Congo Actualité n. 128

SOMMAIRE:

ÉDITORIAL

– PROCESSUS ÉLÉCTORAL
Fin de la période d’enrôlement des électeurs et début de l’étape du dépôt des acndidatures pour les élections présidentielles et législatives nationales.

– JUSTICE
Le projet de loi portant création de tribunaux spéciaux mixtes pour les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide

– KIVU
Militaires FARDC et policiers à l’origine de l’insécurité croissante?
Le commerce illégal des minerais de sang
Herman Cohen: «Au département d’Etat américain, le Kivu fait partie du Rwanda».

 

ÉDITORIAL

Au Congo, les préparatifs s’intensifient pour les élections présidentielles et législatives du 28 novembre prochain.
La loi électorale a été approuvée il ya quelques mois. L’opération d’enrôlement des électeurs est terminée le 17 juillet dernier.
La loi sur la répartition des sièges selon les circonscriptions pour les élections nationales et provinciales a été finalement publiée. On a également lancé la période d’inscription des candidats aux élections présidentielles et législatives. C’est une véritable course contre le temps. Mais le chemin vers le 28 novembre est encore long, raide et difficile.

Parmi les différentes difficultés, on peut citer l’insuffisance, voire l’absence totale de transparence à propos des listes électorales définitives. Les partis de l’opposition et la société civile n’ont pas cessé de dénoncer les nombreuses irrégularités, y compris les doubles ou triples inscriptions, l’enrôlement de mineurs et d’étrangers, la non-inclusion de personnes adultes ayant droit au vote, etc. Les partis et les ONG exigent donc que clarté soit faite et demandent de pouvoir participer à la vérification finale des listes électorales, dans la conviction qu’on ne pourra pas y avoir des élections transparentes, si des doutes persistent au sujet de la première étape du processus électoral, qui est celle de la révision du fichier électoral.

S’il n’y a pas de clarté dès le départ, ceux qui échoueront aux élections auront une bonne raison pour ne pas accepter les résultats des urnes et provoquer le chaos: c’est ce que l’on craint pour la période post électorale. Après plusieurs années de guerre et de violences, le peuple congolais a droit à la paix, afin de se consacrer au travail et construire un avenir meilleur. Tout le monde, alors, devra collaborer pour des élections libres et apaisées.

La Commission électorale, chargée d’organiser les élections, devra répondre aux exigences de clarté et transparence lui présentées par l’opposition et la société civile, en facilitant la participation des observateurs, en corrigeant les éventuelles irrégularités et en prenant les mesures appropriées pour prévenir la fraude électorale. Les partis de l’opposition et la société civile devront revendiquer avec énergie et exercer avec rigueur leur droit et leur devoir de contrôler le processus électoral dans son ensemble, dans la conviction, cependant, qu’il n’y a pas d’élections parfaites, même pas au Congo, un pays meurtri par dix années de guerre qui ont détruit les infrastructures, le tissu social, l’administration et l’économie.

De sa part, directement impliquée dans la course électorale, la classe politique pourra justement invoquer le droit à la liberté d’expression et l’accès paritaire aux médias, mais elle doit assumer aussi ses responsabilités vis-à-vis du code de bonne conduite pour les partis politiques, les coalitions politiques et les candidats, afin d’assurer une climat apaisé et modéré, avant, pendant et après les élections. Surtout, elle devra présenter aux électeurs des programmes de gouvernement dans l’intérêt du bien commun et accepter le verdict des urnes.

À propos de l’Est de la RDCongo, notamment les deux provinces du Nord et du Sud-Kivu, on parle souvent d’une «occupation rwandaise», d’une «administration dans les mains des Rwandais », d’une «armée sous le commandement des Rwandais», de «faux réfugiés congolais rentrés au Congo, mais qui sont, en effet, des envahisseurs rwandais». Il n’est pas du tout facile de comprendre ce qui se passe réellement. Il est vrai que dans plusieurs endroits l’administration est dans les mains des représentants du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), un ancien mouvement politico militaire appuyé par le régime en place à Kigali. Il va de même pour les troupes de l’armée congolaise déployées dans l’Est. La présence de soldats rwandais dans les deux provinces du Kivu est plus que probable et certaine, depuis que les troupes rwandaises ont envahi le territoire congolais à deux reprises, pendant les deux guerres de 1996-1997 et 1998-2003 et une troisième fois, pendant l’opération militaire conjointe FARDC-APR (Umoja Wetu) menée contre les milices FDLR en 2009. Quant à l’arrivée de groupes provenant du Rwanda, il convient de remarquer que plusieurs congolais rwandophones, notamment les jeunes, avaient traversé la frontière au début des années 1990, pour s’enrôler dans l’armée du FPR, qui avait envahi le Rwanda le 1er Octobre 1990, à partir de l’Ouganda.

D’autres Congolais ruandophones étaient partis au Rwanda en 1994-1995, après l’arrivée des réfugiés hutus rwandais en RDCongo. Probablement, une partie de ceux qui sont arrivés au Congo ces derniers mois, appartient aux deux groupes cités. Il est fort probable qu’il y ait, parmi les retournés, des infiltrés aussi, comme c’est le cas de certains réfugiés rwandais ou membres des FDLR rapatriés et qui, dernièrement, sont de retour de façon illégale ou d’immigrés rwandais clandestins. En ce qui concerne l’enrôlement de « Rwandais » dans le fichier électoral congolais, on peut rappeler que les Kivu sont deux provinces situées à la frontière avec le Rwanda et qu’il existe plusieurs « Congolais », ruandophones ou pas, qui vivent et travaillent au Rwanda. Ce dernier cas, en particulier, pose la question de la nationalité, car, selon la Constitution congolaise, la nationalité congolaise est une et exclusive. La RDCongo, en effet, ne reconnaît pas la double nationalité, que, cependant, reconnaît le Rwanda. Comme dans la plupart des pays, une personne qui a une nationalité double ou triple, a le droit de vote dans les différents pays dont il a la nationalité. Ces cas devraient être résolus sur la base de la loi congolaise et des relations bilatérales entre les deux pays, le Congo et le Rwanda.

