SOMMAIRE
ÉDITORIAL
NEWS
LE PROCÈS DE VICTOIRE INGABIRE
JUSTICE
TROIS RAPPORTS
FIN DU STATUT DE RÉFUGIÉ POUR LES RWANDAIS EN 2011
L’«IDEOLOGIE GENOCIDAIRE» COMME «ARME DE REPRESSION»
FIASCO D’UN ENSEIGNEMENT AU BORD DE L’EFFONDREMENT
ÉDITORIAL:
La nature du régime rwandais n’est plus à découvrir et à démontrer, malgré ses efforts de désinformation systématique.
La terreur et la violence constituent les principes de base du système et la manipulation et l’achat des consciences en sont les règles.
C’est un système de type mafieux qui gouverne le pays et où Kagame Paul est vu comme un parrain plutôt qu’un Chef d’Etat.
«Notre politique n’a pas été le fruit du hasard. Elle a été d’abord murement réfléchie par des hommes qui l’ont conçue. Des hommes disposant d’une stratégie pour atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés, quoi qu’il arrive (…). Le problème c’est que les Rwandais sont aveugles. Même quand vous leur montrez une chose, ils ne la voient pas. Ils ressemblent à un chien qui, avant d’être tué, perd d’abord l’utilisation de ses narines qui deviennent bouchées » (…)
Je déplore que certains veuillent être blessés avant de comprendre que rien n’empêchera la poursuite de notre politique. Nous avons le devoir de faire en sorte qu’ils soient frappés pour qu’ils puissent le comprendre(…); « Les exilés qui passent leur temps à aboyer, ne reviendront que pour enseigner les divisions mais je vais les blesser à leur tour» …; … «Ceux qui fuient le pays en cachette ou sous notre regard, nous les laissons partir; il y a ceux qui sont encore retenus par les postes qu’ils occupent au sein du gouvernement, je vais les limoger pour leur faciliter la fuite »…
Ces mots extraits de l’allocution du président Kagame à Rebero (Bwisige), le 31 mars 2003, sont toujours d’actualité et traduisent l’état d’esprit et la philosophie politique de celui qui préside aux destinées du peuple rwandais depuis 17 ans.
C’est pourquoi les personnes de toutes les origines continuent à fuir le pays à cause du régime sanguinaire et totalitaire, installé au Rwanda par le FPR, Parti-Etat-Armée, et son président, Paul Kagame: l’opposition interne étouffée, la société civile domestiquée et privée de toute indépendance, l’ingérence du gouvernement dans les décisions judiciaires devenue monnaie courante. C’est cette ingérence d’ailleurs qui a conduit à l’échec les tribunaux Gacaca dans leur double mission de justice et de réconciliation.
Il est à déplorer que l’analyse lucide de la situation politique et socio-économique du Rwanda actuel n’arrive pas à briser le mur du silence imposé par la l’insaisissable “communauté internationale” et, ce qui est plus surprenant, des médias et organisations non-gouvernementales (ONG), majoritairement réglées au diapason de Kigali.
Il est à craindre que ça ne soit pas cette règle tacite qui pousserait la Commission des Nations Unies pour les Réfugiés à invoquer la clause de cessation du statut de réfugiés contre tous les réfugiés et demandeurs d’asile rwandais pour le mois de décembre 2011 et ce pour satisfaire la demande d’octobre 2009 du gouvernement.
Vu que les conditions qui ont poussé ces rwandais en exil n’ont pas cessé et dans certains domaines, elles se sont même empirées, nous demandons à la communauté internationale et à toutes les personnes de bonne volonté et éprises de paix d’intervenir auprès de la Commission des Nations Unies pour les réfugiés afin que le statut de protection de réfugié rwandais soit maintenu.
Il est temps de transgresser les tabous qui interdisent l’analyse lucide de la nature du régime rwandais, car le silence vaut approbation et signifie indifférence au sort du peuple rwandais. La politique du régime de Kigali laisse augurer une inévitable implosion dans le pays, notamment si certaines grandes puissances continuent à garder une attitude complaisante vis à vis du régime en place.
NEWS
Le 12 juillet, à 19 heures, une attaque à la grenade à Cyangugu, a fait 21 blessés dont quatre graves. Selon les sources policières, cette attaque visait un parking de taxi-motos près du marché de Kamembe. Située dans la province de l’ouest (une zone frontalière de la République démocratique du Congo), Cyangugu est une région réputée généralement stable, les actions terroristes ou le banditisme ne se signalaient presque jamais, les gens circulaient de jour comme de nuit en toute quiétude. Cependant ces derniers temps, l’insécurité y est flagrante.
Depuis 2010 plusieurs attentats à la grenade ont été perpétrés au Rwanda, faisant une dizaine de morts et plusieurs blessés. Cependant ces attaques se sont toujours concentrées dans la capitale Kigali, cette attaque à Cyangugu est donc inédite.
Les autorités avaient attribuées les précédentes attaques (à Kigali) dans un premier temps aux miliciens Interahamwe, avant d’accuser l’ex-chef d’état-major de l’armée, le général Faustin Kayumba Nyamwasa et le colonel Patrick Karegeya ancien chef des renseignements extérieurs du FPR, aujourd’hui tous deux réfugiés en Afrique du Sud, d’être derrière les «actes de déstabilisation», notamment ces attaques à la grenade. Une partie de l’opposition Rwandaise pour sa part n’a pas cessé de d’imputer ces attaques au régime de Kigali. Selon celle-ci, notamment Kayumba Nyamwasa et Théogene Rudasingwa, ancien chef de cabinet de Paul Kagame en exil lui aussi, le gouvernement de Paul Kagame chercherait toujours à resserrer l’étau face à ses détracteurs en les accusant d’être responsable d’actes de terrorisme qu’il perpètre lui-même.
