HAUT COMMISARIAT NATION UNIES POUR LES DROITS DE L’HOMME.
République Démocratique du Congo, 1993-2003.
RAPPORT DU PROJET MAPPING CONCERNANT LES VIOLATIONS LES PLUS GRAVES DES DROITS DE L’HOMME ET DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES ENTRE MARS 1993 ET JUIN 2003 SUR LE TERRITOIRE DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO.
Août 2010.
SOMMAIRE:
SECTION I. – CHAPITRE II.
JUILLET 1996 – JUILLET 1998: PREMIÈRE GUERRE ET RÉGIME DE L’AFDL
C. ATTAQUES CONTRES AUTRES POPULATIONS CIVILES
1. Nord Kivu
2. Sud Kivu
3. Kinshasa
Au cours de leur progression vers Kinshasa, outre les réfugiés, les militaires de l’AFDL/APR auraient massacré un grand nombre de Banyarwanda hutu. Ils auraient aussi éliminé de nombreux civils, soupçonnés d’avoir aidé les ex-FAR/Interahamwe et les réfugiés hutus rwandais en fuite.
SECTION I. – CHAPITRE II.
JUILLET 1996 – JUILLET 1998 : PREMIÈRE GUERRE ET RÉGIME DE L’AFDL
C. ATTAQUES CONTRE LES AUTRES POPULATIONS CIVILES
269. Pendant leur fuite, les membres des différents services de sécurité du Président Mobutu et les ex-FAR/Interahamwe auraient tué de nombreux civils et commis des viols et des pillages. Au cours de leur progression vers Kinshasa, outre les réfugiés, les militaires de l’AFDL/APR auraient massacré un grand nombre de Banyarwanda hutu. Ils auraient aussi éliminé de nombreux civils soupçonnés d’avoir aidé les ex-FAR/Interahamwe et les groupes armés hutu burundais, d’avoir participé aux tueries des Tutsi/Banyamulenge, d’avoir aidé les réfugiés en fuite ou de soutenir le régime du Président Mobutu. Après l’arrivée au pouvoir à Kinshasa du Président Laurent-Désiré
Kabila, les forces de sécurité du nouveau régime auraient commis de graves violations des droits de l’homme à l’encontre des civils considérés comme hostiles au nouveau régime et au maintien de la présence des militaires de l’APR en territoire congolais.
1. Nord-Kivu
Ville de Goma
270. Après avoir pris le contrôle du camp militaire de Rumangabo, entre Goma et Rutshuru, à proximité de la frontière avec le Rwanda, les troupes de l’AFDL/APR ont lancé le 29 octobre 1996 une attaque sur Goma.
Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
– Entre le 29 octobre et le 1er novembre 1996, les combats pour le contrôle de Goma, ont causé la mort d’un nombre indéterminé de civils. Au cours de ces combats, des militaires des FAZ ont commis de nombreux actes de pillage.
– Après la prise de Goma, le 1er novembre 1996, des troupes de l’AFDL/APR ont tué ou fait disparaître un nombre indéterminé de civils, parmi lesquels de nombreux membres influents de la communauté banyarwanda hutu. Ils ont aussi tué plusieurs éléments des FAZ hors d’état de combat, dont des militaires en traitement à l’Hôpital général de Goma. Au cours de la semaine du 2 au
9 novembre, l’Équipe d’urgence de la biodiversité (EUB) a ramassé 776 corps dans les rues de la ville. Les troupes de l’AFDL/APR se sont aussi livrées à un pillage systématique de la ville, s’attaquant même aux dépôts et aux bureaux des organismes humanitaires comme le CICR et à ceux des organismes des Nations Unies comme le PAM et le HCR.
271. Malgré la prise de Goma par les forces de l’AFDL/APR, les ex-FAR/Interahamwe du camp de Mugunga sont restés actifs dans les environs de la ville. Le 3 novembre 1996, ils ont pillé des véhicules ainsi que des biens du Grand séminaire de Buhimba, dans la périphérie de Goma.
– Le 6 novembre 1996, des éléments des ex-FAR/Interahamwe et des bandits armés zaïrois auraient tué trois religieux tutsi au niveau du Grand séminaire de Buhimba, non loin du camp de réfugiés de Mugunga. Les victimes – deux abbés et une sœur – n’avaient pas pu s’enfuir du Grand séminaire lors de l’attaque du bâtiment, le 3 novembre. Après être restées cachées pendant trois jours, elles ont été arrêtées et tuées alors qu’elles cherchaient de l’eau et de la nourriture. Une quatrième personne d’ethnie tutsi a pu être sauvée.
Territoire de Rutshuru
– Dans la nuit du 5 au 6 juin 1996, à Bunagana, village situé à la frontière avec l’Ouganda, des éléments armés identifiés comme étant des militaires de l’APR et de l’UPDF auraient tué entre 28 et 36 civils, pour la plupart des Banyarwanda hutu . Selon certaines sources, des Tutsi originaires de Bunagana auraient servi d’éclaireurs, indiquant aux commandos les maisons des personnes à tuer.