 

PROCESSUS ÉLÉCTORAL

Le 25 juillet, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, a annoncé à Kinshasa que la CENI a enregistré trente deux millions vingt-quatre mille six cent quarante (32.024.640) électeurs contre 31 millions attendus sur l’ensemble de la République Démocratique du Congo, à la clôture, le 17 juillet 2011, des opérations de révision du fichier électoral.

Le 25 juillet, le code de bonne conduite pour les partis politiques, regroupements politiques et candidats aux élections a été adopté, à Kinshasa, en l’absence de représentants de l’opposition politique. Les opposants ont quitté la salle de réunion avant la discussion de ce projet, affirmant en avoir reçu l’ébauche le même jour et estimant que plusieurs préalables liés au déroulement du processus électoral doivent d’abord être réglés. Le code de bonne conduite devrait être signé le 2 août, moyennant des amendements. Il va réguler le comportement des acteurs politiques pendant la période électorale. Il renferme les droits et obligations des candidats, ainsi que les dispositions conservatoires et les sanctions à l’endroit des contrevenants.

Le 26 juillet, à l’issue d’une concertation de 24 heures, l’opposition politique rend publique sa déclaration relative à l’état des lieux du processus électoral. Pour des élections démocratiques, transparentes, crédibles et apaisées, elle exige la prise en compte des préalables suivants:

1. L’audit du fichier électoral, 2. Le vote et la publication de l’annexe à la loi électorale avant le dépôt des candidatures, 3. L’implication de l’Opposition dans la gestion du serveur central, 4. La mise en réseau des centres, des bureaux et serveur, 5. La sécurisation du processus électoral par la mise en place de la Cour constitutionnelle et des autres juridictions devant intervenir dans le processus électoral, du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la Communication, et l’implication de la CENI dans la libération des combattants arrêtés, notamment ceux de l’UDPS, 6. La publication de toutes les opérations liées à l’impression des bulletins de vote, 7. L’audit des finances de la CENI et de la CEI, 8. La mise en place au niveau du secrétariat exécutif national et du secrétariat exécutif provincial, des antennes locales de la CENI, 9. La formalisation effective du cadre de concertation, 10. L’indépendance effective et réelle de la CENI.

Le 29 juillet, le président de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda, accompagné de quelques membres de son bureau, a remis au gouvernement l’annexe à la loi électorale. Il a solennellement appelé les députés et les sénateurs à voter cette annexe avant le 10 août prochain. Passé cette date, a-t-il insisté, il se verra dans l’obligation de découpler l’élection présidentielle des législatives, organisant avant tout l’élection présidentielle à la date prévue et les législatives à une date ultérieure. Ce message fort du président de la CENI en direction des élus nationaux laisse voir qu’il existerait une certaine résistance de la part des parlementaires qui ne semblent pas pressés de voter l’annexe de la loi électorale. Et ce, dans la mesure où la session extraordinaire du Parlement n’est toujours pas convoquée.

Le 30 juillet, au cours d’un conseil des ministres extraordinaire présidé à Kinshasa par le Premier ministre, Adolphe Muzito, le gouvernement a adopté le projet de loi portant annexe à la loi électorale. Ce projet de loi, présenté par le vice premier ministre en charge de l’Intérieur, Adolphe Lumanu, est destiné à compléter la loi électorale, qui, jusque là, ne fixe pas la répartition des sièges par circonscription électorale. Il a fallu, pour cela, attendre la fin de la Révision du fichier électoral (RFE) pour connaitre le nombre total des congolais enrôlés pour chacune de circonscription. Quant à la répartition des sièges proprement dite, le quotient électoral est fixé à 64 049 électeurs pour un siège. Ce chiffre est obtenu en divisant le nombre total d’électeurs par le nombre de sièges à pourvoir à l’Assemblée nationale, soit cinq cents députés.

D’après cette répartition, seule la province du Sud-Kivu garde le même nombre de siège qu’en 2006, soit 32. Cinq provinces connaissent un accroissement des sièges: Equateur (quatre sièges de plus), Katanga (trois sièges de plus), Kasaï-Occidental (deux sièges de plus), Kasaï-Oriental (deux sièges de plus), Maniema (deux sièges de plus). D’autres provinces, par contre, ont perdu quelques sièges par rapport à leur quota de 2006. Il s’agit de: Bandundu (deux sièges de moins), Bas Congo (un siège de moins), Nord-Kivu (un siège de moins), Province-Orientale (deux sièges de moins), Kinshasa (sept sièges de moins). Ce projet de loi devrait être transmis, pour examen et adoption, au Parlement qui se trouve en vacances depuis la mi-juin.

Le 2 août, des personnalités de partis et regroupements politiques se réclamant de l’opposition, ont adressé une lettre ouverte, datée du 30 juillet, au chef de l’Etat, Joseph Kabila, sur la situation politique, économique et sociale du pays. Le moins que l’on puisse dire est que les opposants signataires de cette lettre sont très sévères. Ils ne reconnaissent aucun mérite au pouvoir en place et remettent en cause la gestion globale du pays. Voici quelques extraits :

1. La Constitution est sans cesse violée par Vous-même et par les acteurs de Votre famille politique et, ce, sans faire l’objet d’une quelconque sanction. La non promulgation des lois dans les délais constitutionnels, la tenue des réunions inter-institutionnelles, l’inféodation du pouvoir judiciaire et la révision constitutionnelle de janvier 2011 particulièrement nous paraissent être révélatrices de cette volonté de Vous mettre au-dessus de la Constitution et des lois de la République.