Le Rwanda organisera des élections sénatoriales pour remplacer le groupe sortant les 26 et 27 septembre. La Chambre haute du parlement, le sénat, est composée de 26 membres dont le mandat est de huit ans. Parmi les sénateurs élus, 12 sont élus selon la gouvernance locale du pays, huit sont nommés par le président, quatre par le Forum national pour les organisations politiques (NFPO), un par les universités publiques et les hautes institutions d’apprentissage, et un par les universités privées et les hautes institutions d’apprentissage. Les résultats provisoires seront annoncés le 2 et les résultats finaux le 4 octobre.
Le Conseil économique et social des Nations-unies a décidé à l’unanimité d’approuver la demande de l’Etat rwandais d’un siège au Comité exécutif du Haut commissariat pour les réfugiés.
«Le Rwanda veut renforcer sa coopération internationale dans la région au regard de la Convention sur les réfugiés de 1951 et du Protocole de 1967», a expliqué Alphonse Kayitare, Chargé d’affaire à l’ambassade du Rwanda à Genève, qui a introduit la demande auprès des Nations-Unies.
LE PROCÈS DE VICTOIRE INGABIRE
Le 20 juin, le procès de Victoire Ingabire, présidente du principal parti d’opposition rwandais, les FDU-Inkingi, a été de nouveau reporté et fixé au 5 septembre 2011 à la demande de ses avocats.
C’est une Victoire Ingabire souriante et visiblement en bonne santé qui s’est présentée devant près d’une centaine de ses partisans venus assister à son procès. Avec 2500 pages de dossier en kinyarwanda à analyser et à traduire, la défense estimait ne pas avoir disposé d’assez de temps pour se préparer et avait besoin d’un délai supplémentaire.
Officiellement, Victoire Ingabire est accusée d’idéologie du génocide, de collaboration avec un groupe terroriste, de divisionnisme, de propagation des rumeurs visant à soulever la population contre le pouvoir, de création d’une armée rebelle, de vouloir renverser le pouvoir par la force. Mais derrière ce maquillage judiciaire, se cachent en réalité des motifs politiques de la dictature du FPR.
Dès son arrivée au Rwanda, le 16 janvier 2010, elle n’a cessé de dénoncer le musèlement de la presse, les injustices sociales, les procès inéquitables et un deuil discriminatoire. Elle a osé dire que les victimes hutues du conflit rwandais devaient, elles aussi, à l’instar des victimes du génocide des Tutsis, être honorées dignement. Mais pour le FPR, évoquer les victimes hutues est assimilée à nier le génocide des Tutsis!
Les médias de l’Etat, ou qui sont proches du pouvoir, l’ont accusée de défendre la thèse du double génocide, de propager l’idéologie génocidaire, de prêcher le divisionnisme, de porter atteinte à l’unité nationale, de collaborer avec les FDLR, etc.
Son seul crime: avoir osé évoquer les poursuites contre les personnes responsables des massacres, crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis contre les Hutus à l’instar des responsables du génocide contre les Tutsis. Elle est «coupable» d’avoir appelé à lutter contre l’impunité en pointant du doigt des crimes commis par l’armée du FPR. Or ces crimes ont été confirmés par ailleurs par le rapport de l’ONU «Mapping exercice» publié le 1 octobre 2010.
En réalité, les torts majeurs reprochés à Madame Victoire Ingabire Umuhoza et son parti sont ceux d’avoir osé créer un parti d’opposition et d’avoir demandé que les personnalités politiques et militaires au sein du régime coupables présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité soient déférés devant la justice.
Derrière les accusations criminelles portées à l’encontre de tous ces membres, se cachent des motifs politiques: aucun citoyen n’a le droit de manifester pacifiquement contre le régime et les lois liberticides taillées sur mesure afin de se maintenir indéfiniment au pouvoir.
Défier le général Paul Kagame et aspirer à être son challenger aux élections présidentielles, ne pouvait qu’attirer les foudres du régime contre elle-même. Le régime du FPR n’a pas lésiné de moyens pour trainer Mme Ingabire dans la boue, tout en se cachant derrière les motifs judiciaires.
L’évidence finit par s’imposer, le régime en place ne voulait d’aucune manière la reconnaissance d’un véritable parti d’opposition, mais pour tromper l’opinion, ce fut toujours les motifs criminels supposés de la présidente de Mme Ingabire qui furent mis en exergue.
La loi n°18/2008 du 23/07/2008 sur l’idéologie génocidaire a été conçue d’une façon voulue vague et ambigüe comme outil de chantage, pour la faire peser comme l’épée de Damoclès, sur toute personne qui ne partage pas la pensée unique du FPR ou qui se hasarde à affirmer que le FPR a commis des crimes contre l’humanité, voire même des actes qui pourraient être qualifiés de génocide contre les hutus.
Toute différence de point de vue sur les faits avérés de notre histoire récente, toute évocation des crimes et des victimes du FPR pendant le conflit de 1990 à 1994 et après, peut être assimilé à l’idéologie du génocide.
Dire au monde entier que les Rwandais sont sous le joug de la peur et d’un totalitarisme politique d’un autre âge, dénoncer une justice qui est sous la coupole de l’exécutif et des tribunaux populaires “gacaca“ qui ne permettent pas l’assistance par un conseil, dénoncer la famine criante dans les campagnes rwandaises et les bidonvilles, regretter que les soins de santé de base fassent défaut malgré l’affiliation obligatoire à une mutuelle de santé, et que l’accès aux écoles secondaires et supérieures soit soumis à des critères discriminatoires, condamner les violations graves du droit humanitaire et le pillage massif des ressources naturelles du Congo et demander que les auteurs de tels crimes soient poursuivis; c‘est cela que le régime appelle le divisionnisme.