272. Les infiltrations de militaires de l’AFDL/APR dans la collectivité Bwisha ont commencé en octobre 1996. Dès le début des infiltrations, les troupes de l’AFDL/APR auraient commis des massacres contre les populations civiles des groupements de Bweza et Rugari. Les victimes étaient principalement des Banyarwanda hutu .
273. Les militaires de l’AFDL/APR ont pratiquement toujours procédé selon le même schéma. À leur entrée dans une localité, ils ordonnaient à la population de se rassembler pour les motifs les plus divers. Une fois regroupés, les civils étaient ligotés et exécutés à coups de marteau ou de houe sur la tête. De nombreux témoins ont déclaré avoir reconnu parmi les militaires de l’AFDL/APR de nombreux jeunes Banyarwanda tutsi qui avaient quitté le territoire de Rutshuru entre 1990 et 1996. Selon plusieurs témoins, les militaires de l’AFDL/APR auraient massacré les Banyarwanda hutu avec une volonté évidente de se venger, ciblant les villages où les Tutsi avaient dans le passé été persécutés. Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants:
– Le 20 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué entre 70 et 150 civils dans la localité de Musekera du groupement de Bweza, au sud du territoire de Rutshuru. Ils ont rapidement ordonné aux civils, pour la plupart des Banyarwanda hutu, de se rassembler dans la maison communale sous
le prétexte qu’ils allaient leur distribuer de la nourriture et des boissons. Une fois enfermées dans la maison communale, les victimes ont été ligotées et tuées à coup de massue. Leurs corps ont ensuite été jetés dans une latrine.
– Aux alentours du 20 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué des dizaines de civils, pour la plupart des Banyarwanda hutu, dans le village de Tanda, à proximité de Musekera. Les victimes ont été tuées à coups de marteau et de petite houe. Avant de partir, les militaires ont incendié le village.
– Aux alentours du 30 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plus de 800 personnes, dont des femmes et des enfants, dans les villages de Bisoko, Mugwata, Ngugo et Kuri-Rugari du groupement de Rugari, dans le territoire de Rutshuru. Au cours des jours précédents, de violents combats avaient opposé les militaires de l’AFDL/APR aux FAZ/Ex-FAR/Interahamwe autour du camp militaire de Rumangabo, situé à proximité de ces villages. Pendant les massacres les militaires se sont aussi livrés au pillage des villages.
274. Le 26 octobre 1996, les militaires de l’AFDL/APR ont pris Rutshuru, chef-lieu du territoire du même nom. L’incident allégué suivant a été documenté :
– Le 26 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué un nombre indéterminé de civils banyarwanda hutu dans le camp de déplacés de Nyongera, à quelques kilomètres de Rutshuru. Les militaires ont tout d’abord encerclé le camp puis ils ont ouvert le feu. Les victimes étaient pour la plupart des Banyarwanda hutu originaires de la collectivité de Bwito du territoire de Rutshuru. Ils vivaient dans ce camp depuis plusieurs années du fait du climat de violence régnant dans la collectivité de Bwito. Selon une source, cependant, le massacre aurait été précédé d’un bref échange de tirs entre les militaires de l’AFDL/APR et des ex-FAR/Interahamwe.
275. À l’entrée des troupes de l’AFDL/APR à Rutshuru, la population des villages environnants s’est enfuie dans les collines du groupement de Busanza.
L’incident allégué suivant a été documenté :
– Le 30 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué à coups de marteau sur la tête 350 civils au moins, pour la plupart des Banyarwanda hutu, dans le centre ville de Rutshuru, tout près de la maison du parc national Albert «PNA». Au cours des jours précédant les massacres, les militaires avaient appelé la population civile qui avait fui le village de Kiringa, à 1 kilomètre de Rutshuru, à rentrer chez elle de façon à pouvoir assister le 30 octobre à un grand meeting populaire. Une fois rentrés dans le village, les habitants de Kiringa ont été conduits jusqu’au centre ville de Rutshuru et enfermés dans la maison du PNA. Dans l’après-midi, les militaires ont procédé à leur recensement et demandé aux personnes d’ethnie Nande de rentrer chez elles. Ils ont ensuite séparé les hommes des femmes au motif que ces dernières devaient aller préparer le repas. Les femmes ont été conduites jusqu’à la maison de la Poste où elles ont été exécutées. Les hommes ont été ligotés et emmenés deux par deux jusqu’à une carrière de sable située à quelques dizaines de mètres de la maison du PNA. Ils ont ensuite tous été exécutés à coups de marteau.
276. Au cours des semaines qui ont suivi, les militaires de l’AFDL/APR ont commis de nombreux massacres dans les villages des groupements de Busanza, Kisigari et Jomba, au sud et à l’est de Rutshuru. Les victimes étaient principalement des civils banyarwanda hutu.
Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
– Vers la fin d’octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué entre 30 et 60 personnes, pour la plupart des Banyarwanda hutu, dans les villages de Kashwa et Burayi, tout près de Rutshuru. La plupart des victimes ont été ligotées avant d’être exécutées à coups de marteau ou de houe. Certaines des victimes ont été tuées par balle.