2. Nous regrettons la politisation à outrance de certains services et entreprises de l’Etat, où ont été nommés des représentants de la majorité présidentielle, dans l’optique d’y asseoir le label de cette mouvance politique au détriment de l’opposition politique, contre poids indispensable au bon fonctionnement de la démocratie.

3. Nous nous insurgeons contre les nominations qui se poursuivent allègrement au sein de la petite territoriale au mépris de la loi électorale et de la loi portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces.

4. L’activisme qu’affichent vos affidés sur l’espace sociopolitique, sur fond d’exhibitionnisme en entretenant une atmosphère de précampagne électorale inquiète, tandis que l’accès aux médias officiels est toujours difficile pour l’opposition. Aux fins de sécuriser le processus électoral, l’opposition exige donc l’installation, sans délai, du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication ainsi que la mise en place de la Cour Constitutionnelle et des ‘ autres juridictions devant intervenir dans ledit processus.

5. Dans les grandes artères et sur les édifices publics tant à Kinshasa qu’à travers toute la République, de grands panneaux publicitaires, avec Votre effigie, sont érigés. Cela s’apparente à une campagne électorale permanente qui ne dit pas son nom et, par conséquent, nous Vous prions de faire enlever tous ces panneaux géants.

6. En ce qui concerne le déroulement du processus électoral, nous notons notamment l’absence de recensement et d’identification des nationaux, de l’audit du fichier électoral et le non accès à la gestion du serveur central par l’un des partenaires au processus qu’est l’opposition politique.

Par ailleurs, l’insécurité entretenue dans les territoires de l’Est où sévissent des groupes armés, les irrégularités flagrantes notamment l’enrôlement des mineurs, des hommes en uniforme, des étrangers, le déplacement massif des populations d’une circonscription vers celle où l’on est candidat portent à croire qu’il y a une volonté délibérée d’organiser des élections non transparentes.

7. En matière de respect de droits de l’homme, notre pays continue à s’illustrer par des violations massives, et qui sont régulièrement dénoncées par les organisations nationales et internationales.

8. L’opposition politique note avec stupéfaction qu’aucune avancée significative n’a été enregistrée dans les domaines de la santé, de l’éducation, le l’emploi et dans l’amélioration de la desserte en eau et électricité.

9. En ce qui concerne la formation d’une armée et d’une police nationale et républicaines, nous constatons que Votre pouvoir n’a pas été capable de mettre en place une armée, une police et des services de sécurité professionnels et républicains à même de restaurer la paix, de sauvegarder et de préserver l’intégrité du territoire national. Quels sont, par exemple, ces critères de sélection pour les nominations des commandants dans l’armée et la police qui font que, dans le Nord et le Sud Kivu ainsi que dans la Province Orientale, il n’y ait que des commandants d’une même obédience?

Par ailleurs, le silence coupable du gouvernement après la publication par les Nations Unies du « Rapport Mapping », faisant état de crimes de génocides, crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis sur le sol congolais nous laisse perplexe en ce que les auteurs nommément cités

(Bosco Ntaganda) dans ledit rapport n’ont fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire.

10. En dépit des proclamations sur la « politique de tolérance zéro », qui n’est un slogan creux, nous constatons malheureusement que le pillage des ressources naturelles et autres richesses nationales amplement dénoncé par le  » Rapport du Panel des Experts des Nations Unies sur « L’exploitation illégale et le Pillage des Ressources Naturelles de la RD Congo », la corruption érigée en système de gouvernement, l’opacité dans la procédure de passation des marchés publics, le système de prédation qui gangrène l’économie nationale, le blanchiment d’argent à origine douteuse, l’existence d’un gouvernement parallèle, le mauvais climat des affaires, la paupérisation de la population, le vol, l’incurie ainsi que le clientélisme et le népotisme, conduisent à la régression notoire de la République démocratique du Congo et minent son développement. Tout ce qui précède démontre à suffisance que l’intérêt privé a pris le pas sur l’intérêt général et que le pays n’est pas géré pour le bien commun.

Le 3 août, les bureaux de deux chambres du Parlement congolais ont décidé de convoquer une session parlementaire extraordinaire du 6 août au 4 septembre 2011. Celle-ci se penchera essentiellement sur le projet de loi portant annexe à la loi électorale et les projets de loi non encore traités.

Le 6 août, la session extraordinaire de deux chambres du Parlement congolais s’est ouverte au Palais du peuple à Kinshasa. Elle doit se pencher, en priorité, sur l’annexe de la loi électorale. Cette annexe détermine le nombre des sièges à pouvoir pour chacune des deux chambres (l’Assemblée nationale et le Sénat) ainsi que pour chaque province et chaque circonscription électorale.

Le 9 août, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi annexe à la Loi électorale. Sur 326 députés ayant participé au vote, 315 ont voté oui, 6 non et 5 se sont abstenus. Certains ont exprimé leurs inquiétudes quant à la fiabilité du fichier électoral. Au cours du débat, Adolphe Lumanu, vice-Premier ministre e ministre de l’Intérieur, a confirmé que les opérations du nettoyage du fichier électoral ont permis de retirer des listes 119 mille cas considérés comme doublons. Ce projet de loi est envoyé au Sénat pour une seconde lecture.