Les fausses accusations d’implication dans des actions militaires et dans la formation de groupes terroristes sont devenues monnaies courantes pour neutraliser ou emprisonner tous les opposants au régime du Général Kagame.
En ce qui concerne Victoire Ingabire, l’accusation de complicité dans des actes visant à renverser le pouvoir par la force a été fabriquée de toutes pièces, pour empêcher elle-même et son parti, les FDU-Inkingi, de se présenter comme candidate aux élections et entrer en compétition pour le pouvoir par le biais des urnes. Le même Paul Kagame n’a pas hésité à déclarer que «nous nous sommes battus et ce que nous [le FPR, ndlr] avons obtenu par les armes, ils ne nous le prendront pas par les urnes».
Le procès intenté à Mme Victoire Ingabire Umuhoza est un procès politique destiné à écarter un concurrent politique dans le but de pérenniser la dictature du parti-Etat, le FPR. Les stratèges du régime ont tout simplement opté pour la transformation sournoise des motifs politiques en raisons criminelles.
Comme l’a dit le professeur Filip Reyntjens (chronique politique du Rwanda 2009-2010, Anvers, mai 2010), Mme Ingabire est en fin de compte victime d’avoir publiquement mis en cause les fondements même du pouvoir en s’attaquant à trois monopoles du FPR: a) le statut du FPR comme “autorité morale”, b) le statut des Tutsis comme “seuls victimes” du génocide rwandais, c) le statut des Hutus comme “criminels”. Ces trois piliers constituent en fait la base de la légitimité interne et internationale du FPR. Son régime a donc vu l’émergence d’une réelle opposition à l’intérieur du pays, qui revendique l’ouverture de l’espace politique, comme une menace d’une situation que le FPR considérait comme acquise, à savoir : le contrôle total de la politique et de la société rwandaise.
JUSTICE
Le 19 juin, dans un communiqué de presse signé par Alexis Bakunzibake secrétaire général chargé de la jeunesse du seul parti d’opposition admis au Rwanda, le parti P.S IMBERAKURI, a contesté la décision du Tribunal de Gasabo qui a décidé de reporter de nouveau le procès des membres de ce parti. Il s’agit de Donatien HABIYAMBERE, Dominique SHYIRAMBERE et Célestin YUMVIHOZE, tous emprisonnés, selon le communiqué, pour des raisons politiques, à l’instar de l’emprisonnement du Président de ce même parti, Bernard NTAGANDA.
«Cette décision biaisée reflète la vraie couleur de la justice du parti au pouvoir, le Front Patriotique Front (FPR), qui injustement cible les opposants politiques», poursuit la déclaration.
Un expert du droit avait déjà bien montré que le réquisitoire contre les membres du parti P.S IMBERAKURI était incomplet et manquait de preuves solides. Par conséquent, le parquet a demandé à la cour de suspendre le procès, pour lui donner le temps supplémentaire pour rassembler ces preuves.
Les avocats de la défense n’ont bien sûr pas manqué d’expliquer à la Cour, qu’en application de la loi, le procureur aurait dû d’abord recueillir des preuves solides et crédibles avant de mettre les suspects en détention provisoire. Ce qui n’a pas été le cas puisque les accusés viennent déjà de passer un an en détention illégale tel que confirmée par le procureur quand il a demandé à la cour de lui accorder du temps supplémentaire pour tenter de constituer les preuves sur lesquelles se fonderaient les accusations.
Le 8 juillet, vers 13h30, six membres des partis PS Imberakuri et FDU Inkingi ont été arrêtés par la Police rwandaise. Cette arrestation a eu lieu alors qu’ils venaient de rendre visite à un compatriote, Sylvain Mwizerwa, incarcéré dans la prison de Kimironko. Les interpellés étaient venus également faire la demande de documents de libération de trois autres membres du PS Imberakuri, dont le tribunal avait ordonné leur libération le jour antérieur.
Les opposants arrêtés sont pour le PS Imberakuri: le président du parti, Alexis BAKUNZIBAKE, Jean-Baptiste ICYITONDERWA, Martin, le responsable de PS IMBERAKURI à Kicukiro et Joyeux KITE, étudiant à l’université de KIE et membre du comité des étudiants. En ce qu’il s’agit des FDU-Inkingi, on a recensé l’arrestation de Martin NTAVURA et son épouse et également d’une dame dont l’identité reste inconnue.
Il faut rappeler aussi que trois cadres du PS Imberakuri ont été kidnappés et portés disparus en 2010 et que, jusqu’à ce jour, on n’en a aucune nouvelle. Il s’agit de Sibomana Rusangwa, secrétaire particulier de Bernard Ntaganda, enlevé le 13 juin 2010 vers 20h00 heures de Kigali à Nyamirambo, Jean Marie Vianney Nshimiyimana, disparu depuis le 25 mars 2010 alors qu’il rentrait de Kigali après le congrès du parti et de Denys Mpakaniye, responsable du parti à Karongi Mubuga disparu depuis le 20 juin 2010.
Le 29 juillet, le tribunal de Rwamagana a condamné l’Abbé Emile Nsengiyumva à une peine de prison d’un an et six mois. Les charges retenues contre lui: « Déstabilisation du Pays ».
L’abbé Emile Nsengiyumva a été est accusé pour avoir simplement dénoncé la dérive des autorités rwandaises qui détruisent les maisons des pauvres sans aucune solution d’hebergement.