– Vers la fin d’octobre 1996 également, des éléments de l’AFDL/APR ont tué une centaine de civils, pour la plupart des Banyarwanda hutu, dans les villages du groupement de Kisigari, dans le territoire de Rutshuru, notamment à Mushoro, Biruma, Kabaya et Kazuba. Les militaires avaient rassemblé les habitants en leur faisant croire qu’ils allaient assister à une réunion. La plupart des victimes ont été tuées à coups de houe ou de marteau sur la tête. Certaines sont mortes brûlées vives enfermées dans leurs maisons. D’autres sont mortes après avoir été précipitées dans des latrines.
– Aux alentours du 29 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont fait disparaître un abbé ainsi que quatre sœurs de la paroisse de Jomba, dans le territoire de Rutshuru. Les victimes étaient toutes des Banyarwanda hutu. Elles ont été vues pour la dernière fois en train de parler avec des militaires de l’AFDL/APR. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés.
– Pendant plusieurs semaines, entre octobre et novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont arrêté et tué un nombre indéterminé de civils Banyarwanda hutu dans un bâtiment où s’était installé l’état-major de l’AFDL/APR au centre ville de Rutshuru. Les victimes avaient été interceptées au niveau des barrières érigées à l’entrée de Rutshuru et à proximité des installations hydroélectriques du Mondo Giusto. Les corps des victimes ont ensuite été jetés dans la rivière Fuko.
– Le 18 novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont massacré plusieurs centaines de Banyarwanda hutu au marché de Mugogo, à 31 kilomètres de Rutshuru. À leur arrivée, les militaires avaient annoncé qu’ils allaient organiser une réunion pour présenter le nouveau chef de la localité à la population. Après avoir demandé à la population non hutu et à celle de Kiwanja de quitter les lieux, les militaires ont ouvert le feu sur la foule. Certaines victimes ont été achevées à coups de marteau ou de pilon sur la tête. En 2005, la population de Mugogo a remis une liste à la Division des droits de l’homme de la MONUC répertoriant 1 589 victimes.
– Début novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plusieurs centaines de Banyarwanda hutu dans un ancien camp de l’Institut zaïrois pour la conservation de la nature (IZCN) de Kabaraza, situé à l’entrée du parc national des Virunga, à 20 kilomètres de Rutshuru. Les victimes étaient des Banyarwanda hutu qui avaient été appréhendés dans le village de Ngwenda au niveau de la barrière où les militaires triaient les gens en fonction de leur origine ethnique. Les militaires les avaient conduits jusqu’à l’ancien camp de l’IZCN en leur faisant croire qu’ils allaient cultiver des champs de haricots dans le cadre d’un travail communautaire. Une fois arrivées au camp, les militaires les ont tués à coups de pilon. Selon la plupart des sources, le nombre total de victimes s’élèverait à près de 600 personnes.
277. À compter de la fin de 1996, les militaires de l’AFDL/APR ont procédé à des recrutements massifs au sein de la population congolaise. La majorité de ces nouvelles recrues étaient des enfants (EAFGA), communément appelés les « Kadogo », ce qui signifie « les petits » en swahili. Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
– Fin 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont recruté de nombreux mineurs dans les villages entourant la localité de Kashwa du groupement de Gisigari, dans le territoire de Rutshuru et dans ceux de la région de Ngungu du territoire du Masisi. Des recruteurs se sont rendus dans les écoles des villages en promettant aux enfants de leur donner de la nourriture ou de l’argent. Ils ont aussi enrôlé de force un nombre indéterminé d’enfants. Certaines recrues avaient à peine 10 ans. La plupart des recrues de la région ont reçu une formation militaire minimale dans le camp de Matebe situé dans les environs du centre ville de Rutshuru. Au cours de leur séjour dans ce camp, les enfants ont subi des tortures ainsi que divers traitements cruels, inhumains et dégradants. Ils ont été victimes de viols et n’ont reçu que très peu de nourriture. Ils ont ensuite été envoyés directement au front.
– Le 7 mai 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plus de 300 civils dans les villages de la localité de Chanzerwa du groupement de Binja. À leur arrivée dans les villages, les militaires ont fait irruption dans des maisons et ont tué un nombre indéterminé de civils à coups de petite hache. Ils ont ensuite emmené un nombre indéterminé de civils capturés jusqu’au village de Buhimba. Après les avoir ligotés et enfermés dans le bâtiment et la cour de l’église de la 8e CEPAC [Communauté des églises pentecôtistes en Afrique centrale], ils les ont tués à coups de houe sur la tête. Ceux qui ont tenté de s’enfuir ont été tués par balle. Les cadavres ont ensuite été jetés dans les latrines non loin de l’église. Les troupes de l’AFDL/APR ont tué sans discrimination hommes, femmes et enfants. La majorité des victimes étaient des Banyarwanda hutu mais de nombreux Nande ont également été massacrés à Buhimba. Selon plusieurs rescapés, les militaires de l’AFDL/APR auraient tué plusieurs enfants en frappant leur tête contre des murs ou des troncs d’arbre. Au total, 334 victimes ont pu être recensées.