Le 10 août, sous la supervision du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), partis, regroupements politiques et médias ont été conviés à la cérémonie de la signature du code de bonne conduite. Seulement le PPRD, le Palu et autres partis politiques de la Majorité présidentielle ont apposé leur signature, étant l’Opposition absente.

Le 12 août, le Sénat a adopté l’annexe à la loi électorale, malgré « quelques incohérences » dans le fichier électoral. Sur 77 sénateurs présents, 66 ont voté pour l’annexe sur la répartition des sièges et 11 se sont abstenus. Ce projet de loi est envoyé à la commission paritaire mixte réunissant les commissions PAJ de l’assemblée nationale et du sénat pour harmoniser le texte final.

Le 15 août, les députés et sénateurs se sont réunis en commission mixte paritaire à Kinshasa. Ils devraient s’entendre sur l’appellation du projet de l’annexe à la loi électorale. L’Assemblée nationale a adopté ce projet de loi sous l’intitulé de «la loi annexe à la loi électorale». Lors de sa deuxième lecture, les sénateurs l’ont intitulé «la loi portant succession et répartition des circonscriptions électorales». Cette question de forme divise les élus de la chambre basse et ceux de la chambre haute. Pour les sénateurs, il n’est pas normal qu’une loi soit l’annexe d’une autre loi. Certains députés pensent le contraire. Pour eux, l’intitulé de l’annexe doit être maintenu.

Le 16 août, la plénière de l’Assemblée nationale a voté le texte harmonisé du projet de loi portant répartition de sièges par circonscription électorale pour les élections législatives et provinciales. Sur 417 députés nationaux inscrits sur la liste des présences, 399 ont voté Oui, 13 ont voté Non et 5 députés se sont abstenus.

Le 16 août, l’Association africaine pour la défense des droits de l’homme (Asadho) a affirmé l’idée de la nécessité de l’audit du fichier électoral. Le but: garantir la transparence du processus électoral en RDC et assurer la crédibilité de ce processus. Jean-Claude Katende, président de cette ONG l’a souligné au cours d’une conférence de presse à Kinshasa. Il faut la transparence pour éviter des contestations éventuelles des résultats lors des prochaines élections, estime l’Asadho. Dans un rapport intitulé «Pour un processus électoral transparent» et publié mardi à Kinshasa, l’Asadho épingle quelques irrégularités ayant émaillé l’opération de la révision du fichier électoral. Jean-Claude Katende cite notamment «l’enrôlement des mineurs, les cas de personnes enrôlées plus d’une fois, la réduction et l’éloignement des centres d’enrôlement, la délocalisation des électeurs, la corruption des éléments de la Police nationale commis à la sécurisation des centres d’enrôlement et de certains agents de la CENI, le non paiement des agents de la CENI, l’absence des témoins ou observateurs des partis politiques dans beaucoup de centres d’enrôlement, la non publication des listes d’enrôlés, 24 heures après, dans tous les centres». Pour l’Asadho, si le fichier électoral n’est pas audité, il est fort probable que le processus électoral débouchera sur des contestations des résultats des urnes. «S’il y a contestation, des dérapages pourront avoir lieu. Et nous devons lutter pour que les élections soient apaisées et que les résultats soient acceptés par tout le monde», a conclu le président de l’Asadho.

Le 17 août, le Sénat a adopté la loi portant fixation des circonscriptions électorales et répartition des sièges pour les élections législatives et provinciales. Sur 79 sénateurs présents dans la salle, 72 ont voté oui, un seul sénateur a voté non, six sénateurs se sont abstenus.

Voici le tableau de répartition des sièges par provinces:

PROVINCES Électeurs enrôlés Sièges à pourvoir Sièges perdus ou gagnés
       
Kinshasa   3.287.745  51 – 7
Bas-Congo   1.502.939  23 – 1
Bandundu   3.533.322  55 – 2
Équateur   3.960.643  62 + 4
Kasaï Occ.   2.661.245  42 + 2
Kasaï Or.   2.643.905  41 + 2
Pr. Orientale   3.886.524  61 – 2
Nord Kivu   3.003.246  47 – 1
Sud Kivu   2.022.960  32  0
Maniema      874.809  14 + 2
Katanga   4.627.302  72 + 3
Total 32.024.640 500  

 

Le 17 août, le président de la République, Joseph Kabila, a promulgué la loi portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections législatives nationales et provinciales. Selon cette loi, les futurs députés nationaux seront issus de 169 circonscriptions électorales réparties sur l’ensemble du territoire national.

Le 18 août, le président de la Ceni, Daniel Ngoy Mulunda a annoncé le lancement du dépôt des candidatures pour les élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2011. Le dépôt et le traitement des dossiers des candidats à la présidentielle et à la députation nationale vont du 18 août au 15 septembre 2011, date de la publication de la liste provisoire des candidats par le Bureau de la CENI, a précisé le pasteur Ngoy Mulunda. Seul le siège national de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), à Kinshasa, est chargé de recevoir et de procéder au traitement des candidatures à la présidentielle. «Pour la députation nationale, les candidatures peuvent être déposées dans les 170 bureaux ouverts par la Ceni à travers le pays», a indiqué Ngoy Mulunda. Par ailleurs, Ngoy Mulunda a démenti les allégations selon lesquelles 1 million d’électeurs inscrits auraient disparu du fichier électoral. Concernant le serveur dont l’opposition a demandé l’audit, le président Ngoy Mulunda a été formel: «Nous avons demandé à l’opposition, à condition que la majorité accepte, d’envoyer deux techniciens à la Ceni pour que nos techniciens leur expliquent comment la chose marche». «Nous acceptons que la Majorité et l’Opposition nous envoient leurs experts pour accéder au Serveur du fichier électoral pour couper court à toutes les rumeurs circulant, à cet effet, à travers la ville de Kinshasa et à l’intérieur du pays», a-t-il affirmé avant de préciser que «la gestion du processus électoral ne revient qu’à la Commission électorale nationale indépendante».