Le prêtre, dans son homélie avait parlé de manque de charité et injustice contre les pauvres de sa paroisse. C’est cela que le régime FPR de Paul Kagame, qualifie de « déstabilisation du Pays ».
TROIS RAPPORTS
Le 31 mai, l’organisation Human Rights Watch a publié un rapport de 168 pages, selon lequel le bilan des juridictions Gacaca, les tribunaux populaires chargés de juger les crimes de génocide, est plutôt «mitigé» et «entaché» de graves erreurs judiciaires.
Le rapport est basé sur l’observation par Human Rights Watch de plus de 2 000 jours de procès devant les juridictions gacaca, sur l’examen de plus de 350 affaires, et sur des entretiens avec des centaines de participants de toutes les parties prenantes du processus gacaca, notamment des accusés, des rescapés du génocide, des témoins, d’autres membres de la communauté, des juges, ainsi que des autorités locales et nationales.
L’organisation estime que le processus a eu des éléments positifs et cite en premier lieu que de nombreux rwandais sont d’accord pour dire que le processus a permis de connaître mieux ce qui s’est passé au printemps 1994 même si toute la vérité n’a pas été dévoilée.
Selon plusieurs rwandais, l’expérience a également aidé certaines familles à retrouver «les corps de parents assassinés qu’elles ont pu enfin enterrer avec une certaine dignité. Elle a également contribué à reconnaître certains responsables des crimes commis».
Mais Human Rights Warch pointe de nombreuses lacunes, l’une des principales étant l’incapacité de ces tribunaux à assurer une justice égale pour toutes les victimes de crimes graves commis en 1994. «Entre avril et août 1994» note l’organisation, des militaires du Front Patriotique Rwandais «ont tué des dizaines de milliers de personnes. Ils ont également commis d’autres meurtres plus tard dans l’année, après que le FPR ait obtenu le contrôle total du pays. Les tribunaux gacaca n’ont pas poursuivi les crimes du FPR».
L’organisation souligne de multiples autres «lacunes et échecs» et cite «des violations fondamentales du droit à un procès équitable et des limitations de la capacité des accusés à se défendre efficacement; des prises de décision pouvant être biaisées (souvent causées par les liens des juges avec les parties dans une affaire ou par des vues préconçues de ce qui s’est passé pendant le génocide) conduisant à des allégations d’erreurs judiciaires; des affaires fondées sur ce qui s’est avéré de fausses accusations, liées, dans certains cas, au désir du gouvernement de faire taire les critiques (journalistes, militants des droits humains et agents de l’État) ou à des différends entre voisins et même entre membres de famille; l’intimidation par les juges ou les autorités de témoins à décharge; les tentatives de corruption visant certains juges pour obtenir le verdict désiré; ainsi que d’autres graves irrégularités de procédure».
Human Rights Watch salue comme une étape positive la reconnaissance par le gouvernement rwandais de la nécessité de corriger les erreurs judiciaires et estime toutefois que « la proposition que de tels cas soient à nouveau entendus dans le système gacaca risque de reproduire les mêmes problèmes et de ne pas remédier à la situation”.
Afin de pallier à ce risque, l’organisation plaide pour un mécanisme plus approprié qui pourrait être «une unité spécialisée au sein du système judiciaire classique, composée de juges professionnels ou d’autres professionnels juridiques formés, pour réexaminer les cas».
Le 3 juin, Amnesty International a rendu public un rapport de quelques pages intitulé «Quand s’exprimer n’est pas sans danger: les limites de la liberté d’expression au Rwanda», sur les violations de la liberté d’expression au Rwanda. En effet, au Rwanda, parler peut coûter cher.
Au Rwanda, la liberté d’expression est restreinte de façon injustifiable depuis des années. Dans les mois qui ont précédé l’élection du président de la République en août 2010, la liberté de parole a subi de graves restrictions, qui perdurent. La campagne de sensibilisation présentée par Amnesty International demande au gouvernement rwandais de permettre aux hommes politiques de l’opposition, aux journalistes, aux défenseurs des droits humains et autres personnes souhaitant s’exprimer de le faire sans crainte pour leur sécurité.
En effet, le Front patriotique rwandais (FPR), au pouvoir depuis le génocide de 1994, exerce un contrôle étroit sur la vie politique, la société civile et les médias, au motif que cela est nécessaire pour prévenir de nouveaux accès de violence. Les restrictions sur la liberté d’association et d’expression ont empêché les nouveaux partis d’opposition de participer aux élections d’août 2010. Pendant cette période, les journalistes étaient passibles de sanctions pénales pour diffamation.
L’organisation demande au Gouvernement rwandais d’accélérer le processus d’examen des lois sur «l’idéologie du génocide» et le «sectarisme», ainsi que la loi de 2009 sur les médias, qui sont utilisées pour supprimer toute opposition politique et étouffer la liberté d’expression dans le pays.
Un rapport d’Africom est sans appel: le Rwanda compte parmi les dix nations africaines les plus instables. Commandé par l’US Africom, le rapport souligne le déficit d’ouverture d’espace politique comme source de déstabilisation du pays. L’auteur du rapport a choisi de traiter trois thèmes essentiels:
1- L’incapacité du gouvernement rwandais à gérer la compétition politique dans un espace démocratique, pourrait radicaliser l’opposition qui ne dispose pas de moyens légitimes pour s’opposer au régime. Mais de nouvelles coalitions au sein de l’opposition contre le régime actuel pourraient émerger.
2- La stratégie du gouvernement de «développement sur un vide politique», pour laquelle il a assis sa légitimité intérieure et internationale, rencontre de grandes difficultés, laissant la pierre angulaire du tissus social vulnérable aux chocs économiques, aux possibles remises en cause, et à l’inégalité économique grandissante.