– Le 26 mai 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont kidnappé et fait disparaître au moins 17 civils du village de Vitshumbi, au bord du lac Édouard. Les victimes avaient été accusées d’avoir tué un militaire de l’AFDL/APR mort peu de temps auparavant dans des circonstances non élucidées. Vingt-deux villageois ont été conduits jusqu’au complexe touristique de Rwindi pour y être interrogés. Cinq d’entre eux ont finalement été libérés mais les autres n’ont jamais été revus.
Collectivité de Bwito
278. Après le démantèlement des camps de réfugiés de Katale et Kahindo, de nombreux réfugiés hutu rwandais ont erré dans la collectivité de Bwito jusqu’en mars 1997. Ils se sont souvent mêlés à la population locale composée en majorité de Banyarwanda hutu.
Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
– Quelques semaines après l’attaque contre le camp de réfugiés de Katale, fin octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué au moins 88 civils, pour la plupart des Banyarwanda hutu dans le village de Rusovu du groupement de Tongo. Après avoir rassemblé les habitants, les militaires les ont enfermés dans une quinzaine de maisons puis les ont tués à coups de houe et de marteau sur la tête. Ils ont ensuite incendié les maisons.
– En novembre ou décembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué au moins 200 civils, pour la plupart des Banyarwanda hutu, dans le groupement de Bambu, notamment dans les villages de Musanza, Marangara, Kanyangili, Kagando et Kishishe. À Kagando, les militaires ont tout d’abord demandé aux villageois de se regrouper afin de recevoir de la nourriture et du sel. Ils les ont ensuite enfermés par petits groupes dans des maisons qu’ils ont incendiées.
– En novembre ou décembre 1996 également, des éléments de l’AFDL/APR ont tué 85 civils Banyarwanda hutu dans le village de Duane du groupement de Tongo. Après avoir été arrêtées au cours d’une opération de ratissage, les victimes ont été ligotées puis enfermées dans une maison que les militaires ont incendiée. Les victimes sont mortes brûlées vives et leurs corps ont été enterrés par petits groupes de quatre ou cinq dans des fosses communes.
– Le 31 décembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué environ 300 civils, pour la plupart des Banyarwanda hutu, dont des femmes et des enfants, dans le village de Bukombo du territoire de Rutshuru. À leur arrivée, les militaires avaient demandé aux habitants de se rassembler afin d’assister à une réunion. Ils les ont ensuite encerclés puis ont ouvert le feu sur la foule. Avant de quitter le village, les militaires ont pillé les stocks de médicaments et détruit l’hôpital.
– Le 11 mars 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué des dizaines de civils, en majorité des Banyarwanda hutu, dont des femmes et des enfants, dans le village de Mushababwa du groupement de Bambu. À leur arrivée, les militaires ont demandé à la population de se rassembler en vue d’assister à une réunion. Ils ont ensuite encerclé les civils et ont ouvert le feu sans discrimination.
– Le 13 mars 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plusieurs centaines de personnes, en majorité des Banyarwanda hutu, dans le village de Kazuba de la localité de Bukombo. À leur arrivée dans le village, les militaires ont demandé au pasteur de l’Église adventiste de rassembler la population en vue d’assister à une réunion. Les civils qui se sont rendus à l’église ont été tués par balle. D’autres civils sont morts brûlés vifs dans l’incendie de leur maison. Les militaires ont tué indistinctement des hommes, des femmes et des enfants.
– Entre le 12 et le 19 avril 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plus d’une centaine de civils, parmi lesquels une majorité de Banyarwanda hutu, dans le village de Kabizo. Les militaires avaient appelé la population à se rassembler en vue d’assister à une réunion. La plupart des victimes ont été tuées à coups de massue sur la tête. Les corps ont ensuite été entassés dans les maisons du village qui ont ensuite été incendiées. Une source avance le chiffre de 157 victimes.
Territoire de Masisi
– Dans la soirée du 6 novembre 1996, au niveau des villages de Tebero et Njango, des «éléments armés hutu» ont ouvert le feu, lancé des grenades et tiré au lance-roquettes sur des camions transportant plusieurs centaines de civils, pour la plupart d’origine Nande. Le 7 novembre au matin, les éléments armés ont massacré des survivants et dévalisé systématiquement les passagers avant de mettre le feu aux véhicules. Selon certaines sources, 760 corps auraient été enterrés dans trois fosses communes. Les victimes avaient quitté Goma le 6 novembre et cherchaient à se rendre par la route dans le nord de la province. Le mobile exact de ce massacre n’a pu être précisé.
– Vers la mi-novembre 1996, des ex-FAR/Interahamwe en fuite ont tué entre cinq et onze civils dans le village de Ngungu.
– Le 5 décembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué au moins 97 personnes dans le village de Matanda. La plupart des victimes étaient des réfugiés et des Banyarwanda hutu.