Ngoy Mulunda a aussi rappelé les dates importantes suivantes:

A. Le 27 septembre 2011: publication de la liste définitive des candidats par le Bureau de la CENI.

B. Du 18 septembre au 25 novembre 2011: commande, impression et déploiement des bulletins de vote pour l’élection présidentielle et la députation nationale.

C. Du 28 octobre au 26 novembre 2011: campagne électorale pour l’élection présidentielle et la députation nationale.

D. Le 28 novembre 2011: jour du scrutin: élection présidentielle et députation nationale.

E. Le 06 décembre 2011: annonce des résultats provisoires de l’élection présidentielle par le Bureau de la CENI.

F. Du 07 au 16 décembre 2011: recours et examen du contentieux des résultats de l’élection présidentielle par la Cour suprême de justice

G. Le 17 décembre 2011: proclamation des résultats définitifs par la Cour suprême de justice.

H. Le 20 décembre 2011: prestation de serment du Président élu.

 

JUSTICE

Le ministre de la Justice et des Droits humains, Emmanuel Luzolo Bambi vient de déposer devant le Parlement un projet de loi portant création des «Tribunaux spéciaux». Ils auront pour tâche principale d’examiner tous les cas, depuis 1990, relatifs aux crimes de guerre et contre l’humanité. Outre les magistrats nationaux, ce projet de loi prévoit également l’engagement des magistrats étrangers, au regard de leur compétence et de leur intégrité morale dans la perspective de renforcer les capacités de ces cours spécialisées. Le gouvernement de la RDCongo envisage ainsi de rencontrer les préoccupations exprimées dans le Rapport Mapping produit par les Nations unies l’année dernière. Rapport qui dénonce les exactions des populations, les crimes de guerre et d’humanité commis par des forces négatives sur des personnes, les violences sexuelles dont se sont rendus coupables des groupes armés et des armées régulières de certains pays de la région, en plus des pillages de minerais de la RDC.

Le projet de loi est à l’examen au Parlement. Un document attendu par toute la population congolaise ainsi que les organisations internationales, particulièrement celles en charge de la sauvegarde ou défense des droits de l’Homme. Mais le débat s’annonce houleux tant les avis sont partagés.

En effet, certains expriment des hésitations et affirment que la création des «Tribunaux spéciaux » est inopportune. Nombreux sont les sénateurs qui, dans leurs interventions, n’ont trouvé aucune urgence pour la mise en œuvre de cette instance spécialisée des droits de l’Homme. Pour eux, il faut plutôt réhabiliter les cours et tribunaux existants, doter le pays des tribunaux de paix partout où ils n’existent et ne fonctionnent plus, et améliorer les conditions de travail des magistrats au lieu d’ajouter une cour de plus. Ils ont aussi estimé que les cours d’appel à travers le pays peuvent poursuivre les auteurs de violations des droits de l’Homme sans recourir aux magistrats étrangers comme prévoit le projet de création de la cour spécialisée.

Par contre, d’autres saluent cette initiative, car les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, surtout les violations massives des droits de l’Homme, les violences sexuelles favorisées par les pillages des minerais ne peuvent rester impunis. En fait, cette démarche devrait être soutenue, car elle constitue une manifestation de volonté politique de la part des institutions nationales de combattre l’impunité et de baliser le chemin devant conduire à la mise en place d’une justice congolaise responsable, en tant que jalon d’un Etat de droit.

Les tribunaux spéciaux seront d’un apport judiciaire appréciable tendant vers la mise en place d’un «Tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo». Cette instance réclamée à cor et à cri pour juger les crimes de guerre et contre l’humanité, sans oublier les crimes économiques. Mais comme l’a dit récemment Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines, ce sont quelques Etats étrangers qui, pour protéger leurs intérêts économiques et leurs agents exécuteurs, s’opposent justement à la création de ce «Tribunal pénal international». Mais si la RDC exprimait haut et fort sa volonté politique de juger tous les criminels de guerre avec des procès semblables à ceux de «Nuremberg et de Vichy», la mémoire de millions de Congolais sera honorée et son appel entendu par cette même communauté internationale.

Il en est de même de cette suggestion de revoir la stratégie de l’opération «Tolérance zéro» pour mettre sur pied une «Brigade Scorpion» en ce qui concerne la lutte contre la corruption.

Elle, la Brigade Scorpion, a déjà existé en Afrique du Sud, à côté de la Commission Vérité et Réconciliation. La Brigade Scorpion avait pour mission d’enregistrer des plaintes, d’enquêter sur tout ce qui a trait à la corruption, à l’enrichissement illicite, au détournement des deniers publics.

Elle était une brigade indépendante mais travaillant en étroite collaboration avec la justice sud-africaine. Son travail contre les criminels économiques, opposable à tous, avait permis d’assainir les milieux sensibles sud-africains et les intouchables n’étaient pas du tout épargnés.

S’inspirer de cet exemple sud-africain et l’améliorer davantage serait une très bonne chose pour la société congolaise où le vice est devenu une vertu et vice-versa. Il ne se passe plus un seul mois sans que l’on dénonce des détournements de fonds, la disparition des salaires des fonctionnaires, des enseignants, voire des militaires qui sont au front. Malheureusement, tout s’arrête aux dénonciations des faits et l’affaire est classée.