3- L’intérêt continu et l’ingérence du Rwanda dans la situation de l’Est de la République Démocratique du Congo peut avoir un effet déstabilisateur dans les deux pays, le Congo et le Rwanda.
FIN DU STATUT DE RÉFUGIÉ POUR LES RWANDAIS EN 2011
C’est au mois d’octobre 2009, que le gouvernement du FPR à Kigali avait demandé au Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés, Monsieur Antonio Guterres, d’invoquer la clause de cessation prévue par la Convention de Genève de 1951 contre tous les réfugiés et demandeurs d’asile rwandais afin que ces derniers perdent leur statut au motif que le Rwanda serait devenu un pays sûr. En réponse, le HCR a annoncé qu’il travaillerait avec toutes les parties concernées, dont le gouvernement rwandais et les pays d’accueil pour réfléchir à une possibilité d’application de la clause pour le mois de décembre 2011.
Lorsque la clause de cessation est invoquée, cela a en principe pour conséquence que la protection internationale accordée aux réfugiés n’est plus nécessaire. En pratique, cela se traduit par un retrait du statut de réfugié et la fin des droits et avantages liés à ce statut.
La clause de cessation peut être invoquée, pour des raisons «subjectives», c’est-à-dire liées à un individu comme par exemple un réfugié qui passe des vacances dans son pays d’origine ou pour des raisons «objectives», lorsqu’on estime que des changements fondamentaux durables et effectifs qui suppriment la crainte qu’avait le réfugié d’être persécuté se sont produits. C’est de cette dernière dont il est question dans le cas du Rwanda.
Face à cette possibilité d’invocation de cette clause, 28 associations d’Europe, d’Amérique et d’Afrique ont adressé un mémorandum au HCR dans lequel elles expriment «leurs profondes préoccupations» vis-à-vis de cette éventualité.
Ces associations estiment que considérer la cessation de la protection pour les réfugiés rwandais est «extrêmement prématuré» car, écrivent elles, «les conditions qui ont envoyé tous ces rwandais en exil sont loin d’avoir cessé et dans certains domaines, elles se sont mêmes empirées» et elles donnent une liste non exhaustive de certains faits, qui appuient et justifient leur position.
Parmi ces faits, elles évoquent des discours du président Paul Kagame à l’encontre des réfugiés, dont celui du13 avril 2010 dans lequel il compare les Rwandais qui fuyaient le pays à des «excréments» que le corps rejette automatiquement, ou encore celui du 7 avril 2007, lors de la 13ème commémoration du génocide à Murambi, dans lequel Paul Kagame dit regretter ne pas avoir exterminé suffisamment de monde parmi ceux qui ont traversé la frontière en 1994 en fuyant ses troupes. Ces associations évoquent également les crimes du FPR commis en 1996-1997 à l’encontre des réfugiés au Zaïre (actuellement RDCongo) et qui restent impunis encore à l’heure actuelle.
À propos de ces massacres, dans le même discours du 13 avril 2010 devant le Parlement, Paul Kagame avait encore affirmé: «ceux qui devaient être rapatriés, on les a rapatrié, ceux qui devaient être tués, on les a tués» et il ajoute en anglais, «that’s what we did».
Un des buts de cette manœuvre est de permettre au régime du FPR d’avoir un meilleur contrôle sur les réfugiés, afin de pouvoir empêcher les survivants de pouvoir témoigner et confirmer ou apporter de nouvelles informations aux accusations portées contre lui.
Selon Pascal Kalinganire, de l’organisation pour la paix, la justice et le développement au Rwanda qui a coordonné le mémorandum, seule une mobilisation massive peut bloquer l’invocation de la clause de cessation du statut de réfugié.
L’«IDEOLOGIE GENOCIDAIRE» COMME «ARME DE REPRESSION»
Etudiante à l’école supérieure (ESSA) de Nyarugunga au Rwanda, Adeline Niyomugeni a été emprisonnée sous l’accusation de «propagation de l’idéologie génocidaire». Selon les autorités de l’école fréquentée par Adeline, celle-ci aurait prononcé des mots qui ont choqué ses collègues. Dénoncée auprès des autorités policières, Adeline Niyomugeni a été arrêtée le 30 juin 2011 et est incarcérée depuis au commissariat de Nyarugunga.
Selon les informations provenant d’«igihe.com», «certains étudiants d’ESSA de Nyarugunga se seraient rendus compte que leurs collègues dans leurs conversations utilisaient des mots assimilables à l’idéologie génocidaire (ingengabitekerezo)». Toujours selon les informations venant de ce site, les mots prononcés par Adeline Niyomugeni auraient mis le feu aux poudres.
Choqués par ces mots, certains étudiants se sont réunis le 29 juin dernier, et convenus de la dénoncer à la direction de son école qui, à son tour, a dénoncé Adeline à la police de Nyarugunga. L’incarcération d’Adeline est intervenue le 30 juin, néanmoins la direction de l’école a annoncé que «les enquêtes continuent pour mettre la main sur tous les étudiants qui ont osé utiliser les mots assimilables à l’idéologie génocidaire».
La loi du silence
Quels mots Adeline aurait-elle prononcé au point de lui valoir la prison? C’est la question que nombreux continuent de se poser depuis que cette jeune étudiante a été arrêtée. Jusqu’ à maintenant, ni la direction d’ESSA de Nyarugunga, ni les collègues d’Adeline n’ont voulu communiquer sur ces prétendus mots contenant l’idéologie génocidaire que l’accusée aurait prononcés et qui, par conséquent, lui ont valu un séjour en prison. Quant à la police Rwandaise, elle dit par son porte parole Theos Badege, «ne pouvoir rien communiquer tant que l’instruction continue».