– Le 7 décembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué près de 310 civils, dont un grand nombre de femmes et d’enfants, dans le village de Kinigi du territoire de Masisi. Les militaires avaient accusé la population locale, en majorité des Banyarwanda hutu, d’héberger des ex-FAR/Interahamwe. À leur arrivée, cependant, les ex-FAR/Interahamwe avaient déjà quitté le village. Dans un premier temps, les militaires ont cherché à rassurer les civils en leur disant qu’ils n’avaient rien à craindre. Par la suite, ils leur ont demandé de se rassembler dans plusieurs bâtiments, dont l’église adventiste et l’école primaire Rubona, afin d’assister à une réunion. Au cours de l’après-midi, les militaires de l’AFDL/APR se sont rendus dans ces bâtiments et ont tué les villageois à coups de houe ou de petite hache sur la tête. Ils ont aussi tué des civils dans leurs maisons. Les corps ont été enterrés à Kinigi dans plusieurs fosses communes.
– Le 9 décembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué environ 280 civils dans le village de Katoyi, au sud-ouest du territoire de Masisi. À leur arrivée, les militaires ont demandé au chef coutumier d’organiser une réunion avec la population. Ils ont ensuite encerclé les civils rassemblés au centre du village et les ont ligotés avant de les tuer à l’arme blanche ou à coups de petite hache. Ceux qui ont tenté de s’enfuir ont été tués par balle. Un grand nombre de femmes et d’enfants ainsi que des réfugiés rwandais figuraient au rang des victimes.
– Aux alentours du 23 décembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plus de 460 civils banyarwanda hutu, en majorité des hommes, dans le village de Kausa, près de la localité de Nyamitaba. À leur arrivée, les militaires ont expliqué qu’ils ne cherchaient que les Interahamwe et qu’ils venaient pour réconcilier les communautés. Ils ont ensuite appelé la population à se rassembler sur la place du village afin d’assister à une réunion. Ils ont alors tiré des coups de feu puis ligoté les civils. Certains ont été enfermés dans des bâtiments, d’autres ont été emmenés dans les champs autour du village. D’autres enfin ont été conduits sur la colline Kanyabihanga. Les victimes ont, pour la plupart, été tuées à coups de marteau. Celles qui ont tenté de s’échapper ont été tuées par balle. Après ce massacre, les militaires ont violé de nombreuses femmes. Un grand nombre de femmes et d’enfants ainsi que des réfugiés rwandais rescapés du camp du Mugunga figuraient au rang des victimes.
– Le 24 ou le 25 décembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR venant de Kilolirwe ont tué près de 160 civils à la paroisse de Nyakariba, dans le territoire de Masisi. Arrivés dans le village, les militaires ont ordonné aux populations de Nyamitaba et Nyakariba de se rassembler à la paroisse de Nyakariba en vue d’assister à une réunion. Les victimes ont été ligotées avant d’être tuées à coups de marteau sur la tête. Ceux qui ont tenté de s’enfuir ont été tués par balle. Un prêtre au moins a été tué au cours de cette attaque. Les corps des victimes ont été jetés dans plusieurs fosses communes situées à proximité du dispensaire, de la paroisse et d’un endroit appelé Camp Nord. En 1997, les militaires de l’AFDL/APR sont revenus déterrer les ossements, dont une partie a été brûlée sur place.
– À compter de la fin de 1996 et au cours des mois suivants, des éléments de l’AFDL/APR basés sur la colline de Mufunzi ont enlevé et tué un nombre indéterminé de civils dans les collines autour de Ngungu. Les militaires ont arrêté les civils soupçonnés de collaborer avec les miliciens hutu au niveau des barrières érigées sur les principaux axes alentour. Ils ont aussi mené des raids réguliers sur les villages de Ngungu, Murambi, Kashovu, Karangara, Mumba, Kibabi et Nyambisi. Selon différentes sources, le nombre de victimes varierait entre une dizaine et plusieurs centaines. Les habitants de la région ont donné à la colline de Mufunzi le nom de Nyabihanga, qui signifie « lieu des crânes » en kinyarwanda.
– Fin décembre 1996, des militaires de l’AFDL/APR ont tué entre 16 et 22 personnes et incendié des maisons dans le village de Muheto, à 10 kilomètres de Nyakariba. Début 1997, ils sont revenus à Muheto et ont tué 16 civils.
– Le 9 janvier 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué entre 107 et 134 civils dans le village de Bitonga du territoire de Masisi. Arrivés très tôt le matin dans le village, les militaires ont accusé la population locale, en majorité des Banyarwanda hutu, de collaborer avec les ex-FAR/Interahamwe. Les militaires ont ensuite ouvert le feu ou lancé des grenades sur les civils.
– Aux alentours du 20 janvier 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué 14 membres d’une même famille, dont des enfants, dans une maison du village de Kanyangote, près de la paroisse de Matanda.
– Le 25 janvier 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué au moins 20 civils Banyarwanda hutu dans le village de Kalangala. Les militaires avaient demandé aux villageois de se rassembler afin d’assister à une réunion. Ils les ont ensuite encerclés et ont ouvert le feu.