Le 22 août, les sénateurs ont rejeté le projet de loi du gouvernement portant création de la Cour spécialisée pour juger les criminels de génocide et de violation des droits de l’Homme. Le Sénat a adopté à l’unanimité, à l’exception d’une seule abstention, le rapport de la Commission PAJ (Politique, administrative et juridique), proposant le renvoi au gouvernement, du projet de loi portant création, organisation et fonctionnement de la Cour spécialisée chargée de la répression des crimes de génocide, crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. La commission sénatoriale PAJ a estimé, aux termes de son rapport, que l’article 92 du projet de loi portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, confie déjà à la Cour d’Appel la compétence des crimes internationaux réprimés par la Cour pénale internationale (CPI).

La commission souligne aussi que la création d’une cour spécialisée avec les mêmes compétences entraînerait un dédoublement de juridictions, avec risque de litispendance. La commission déclare que l’intégration des magistrats étrangers au sein de cette juridiction nationale, sous prétexte d’assurer l’efficacité et l’indépendance de la justice, apparaît comme un aveu d’impuissance de la part du gouvernement chargé de renforcer les capacités des magistrats congolais. Cela serait une injure à ces magistrats.

La commission souligne par ailleurs que l’adoption d’un statut spécial en faveur des magistrats de cette Cour est de nature à créer une discrimination entre eux et les magistrats des autres juridictions. Après le rejet de ce projet de loi, les sénateurs se sont prononcés tous pour la création de la Cour pénale internationale pour la RDCongo.

 

KIVU

Le 9 août, le Haut-Commissariat de l’Onu pour les Réfugiés (Unhcr) a dressé un bilan du rapatriement des réfugiés rwandais et burundais depuis le début de l’année 2011.

On a rapatriés vers leur pays d’origine plus de 7500 réfugiés qui avaient été accueillis dans l’Est de la RDCongo: 4720 réfugiés rwandais et 2998 réfugiés burundais. Parmi les 4720 réfugiés rwandais, 3203 sont rentrés à partir de Goma et 1517 de Bukavu, les capitales des provinces du Nord et du Sud-Kivu, frontalières du Rwanda.

Le 12 août, dans la nuit, des hommes armés ont attaqué le village de Lukayu, dans le groupement de Katana, à Kabare (Sud Kivu). Bilan: deux personnes tuées et plusieurs biens pillés (des vaches, des chèvres et de l’argent). Dix personnes aussi ont été prises en otage, mais ces dernières ont été libérées quelques heures plus tard. Cette attaque intervient après celle perpétrée 3 jours auparavant dans un village voisin de Chibimbi. Des centaines de maisons ont été pillées au cours de cette agression. Le 14 août, le chef de la collectivité de Kabare, lors d’un point de presse animé au chef-lieu de sa juridiction coutumière, a déclaré que «les attaques armées récurrentes enregistrées depuis quelque temps dans le groupement de Katana, en territoire de Kabare, sont l’œuvre des déserteurs des FARDC originaires de ce groupement et non celles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR)». Le Mwami Désiré Rugemaninzi a assuré que les autorités militaires sont au courant de toutes les informations susceptibles de leur permettre à démanteler ce réseau de déserteurs. Avant de noter: «Les pistes qui sont en investigation nous laissent penser que ce sont certains militaires mixés qui avaient refusé d’être enrégimentés, qui ont déserté (qui sont les auteurs de ces attaques)». Comme ces militaires avaient longtemps vécu dans le milieu, ils connaissent pratiquement toutes les pistes pour entrer dans les différents villages, a-t-il fait remarquer.

Selon le site Beni Lubero Online, la population de la cité martyre de Kiwanja, Territoire de Rutshuru en Province du Nord-Kivu, a décidé d’exprimer sa colère sur la place publique pour protester contre les tueries des civils et les pillages à mains armées perpétrés par les militaires et les policiers congolais. Cette population ne croit plus au mensonge selon lequel les atrocités commises sur elle seraient l’œuvre des FDLR, etc.

Partant de leurs uniformes, les témoins oculaires de ces assassinats ignobles identifient les tueurs comme des policiers et des militaires congolais. Mais les sources officielles ainsi que la radio onusienne identifient les tueurs comme FDLR, MAI-MAI, cambrioleurs, etc. On remarque ainsi un décalage entre le témoignage du témoin oculaire et la déclaration de l’autorité officielle.

La vérité longtemps cachée est apparue au grand jour dès que la population a découvert que les militaires et policiers congolais ne faisaient rien pour protéger les civils quand on fait appel à eux et que les malfrats tueurs n’étaient autres que les militaires et policiers congolais eux-mêmes.

Il apparait donc que le mensonge de la présence des groupes armés au Nord-Kivu, comme ailleurs à l’Est du pays, constitue le cheval de Troie pour l’occupation rwandaise de l’Est de la R.D.Congo. Il y aura toujours un FDLR ou un ADF-NALU tant que l’occupation ne sera devenue une réalité. Kinshasa écrase tout mouvement rebelle au Bandundu, Bas-Congo, Equateur, mais laisse faire les FDLR, ADF-NALU, LRA, au Kivu et en Province Orientale.

La vérité est que ces groupes armés, qui rendent l’Est de la R.D.Congo ingouvernable, serviront, au moment voulu, de prétexte pour l’autonomisation de la région. La conclusion de la population est que l’ennemi des populations congolaises à l’Est du pays est l’armée congolaise elle-même, composée essentiellement de militaires issus du CNDP, et les forces armées conjointes du RDCongo-Rwanda-Ouganda-Monusco, qui ne parviennent pas, ou qui ne veulent pas, neutraliser définitivement les groupes armés, tant nationaux que étrangers.