Les mots qui mènent en prison
Quels sont ces vocabulaires assimilables à l’idéologie génocidaire qu’il vaut mieux éviter de prononcer au Rwanda au risque de se retrouver en prison? Si les mots les plus sensibles se rapportent à ce qui est en rapport avec les ethnies et au génocide, en réalité la police et les autorités rwandaises se réservent le droit de qualifier n’importe quel mot comme se rapportant à «l’idéologie génocidaire». Ainsi tout mot, même le plus insignifiant, peut faire partie du lot. Par exemple dire qu’une personne est «hutu, tutsi et rescapée»; même si c’est vrai, peut être qualifié de propagation d’idéologie génocidaire et conduire en prison. Pourtant, dire qu’une personne est un «interahamwe», même si c’est faux, peut être bien vu. L’idéologie génocidaire apparaît donc comme «une accusation globalisante et fourre-tout» qui varie selon le bon vouloir du régime.
Ce qui est étonnant est de constater que ces mots qui peuvent mener en prison par leur simple prononciation, sont proférés souvent et en toute quiétude, même devant les assemblées populaires, par des hauts dignitaires du régime. Ainsi la phrase «génocide tutsi perpétré par les hutu» est utilisée fréquemment par les hauts dignitaires du régime.
L’«idéologie génocidaire» comme «arme de répression»
Si les autorités rwandaises arguent que la lutte contre l’idéologie génocidaire est l’une des mesures prises dans le cadre de la réconciliation, afin d’éviter au pays de replonger en tueries, en réalité «l’idéologie génocidaire» est une des «armes redoutables du régime», une arme de censure et de répression, discrète mais qui a fait preuve de son efficacité, puisqu’ elle a servi et continue à servir comme accusation contre toute personne osant lever la tête pour s’opposer au régime de Paul Kagame.
Depuis l’accession du FPR au pouvoir en 1994, la «propagation de l’idéologie génocidaire» comme accusation a servi à éliminer, à diaboliser et à assurer l’exclusion politique, sociale et économique d’un nombre important de citoyens, qu’ils soient leaders de la société civile et de la classe politique, responsables des confessions religieuses, commerçants et paysans. Cependant, même si «l’idéologie génocidaire», vient au premier rang des accusations que le gouvernement de Kigali utilise pour réprimer les dissidents, d’autres accusations se rapprochant de cette dernière, comme «révisionnisme, négationnisme et divisionnisme» ont été inventées; le tout dans le but d’épingler les opposants et maintenir la machine répressive du FPR en marche.
Une accusation controversée
«L’idéologie génocidaire» est une accusation qui n’a cessé de déflorer la polémique que ça soit au Rwanda ou à l’extérieur du pays. La déclaration publique d’Amnesty International du 6 juillet 2004 est assez significative: «L’assemblée nationale rwandaise se sert de façon inconsidérée du concept de génocide pour contraindre au silence non seulement les organisations et personnes qui affichent leur désaccord avec le gouvernement, mais aussi des associations qui entretiennent des liens profonds avec le peuple rwandais et dont la loyauté est mise en doute par le gouvernement». Pour Erwin van der Borght, un responsable d’Amnesty, les lois rwandaises contre l’idéologie génocidaire «sont formulées d’une manière très vague et généralisée, et donc les gens, au Rwanda, ne savent pas qu’est-ce qui est autorisé et qu’est-ce qui ne l’est pas». Du fait de cette situation, «beaucoup de gens préfèrent ne pas critiquer les autorités parce qu’il y a vraiment une crainte, par exemple auprès des médias indépendants, des activistes des droits de l’Homme et parfois même des opposants politiques, d’être poursuivis en justice», ajoute-t-il.
Une accusation qui handicape le système scolaire et effraye les enseignants
Cette accusation d’«idéologie génocidaire» ne cause pas seulement les problèmes au niveau des libertés, «l’enseignement rwandais» est aussi lourdement miné au risque d’entrainer un éboulement de tout le système scolaire.
En mars 2008, plusieurs medias dont le site «Syfia-Grands Lacs.Infos» ont annoncé que des centaines d’enseignants rwandais ont déjà rendu leur tablier par la crainte d’être accusés de véhiculer l’idéologie génocidaire. «En ce qui concerne le Rwanda, l’enseignant d’aujourd’hui ne sait pas quoi prendre ou laisser», remarque un enseignant de Gicumbi dans le Nord. Chacun a peur d’être inscrit sur la liste noire que dresse régulièrement le ministère de l’Éducation pour un geste ou une parole jugés déplacés. Les enfants et les enseignants font attention à chacun de leur geste ou parole, de peur qu’ils soient mal interprétés». Par exemple, les professeurs ne doivent pas parler des ethnies en classe, ce qui est difficilement évitable lorsqu’on parle du génocide. Il arrive souvent même que les professeurs qui ne donnent pas des bonnes cotes soient souvent accusés par certains élèves de pratiquer la discrimination. Cette peur est renforcée par le fait que la loi devant réprimer les crimes de propagation de l’idéologie génocidaire prévoit des lourdes peines pour les coupables, allant même à la prison à vie.
Adeline Niyomugeni est vraisemblablement victime de cette machine répressive du FPR qui instrumentalise le génocide pour les fins politiques. Pourquoi l’accuser de propager l’idéologie génocidaire? Comme nous l’avons souligné, la propagation de «l’idéologie génocidaire» est une accusation considérée comme grave au Rwanda, elle permet d’envoyer les dissidents en prison pour plus longtemps. Selon les informations recueillies auprès d’un étudiant d’ESSA qui a souhaité garder l’anonymat, Adeline Niyomugeni fait partie des nombreux étudiants qui ne portent pas le régime de Paul Kagame à cœur, et a été imprudente de l’exprimer publiquement, ce qui est à l’origine de ses ennuies.