– Le 23 février 1997, au cours d’opérations militaires dirigées contre les éléments armés hutu opérant dans la région, des militaires de l’AFDL/APR ont tué plus d’une centaine de civils, pour la plupart des Banyarwanda hutu, dans le village de Rubaya. Certaines des victimes ont été tuées par balle, d’autres à l’arme blanche et d’autres encore sont mortes brûlées vives dans leurs maisons. Un grand nombre de femmes et d’enfants figuraient au rang des victimes.
– Vers le 23 février 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué un nombre indéterminé de civils dans le village de Nambi. Les militaires sont arrivés dans le village pendant le marché aux bovins et ont accusé certains civils d’avoir volé des vaches. Ils ont ensuite enlevé entre 30 et 50 civils. Le soir, des coups de feu ont été entendus et le lendemain 15 corps, dont ceux de deux femmes, ont été trouvés sur la colline Kayonde. Les corps des autres victimes n’ont à ce jour jamais pu être recouvrés.
– En avril 1997, des éléments de l’AFDL/APR venus de Mushake, Kilolirwe et Ruvunda ont tué un nombre indéterminé de civils dans le village de Chandarama. Les victimes ont été tuées par balle ou à coups de houe. Selon une source, seuls les hommes auraient été massacrés. La population des villages dont les victimes étaient originaires a enterré les corps en divers lieux, situés pour la plupart à proximité de la rivière Kinyabibuga.
– Vers le 16 avril 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont massacré une centaine de civils à Mweso. Les victimes, pour la plupart des Banyarwanda hutu, étaient en route pour le marché de Kabizo lorsque les militaires, basés sur la colline Kilumbu, leur ont demandé de venir assister à une réunion publique. Certaines des victimes ont ensuite été tuées par balle et d’autres sont mortes brûlés vives dans une maison. Plusieurs corps ont été jetés dans la rivière Mweso. D’autres ont été inhumés dans une fosse commune derrière la paroisse de Mweso.
– Le 9 juillet 1997, des éléments des FAC/APR ont tué 17 civils et se sont livrés à des pillages dans le village de Ruzirantaka. Les militaires étaient venus pour piller la maison du Directeur de l’école mais au cours du pillage une dispute a éclaté et un militaire de l’AFDL/APR a été tué. Afin de couvrir ce décès vis-à-vis de leurs supérieurs hiérarchiques, les militaires ont décidé de créer un incident et ont tué 16 villageois.
– Le 12 juillet 1997, une coalition regroupant des Mayi-Mayi, des éléments armés hutu et des membres de groupes d’autodéfense villageois a tué entre 7 et 20 personnes, pour la plupart des Banyarwanda tutsi, dans le village de Ngungu. À la suite de ce massacre, des éléments des FAC/APR ont attaqué et détruit les villages de Katovu, Ufamando, Musongati, Kabingo, Rubaya, Kanyenzuki, Kibabi, et Ngungu. Le nombre exact de victimes reste indéterminé.
– Vers le mois d’août 1997, des éléments des FAC/APR ont brûlé vifs plusieurs centaines de civils, pour la plupart des Banyarwanda hutu, dans le village de Mushangwe. Après avoir ordonné à la population locale de se rassembler dans un bâtiment afin d’assister à une réunion, les militaires de l’AFDL/APR ont mis le feu à l’édifice.
279. Après l’arrivée au pouvoir à Kinshasa du Président Laurent-Désiré Kabila, l’alliance entre l’AFDL/APR et les Mayi-Mayi hunde a rapidement volé en éclats. Accusant le nouveau pouvoir de chercher à les marginaliser au sein de la nouvelle armée et refusant que les militaires de l’APR ne s’installent durablement dans les deux provinces des Kivu, plusieurs groupes Mayi-Mayi ont repris la lutte armée. Le 22 juillet 1997, de violents combats ont éclaté dans le village de Katale, à 12 kilomètres de Masisi où l’AFDL/APR avait un camp militaire. Le 29 juillet, les militaires des FAC/APR ont reçu des renforts en provenance de Goma et lancé une opération de ratissage dans les environs de Masisi. Au cours de cette opération, ils ont commis de nombreuses exactions à l’encontre de la population civile, en majorité Hunde qu’ils accusaient de soutenir les Mayi-Mayi. L’incident allégué suivant a été documenté :
– Le 29 juillet 1997, des éléments des FAC/APR en provenance du camp militaire de Katale ont tué une cinquantaine de civils, dont des femmes et des enfants dans les bananeraies et les champs entourant le village de Mutiri, situé à côté de celui de Masisi. Les victimes, qui avaient fui le village après l’arrivée des militaires, ont été rattrapées et ligotées avant d’être pour certaines fusillées et pour d’autres tuées à coups de marteau sur la tête. Des tueries ont aussi eu lieu dans les villages environnants, comme Kiterire. Les militaires se sont ensuite rendus jusqu’à Nyabiondo, à 19 kilomètres de Masisi. En chemin, ils ont tué plusieurs dizaines de civils et ont pillé et brûlé au moins une dizaine de villages, parmi lesquels Kanii, Masisi, Bulwa, Buabo, Bangabo, Kihuma, Luashi, Bukombo, Kamarambo et Kinyanguto.