Selon plusieurs observateurs, les groupes armés rwandais et ougandais (FDLR, ADF, LRA) tuent les congolais pour s’accaparer de l’Est de la RDCongo. Ainsi toutes les fausses alertes de guerres imminentes entre le Rwanda et les rebelles de Nyamwasa, les Fardc et les ADF/NALU (ougandais), les Fardc contre les FDLR (rwandais), les Fardc/Monusco contre les LRA (ougandais), etc. sont de belles affiches d’opérations militaires contre les populations congolaises, pour les exterminer et délocaliser les survivants de la région qui accueillerait, par la suite, les populations rwandophones en provenance du Rwanda, de l’Ouganda, du Burundi, et de la Tanzanie.

Ce que l’on sait est que le lancement tambour battant, en juin 2010, des Opérations Ruwenzori contre les soi-disant rebelles ougandais ADF-NALU avait correspondu au déploiement dans la région des militaires du CNDP. La souffrance de la population aux mains de soi-disant rebelles ADF-NALU avait ainsi servi de choc pour l’acceptation du déploiement du CNDP en territoire de Beni.

Pour les observateurs, il apparait clairement que les soi-disant ADF-NALU est une branche armée de l’armée du CNDP intégrée ou mixée aux Fardc, dont la mission est de sévir sur les populations congolaises jusqu’à les délocaliser par la force, les faire prendre le chemin de l’exil et abandonner la région aux envahisseurs rwandais. Cette lecture de la situation est celle qui est répandue dans la région, au point que parler d’une attaque des ADF-NALU contre les FARDC c’est parler d’une attaque de la coalition ADF-NALU/CNDP/FARDC contre les civils congolais, mais aussi contre les policiers et les militaires congolais d’origine.

Depuis avril 2011, les populations congolaises des grandes agglomérations d’Eringeti et environs ont assisté à une recrudescence de l’insécurité en termes de pillages nocturnes, viols des femmes et tracasseries de toutes sortes de la part des militaires du CNDP. Plusieurs policiers et militaires congolais d’origine qui sont sous le commandement des officiers issus du CNDP ont vu l’insécurité grandissante dans la région les frapper au même titre que les civils congolais.

Début juillet 2011, le Médecin Directeur de l’Hôpital d’Oïcha a été enlevé par des ravisseurs en tenue militaire de l’armée congolaise (armée du CNDP) pour aller soigner dans la brousse ces soi-disant rebelles ougandais ADF/NALU. Cet enlèvement est un parfait exemple de la collaboration de l’armée du CNDP avec les soi-disant ADF/NALU. En ville ils sont Fardc et en brousse, ils sont ADF-NALU. Mais toujours pour la même mission: harceler la population congolaise jusqu’à la soumettre. Des sources non-confirmées rapportent que le Médecin enlevé est aux petits soins des retournés du Rwanda qu’on ne peut pas encore hospitaliser parmi les congolais.

En effet, depuis janvier 2011, les localités d’Eringeti et environ ont vu débarquer des milliers des retournés du Rwanda qui se disaient tantôt originaires de Masisi, de Goma ou de Rutshuru, etc. Les terres sous la coupe des soi-disant rebelles ougandais ADF/NALU et abandonnées par les paysans congolais sont celles qui ont accueilli ces retourné du Rwanda. Selon certains retournés du Rwanda, ils n’étaient pas partis de leur gré du Rwanda, mais forcés par le régime de Kigali. Au Sud de Lubero, les Interahamwe rwandais que la MONUC avaient rapatriés dans le temps, sont de retour comme retournés du Rwanda. Ils viennent de s’enrôler comme congolais pour les prochaines élections en RDC.

Sur place à Eringeti, les populations congolaises craignent le pire. La présence des militaires rwandophones et celle des retournés du Rwanda qui occupent les champs abandonnés par les déplacés congolais, suite aux attaques des soi-disant ADF-NALU, signifient pour la population congolaise locale un début d’officialisation de l’occupation rwandaise d’Eringeti.

Pendant que les congolais sont tués, violés, pillés de tous leurs biens, le trio composé du gouvernement congolais, Monusco, Humanitaires internationaux, organise des séminaires sur l’accueil de ces «retournés du Rwanda» dans un pays qu’il appelle «post-conflit».

Pour ce trio, le conflit congolais est fini depuis le jour que le CNDP a pris possession de la région qu’il convoitait. Les tueries des congolais sont ainsi des simples opérations de nettoyage d’une terre conquise. Pendant que les ONG congolaises locales passent leur temps dans des séminaires post-conflit, des camions des ONG internationales transportent nuitamment les «retournés du Rwanda» vers les destinations, appelées aussi zones d’accueil, figurant sur une carte établie par le HCR/PNUD. Eringeti est l’une des ces destinations.

Plusieurs témoignages existent sur l’enrôlement en 100% de ces retournés du Rwanda, pendant que les congolais parcouraient 50 Km à pieds pour atteindre un centre d’enrôlement. Dans les régions plus hostiles aux retournés, des camions des ONG internationales assuraient le déplacement des retournés vers les centres d’enrôlement situés dans les grandes villes, et des fois à une distance de plus de 250 Km. C’est le cas des retournés de Luofu partis s’enrôler à Goma.

Ainsi donc, le nettoyage du fichier électoral à Kinshasa est une moquerie de mauvais goût de la part de la CENI qui couvre cette grande mascarade de l’histoire de la RDC. Les partis politiques devaient exiger l’affichage des listes électorales dans chaque centre d’enrôlement avant le transfert des listes vers Kinshasa. Le nettoyage du fichier électoral devait donc se faire localement par les représentants des partis politiques, des chefs coutumiers, de la société civile, des confessions religieuses, et de la CENI.

 

Le commerce des minerais de sang.