La surveillance renforcée dans les établissements scolaires
Suite aux révoltes dans le monde arabe, le régime dictatorial de Kigali a doublé ses informateurs dans les établissements scolaires, craignant que ces établissements soient l’épicentre de la contestation si les révoltes atteignent le pays. «Sur les établissements scolaires, il devient rare de se rassembler à deux ou trois et de parler un long moment, sans qu’une personne vienne se mettre à côté pour écouter», a déclaré un ancien étudiant de KIST à Jambonews. Ce sont des véritables services de renseignements qui ont été installés sur les établissements scolaires. Ces petits groupes de gens qui sont chargés principalement d’espionner leurs collègues sont composés par des gens voués à la cause du régime, ils sont étudiants et professeurs, leur nombre varie selon l’effectif total des étudiants inscrits à l’établissement. Quand ils soupçonnent quelqu’un de propager son antipathie envers le régime, ils se réunissent et décident des mesures à adopter. Le plus souvent, ils privilégient de surveiller l’individu en question quelques jours, quand ils jugent que le suspect constitue un risque (d’influencer ou inciter les autres), ils informent directement leur supérieur qui n’est d’autre que la DMI (service de renseignement militaire). C’est à la DMI que revient la décision sur le sort réserve à tout individu pris en défaut. L’accusation lourde comme la «propagation de l’idéologie génocidaire» vise non seulement à écarter la victime, mais également à servir comme exemple et par conséquent dissuade quiconque osant emprunter le même chemin. Ainsi l’arrestation et l’emprisonnement d’Adeline Niyomugeni ne vise pas donc seulement à écarter une dissidente, mais aussi à envoyer un message à ses collègues refusant de se plier à la volonté du régime.
Jusqu’à quand le gouvernement Rwandais se servira-t-il d’accusation d’idéologie génocidaire pour prendre pour cible ses détracteurs et les discréditer? Comment peut-on parler de la réconciliation et se livrer à des actes de musèlement de l’opposition et la confiscation de la démocratie? Quel avenir pour un Rwanda où on risque de passer le reste de sa vie en prison, par le simple fait de ne pas approuver les dérives dictatoriales du gouvernement? Le gouvernement rwandais doit revoir les lois sur l’idéologie génocidaire à cause de l’ambigüité entourant ces lois qui tendent de plus en plus à museler la presse, les militants des droits de l’Homme et toute opposition au Rwanda; et par conséquent minant les chances de voir le Rwanda devenir un pays démocratique respectueux des valeurs fondamentaux.
FIASCO D’UN ENSEIGNEMENT AU BORD DE L’EFFONDREMENT
Situation actuelle: le fiasco de l’enseignement au Rwanda.
Selon «The Rwandan Statistician», le dernier bulletin de Recherche de l’Institut National des Statistiques du Rwanda, près de 80% des jeunes Rwandais âgés de 13 à 18 ans ont accès à l’enseignement secondaire. Ce chiffre, qu’il faut prendre avec des pincettes, prouverait un progrès remarquable par rapport à la situation d’avant 1994, où à peine 3% de cette tranche d’âge fréquentait l’école secondaire. Malheureusement cette progression n’aurait pas été accompagnée par l’amélioration de la qualité.
Le manque de l’amélioration de la qualité est du à plusieurs facteurs:
-la formation et les conditions de vie des enseignants
-la langue d’enseignement
-les conditions d’études
-l’enseignement est devenu une sorte de business
La formation et les conditions de vie des enseignants
Au lieu d’utiliser les enseignants formés et qualifiés se trouvant au Rwanda avant la prise du pouvoir par le FPR, celui-ci les a mis de côté, marginalisés ou emprisonnés, en les accusant d’idéologie génocidaire et s’est contenté de les remplacer par des rapatriés qui ne remplissaient pas les conditions requises: pas de formation appropriée, pas de titre requis, ou qui ne maîtrisaient même pas la langue d’enseignement de l’époque, en l’occurrence le français. En outre, on a introduit un «Programme d’Enseignement de base de 9 ans» qui consiste à permettre à tous les jeunes rwandais de terminer l’école primaire et le premier cycle du secondaire. Les mesures d’accompagnement font défaut. Il y a une insuffisance de locaux et un manque de matériels didactiques.
La langue d’enseignement
Depuis le 10/01/2011, l’anglais est désormais, la seule et unique langue d’enseignement secondaire et universitaire au Rwanda. L’abolition de la langue parlée par l’écrasante majorité du corps enseignant a mis au chômage des professeurs francophones remplacés par des anglophones sans matériels didactiques adéquats et sans formations appropriées. Les autorités du FPR ont créé Kigali Institute of Education qui tente, tant bien que mal, de remédier à la situation, mais il y a encore d’énormes progrès à accomplir.
Les conditions d’études
«Le pauvre et l’enfant du pauvre resteront ignorants et pauvres», disent les paysans rwandais.
Dans les conditions actuelles, les inégalités et l’injustice sociales au Rwanda ne peuvent que s’aggraver. En effet, les études coûtent de plus en plus cher et les pauvres sont incapables de subvenir aux frais scolaires de leurs enfants, notamment le minerval et l’achat de matériel didactique. Par ailleurs, les bibliothèques sont inexistantes ou embryonnaires; l’accès à l’outil informatique demande des moyens exorbitants; les conditions d’études (lumières, salles d’étude, aide aux devoirs,…) ne sont pas réunies.
