixte, la FIDH et ses organisations membres en RDC appellent le gouvernement à revoir son projet de loi conformément aux recommandations de leur rapport de position pour garantir la réunion des conditions nécessaires à une Cour spécialisée efficace, impartiale et transparente. La FIDH et ses organisations membres en RDC appellent également le gouvernement à inscrire cette nouvelle mouture à l’agenda parlementaire dès la prochaine session ordinaire de septembre, la dernière avant les élections législatives, et à engager parallèlement une campagne de sensibilisation auprès de l’opinion publique et des partis politiques congolais sur l’importance d’un tel mécanisme.

La Coalition nationale pour la Cour pénale internationale de la République démocratique du Congo (CN-CPI/RDC) exprime sa totale désapprobation, à la suite du rejet le 22 août, par le Parlement, du projet de loi créant une cour spécialisée mixte. Selon Désiré-Israël Kazadi, porte-parole de la CN-CPI/RDC, le travail de la Cour spécialisée viendrait compléter celui de la CPI, d’autant que même pour les crimes commis après 2002, la CPI ne pourrait poursuivre qu’un nombre fort limité de personnes. Il ajoute que le rapport du projet Mapping des Nations unies publié en 2010 témoigne de la gravité et de l’échelle des exactions commises en RDC, ainsi que la nécessité que celles-ci ne soient restées impunies.

Désiré Kazadi explique que le caractère «mixte» d’une telle cour confère une présence temporaire des magistrats internationaux, c’est-à-dire limitée dans le temps afin d’accompagner la réforme judiciaire en cours, sans toutefois priver la justice congolaise la possibilité de rendre justice.

Cet élément d’extranéité, par la présence de juristes internationaux aurait pour objectif, soutient son porte-parole, de renforcer l’indépendance des magistrats et d’éviter les interférences politiques ou de commandements militaires qui pourraient advenir.