Territoire de Nyiragongo (Petit-Nord)
280. Le territoire de Nyiragongo est le plus petit des territoires de la province du Nord-Kivu et est situé entre la ville de Goma et le volcan Nyiragongo. Un camp de réfugiés se trouvait dans ce territoire, sur la route entre Goma et Rutshuru. À compter de la mi octobre 1996, des militaires de l’AFDL/APR se sont installés dans la petite bande de terrain du parc national des Virunga située entre le village de Rugari, en territoire de Rutshuru, et celui de Kibumba, en territoire de Nyiragongo. Dans ce contexte, l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
– Aux alentours du 19 octobre 1996, des hommes non identifiés armés de fusils et de lance-roquettes ont tué au moins une centaine de personnes entre les villages de Rugari et Kibumba. Les victimes ont été tuées lors d’une série d’attaques menées contre des véhicules circulant sur l’axe Goma-Rutshuru.
– Le 12 avril 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué au moins 33 personnes au niveau des villages de Kanyati et Mudja. À leur arrivée à Kanyati, les militaires ont demandé à la population de les suivre pour les aider à trouver des Interahamwe. En cours de route, ils ont ordonné aux civils de se coucher par terre et ont ouvert le feu, tuant 23 personnes. Dans l’après midi, ils sont entrés à Mudja et ont ouvert le feu sur la population, tuant dix civils et en blessant quatre. Les militaires avaient accusé la population de Mudja de se livrer au troc de vivres et de charbon avec les Interahamwe opérant à proximité de Goma.
Territoires de Beni et Lubero (Grand-Nord)
281. En 1997 et 1998, les militaires de l’AFDL/APR, qui ont pris à partir de juin 1997 le nom de Forces Armées Congolaises (FAC) et ceux de l’APR ont commis des massacres dans les territoires de Lubero et Beni. Comme la population locale est composée à 95% de Nande et que peu de réfugiés ont tenté de fuir en passant par ces deux territoires, ces massacres ont répondu à une logique différente de celle observée dans les territoires de Masisi et Rutshuru. Les principaux massacres ont eu lieu en 1997 après la rupture de l’alliance entre les militaires de l’AFDL/APR et les nombreux groupes Mayi-Mayi locaux. Dénonçant l’ingérence constante du Rwanda dans la région et les méthodes brutales utilisées par les militaires de l’AFDL/APR à l’égard des réfugiés comme des populations locales, de nombreux groupes Mayi-Mayi ont pris leur distance puis sont entrés en conflit avec eux. En réaction, les militaires de l’AFDL/APR ont mené plusieurs attaques contre les populations soupçonnées de collaborer avec les groupes Mayi-Mayi.
Dans ce contexte l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants :
– Le 6 janvier 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué 184 personnes et incendié le village de Kyavinyonge, dans le territoire de Beni. Les militaires, venus de Butembo, étaient à la poursuite d’éléments Mayi-Mayi originaires de Kasindi qui avaient fait de Kyavinyonge l’un de leurs fiefs. Après avoir chassé les Mayi-Mayi de Kyavinyonge, les militaires ont demandé à certains civils de sortir de leurs maisons et les ont tués par balle. Ils ont également lancé des grenades sur les habitations, faisant de nombreuses victimes. Les corps des victimes ont été enterrés dans différentes fosses communes situées dans le village.
– Début janvier 1998, des militaires des FAC/APR ont tué un nombre indéterminé de personnes dans le village de Kyavinyonge. Les militaires étaient venus à Kyavinyonge afin d’en déloger les Mayi-Mayi. Au cours de l’opération, ils ont tué des civils et pillé des habitations.
– Le 20 février 1998, des militaires des FAC/APR ont tué et violé un nombre indéterminé de civils et pillé des habitations lors d’une opération de ratissage dans la ville de Butembo. Les victimes étaient accusées de collaborer avec les Mayi-Mayi Vurondo qui avaient attaqué le camp des FAC/APR situé sur la colline Kikyo, près du centre ville de Butembo.
– Du 14 au 17 avril 1998, des éléments des FAC/APR ont tué plusieurs centaines de civils, commis de nombreux viols et procédé à de nombreuses arrestations arbitraires dans les villages de la périphérie de Butembo. Certaines sources avancent le nombre de 300 victimes. Les FAC/APR avaient accusé les victimes de soutenir les Mayi-Mayi responsables de la récente attaque contre leur base militaire de Butembo. L’opération de ratissage a duré plusieurs jours. Certaines victimes ont été tuées par balles dans leurs maisons; d’autres ont été acheminées au camp militaire de Kikyo où elles ont été fusillées, écrasées par une jeep ou enterrées vivantes. Pendant ces opérations de ratissage, les militaires sont passés de maison à maison à la recherche des Mayi-Mayi. Ils ont violé des dizaines de femmes et de jeunes filles dans leurs maisons. À plusieurs reprises ils ont forcé les hommes à coucher avec leurs sœurs et/ou leurs filles.