En plus, comme le Gouvernement rwandais a décidé la suppression du système d’allocations d’études, la situation va s’empirer. Privés de bourses d’études, beaucoup d’étudiants sont contraints de travailler; ce qui les empêche d’aller au cours, d’où «travailler plus, étudier moins»; d’autres ont déjà renoncé à leurs étude. Par exemple au niveau de l’université nationale du Rwanda, sur 85 inscrits en Agronomie, 28 sont retournés chez eux.
En outre, tous les cours dans les différentes disciplines doivent être accompagnés par l’idéologie du Front Patriotique Rwandais qui est devenu ipso facto le Parti-Etat. Les élèves finalistes des études secondaires doivent passer quelques mois dans des camps de formation idéologique et militaire baptisés «INGANDO» où les élèves sont initiés à l’histoire réécrite par le régime dictatorial. Pendant la clôture de l’INGANDO sous la direction des hautes autorités y compris l’armée et la police, la rentrée forcée de chaque étudiant dans le parti FPR est obligatoire; ce qui explique l’objectif principal de ces camps.
L’enseignement devenu business
Dans le but d’acquérir un niveau d’études toujours plus élevé en vue d’augmenter les chances de trouver un emploi ou de gagner plus, il y a une course effrénée aux diplômes.
En outre, les frais académiques sont trop élevés (plus de 5000$ par an); à moins d’être boursiers de l’Etat ou bénéficiaires d’un crédit bancaire, rares sont les parents capables de s’acquitter d’un tel montant. Cette situation incite des gens véreux à la fraude pour avoir le précieux sésame; cela explique le trafic énorme de faux diplômes, de faux certificat d’études secondaires, voire de niveaux académiques.
Les promotions automatiques où les élèves ne font pas d’effort afin de passer dans la classe supérieure, a eu comme conséquence directe d’avoir beaucoup de finalistes incompétents.
Selon le rapport d’une commission spéciale des députés sur la situation de l’enseignement discuté au parlement déjà depuis le 24 mars 2010, les lauréats des universités rwandaises sont incapables de rédiger convenablement une lettre de demande d’emploi, beaucoup sont incapables de faire des rédactions des brochures de fin de cycle (mémoires) et recourent des fois à des intellectuels prisonniers et à d’autres corvéables en échange de l’argent ou d’autres avantages.
Conséquences fâcheuses
Cette situation calamiteuse de l’enseignement rwandais entraîne inexorablement des conséquences graves comme: l’exode des étudiants rwandais vers les pays limitrophes (Ouganda, Burundi, Tanzanie, Kenya), à la recherche d’hypothétiques études moins onéreuses et d’un niveau d’enseignement plus ou moins élevé et le manque de planification qui a comme corollaire la production d’un grand nombre d’universitaires mal formés et voués au chômage.
Une enquête de la BBC Gahuza diffusée dans l’émission «Imvo n’Imvano» du 23 juillet 2011, conclue que l’instituteur rwandais est le plus mal payé de tous les agents de l’Etat. Il vit dans la misère et peine à joindre les deux bouts du mois. Son métier est dévalorisé et lui-même est raillé publiquement. Conséquence, l’enseignement dans le primaire est donné au rabais de façon que certains enfants terminent le cycle sans savoir ni lire ni écrire. En effet, pour arrondir les fins du mois, les instituteurs préfèrent aller donner des cours particuliers aux enfants des riches et des autorités au lieu de se consacrer à leurs classes. C’est le cas de cet enseignant de la capitale Kigali que les journalistes de la BBC ont tendu le micro et qui déclare avoir un salaire de 26.000 Francs rwandais (Frw) et loue une maison pour 20.000 Frw. Comment peut-il vivre tout le mois avec 6000Frw restants alors que par exemple un kilo de viande coûte en moyenne 1600 frw, un kilo de riz est 760 Frw?
Le salaire moyen d’un instituteur est de 28.000 Frw. Au taux de change actuel (1$=730FRW) ceci équivaut à 38 US$. Comparativement, ce salaire est 120 fois moins que celui d’un ministre, 40 fois moins que celui d’un député, 25 fois moins que celui d’un maire, 15 fois moins que celui d’un exécutif de secteur administratif, … Pour avoir une idée concrète de ces écarts de salaire, prenons le cas des Secrétaires d’Etat et des Gouverneurs de province. Ils ont un salaire mensuel est de 1.774.539 Frw. Ils reçoivent en outre 300.000 Frw de frais de représentation et 250.000 Frw par mois de frais de téléphone, d’internet et de fax de bureau; 475.000 Frw par mois d’entretien du véhicule; 5.000.000 Frw d’achat de mobilier et autre équipement domestique une fois chaque 5 ans; etc.
Avec son salaire de misère de 28.000 Frw par mois, l’instituteur peut seulement s’acheter : 48 kg de haricots ou 30 kg de riz ou 4 tôles ondulées ou encore une seule paire de chaussures. En ce qui concerne les matériaux de construction, avec 28000 Frw notre instituteur peut acheter une fenêtre métallique ou un pot de peinture. Mais il devra débourser l’équivalent de 3 mois de salaire pour acheter une porte métallique.
Avant 1994, le salaire moyen d’un instituteur équivalait à 180 US$ à l’époque. Il était 6 fois supérieur au salaire actuel. L’instituteur pouvait alors s’acheter 40 tôles ondulées ou 750kg de pommes de terre ou 3500 kg de haricots ou 6 portes métalliques ou encore 3 bicyclettes… Le ministre ne touchait que 8 fois plus qu’un instituteur, le député 6 fois plus tandis que la différence de salaire entre un bourgmestre et un instituteur n’était que de 4000 Frw.