Le 18 juillet, la police a saisi dix-neuf colis de 50 kilos contenant le minerai de cassitérite, à Goma, près de la grande barrière, à la frontière Congolo-Rwandaise. Selon les sources douanières, les minerais étaient sur le point de traverser frauduleusement, vers le Rwanda, à bord d’un camion immatriculé en RDC. La police a arrêté le chauffeur du véhicule. Les minerais et le véhicule saisis, ont été consignés à la Direction générale des douanes et assisses (DGDA). Le propriétaire de cette marchandise, un commerçant de la place, est toujours introuvable.

Le 28 juillet, vers 4 heures du matin, la police des Mines a saisi plus de 10 tonnes de cassitérite au quartier Ndosho à Goma. Ces minerais sont consignés depuis deux jours dans un comptoir de la ville. Ils provenaient du Sud-Kivu dans un camion convoyé par des militaires des FARDC.

Le 21 août, un chauffeur de la Monusco, Julien Mukala, a été intercepté alors qu’il tentait de traverser la frontière rwando-congolaise avec à bord de son véhicule près de 1.500 kg de cassitérite. Julien Mukala a été pris en flagrant délit de tentative d’exportation frauduleuse des minerais de la RDC vers le Rwanda. La rafle est intervenue à la frontière entre la ville de Goma et celle de Gisenyi. Cette affaire est de nature à discréditer encore plus la mission onusienne.

 

Herman Cohen: «Au département d’Etat américain, le Kivu fait partie du Rwanda».

Reçu par Luakabwanga dans sa tranche «Code 243», Herman Cohen, ancien sous-secrétaire d’Etat américain aux Affaires africaines, a parlé de l’Afrique, et particulièrement de la République démocratique du Congo.

A une question du journaliste sur la mise en place d’un tribunal pénal international pour la RDC et comment expliquer que les Etats-Unis ne se prononcent pas officiellement sur le génocide en RDC alors qu’il y a eu des ONG privées qui soutiennent le nombre de 5 millions de morts en RDC, plus qu’au Rwanda, il a répondu: «Les Etats-Unis soutiennent les enquêtes menées par les ONG privées. Voire même que ce sont les Etats-Unis qui ont été les premiers à demander une enquête par les Nations unies, enquête menée par Garreton. Le Rapport Garreton accuse le Rwanda d’être responsable des morts en RDC après l’occupation. Au départ, c’est Laurent-Désiré Kabila qui s’y était opposé à cause de ses rapports avec le Rwanda. Lorsqu’ils se sont détériorés, il a demandé aux Nations unies de poursuivre son enquête. Quant à la mise en place d’un tribunal pénal international pour la RDC, il y a des réticences de la part de certains pays étrangers qui, jusque là, prennent le Rwanda pour un « enfant chéri ». Toutefois, les choses sont en train de changer depuis qu’au Rwanda, le processus de démocratisation connaît bien des problèmes avec l’arrestation des personnalités politiques et des journalistes. Ce n’est pas la faute du Congo, mais de quelques pays étrangers encore réticents pour protéger le Rwanda».

Mais l’on parle de plus en plus de l’annexion du Kivu au Rwanda, a enchaîné le journaliste. Washington a décidé d’envoyer un envoyé spécial dans la région et personnellement, Herman Cohen a adressé une note sur ce point au président Barack Obama, souligne encore le journaliste. L’ancien sous-secrétaire d’Etat américain répond: «Dans ma lettre au président Obama, j’ai suggéré que l’on légalise le commerce des minerais au Kivu qu’exploitent les hommes d’affaires rwandais. Le Rwanda a envahi le Kivu en 1998. Pendant six ans, il a mis en place des réseaux pour l’exploitation des minerais, surtout le coltan qui rapporte des milliards de dollars. Je pense que tout le monde trouvera son compte et la RDC percevra des impôts. J’ai proposé que le commerce des minerais soit légalisé. Mais j’ai rencontré une farouche opposition de la part des Congolais qui évoquent la question de souveraineté. Souveraineté? Au Département d’Etat, le Kivu fait partie du Rwanda».

Légalisation du commerce des minerais, donc, légalisation de la balkanisation ? «Non. L’Union africaine n’acceptera pas une quelconque sécession. Si les choses ont évolué pour l’Ethiopie et l’Erythrée, c’est parce que l’Ethiopie était d’accord. Il en est de même du Sud-Soudan avec l’accord de Karthoum. La balkanisation de la RDC ne peut se faire qu’avec l’accord de Kinshasa. Personne et aucun Etat ne peut se substituer à la République démocratique du Congo. Ce serait une très mauvaise chose», a-t-il conclu.

Comme il fallait s’y attendre, les déclarations de Herman Cohen ont suscité de vives réactions de la part des Congolais tant en RDC qu’à l’étranger. Herman Cohen lui-même vient de réagir pour s’expliquer: «Je crois que mes remarques sur le Nord et le Sud-Kivu dans votre article du 12/8/2011 ont été mal compris. Bien sûr, les provinces de l’Est du Congo sont juridiquement dans le pays souverain de la République démocratique du Congo. Personne ne peut dire le contraire, et ça doit être toujours comme ça.

Ce que j’ai voulu dire, c’est qu’il y a beaucoup d’influence des pays extérieurs à l’Est dans les deux Kivu, et que ces influences sont plutôt négatives que positives. Regardez les secteurs économique et sécuritaire pour en avoir les preuves. C’est pourquoi j’ai proposé dans mon article de décembre 2008 dans le New York Times qu’il faut établir un marché commun entre les provinces de l’Est du Congo et Rwanda, Burundi et Ouganda, pour légaliser le trafic des produits miniers et agricoles, gagner de l’argent pour le fisc congolais, et éliminer le soutien des milices illégales».