– Entre 1996 et 1998, les Mayi-Mayi « kasindiens » ont procédé au recrutement forcé de nombreux mineurs et adultes dans le territoire de Lubero. Après la mort de leur commandant, une partie de ce groupe a pris le nom de Mayi-Mayi Vurondo. Certains mineurs, dont beaucoup n’avaient pas plus de 11 ans, ont été recrutés dans les écoles sur la base du volontariat contre la promesse, notamment, d’une somme d’argent. D’autres ont, en revanche, été enlevés et enrôlés de force. Une fois enrôlés, les mineurs étaient soumis à des cérémonies initiatiques secrètes. Ils étaient aussi tatoués de façon à pérenniser leur lien avec le groupe. Les mineurs vivaient dans d’abominables conditions et étaient soumis à un régime de terreur.
2. Sud Kivu
282. Au cours de leur conquête du Sud-Kivu, des «éléments armés banyamulenge/tuts », des forces de l’AFDL, de l’APR et des FAB ont commis de graves violations des droits de l’homme à l’encontre des civils zaïrois considérés comme hostiles aux communautés tutsi/banyamulenge locales ou proches de leurs ennemis (les FAZ, les ex-FAR/Interahamwe, les groupes armés hutu burundais, les «éléments armés bembe» et les groupes Mayi-Mayi en général). Dans ce contexte l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants:
– Le 12 septembre 1996, des «éléments armés banyamulenge/tutsi» ont tué neuf civils à Kanyura et Makutano dans le secteur Itombwe du territoire de Mwenga.
– Le 6 octobre 1996, des «éléments armés banyamulenge/tutsi» ont tué plus d’une cinquantaine de personnes dans le village de Kidoti, à 2 kilomètres de Lemera, dans le territoire d’Uvira. Les victimes étaient pour la plupart des civils. Certaines victimes ont été exécutées après avoir été contraintes de creuser des fosses communes dans lesquels leurs corps ont ensuite été jetés.
– Le 6 octobre 1996, dans le village de Lemera, à 80 kilomètres au nord-ouest d’Uvira, des «éléments armés banyamulenge/tutsi» ont tué 37 personnes dans un hôpital, parmi lesquelles deux membres du personnel médical, des civils et des militaires des FAZ en traitement à l’hôpital. Avant de quitter Lemera, les «éléments armés banyamulenge/tutsi» ont saccagé l’hôpital.
– Le 18 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué au moins 88 civils dans le village de Kiliba, à 13 kilomètres au nord de la ville d’Uvira. Avant de quitter Kiliba, les militaires ont également pillé le village. Sur les 88 victimes identifiées par la Croix-Rouge, 15 ont été enterrées à Uvira.
– Le 18 octobre 1996, dans le territoire d’Uvira, des éléments de l’AFDL/APR ont tué au moins 51 civils dans le village de Bwegera du groupement de Kakamba dans la plaine de la Ruzizi. La Croix-Rouge a enterré les corps dans des fosses communes.
– Le 25 octobre 1996, lors de la prise d’Uvira, des éléments de l’AFDL/APR/FAB ont tué sans discrimination plusieurs centaines de personnes, parmi lesquelles des réfugiés et des civils zaïrois accusés d’appartenir à des groupes Mayi-Mayi.
283. À partir d’Uvira, les militaires de l’AFDL/APR/FAB ont progressé à l’intérieur du territoire de Fizi. Dans ce contexte l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants:
– Fin octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué 27 civils, pour la plupart des femmes et des enfants, dans le village de Mboko, à 52 kilomètres au sud d’Uvira, dans le territoire de Fizi. Les victimes tentaient de traverser le lac Tanganyika sur des pirogues afin de rejoindre la Tanzanie. Certaines ont été tuées par balle, d’autres sont mortes noyées dans le lac.
– Le 28 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué 101 civils zaïrois dans le village d’Abala-Ngulube, au carrefour du Moyen et du Haut-plateau, près de Minembwe, dans le territoire de Fizi. Les victimes étaient des Bembe, membres de la troisième Église Malikia wa Ubembe. Certaines des victimes ont été brûlées vives dans l’église. Quelques jours avant l’attaque, des «éléments armés bembe» avaient tué deux militaires de l’AFDL/APR lors d’une embuscade aux alentours d’Abala-Ngulube.
– Au cours de la deuxième quinzaine d’octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué 130 civils dans la localité de Kaziba, à 53 kilomètres au sud-ouest de Bukavu, dans le territoire de Walungu. Le 16 octobre, ils ont tué 36 civils dans le centre commercial de Kaziba. Les corps des victimes ont été inhumés au centre ville de Kaziba dans une fosse commune. Un peu plus tard, les militaires ont tué de nombreux civils à coups de lance et de machette dans le quartier de Namushuaga/Lukube. Par la suite, ils ont tué au moins 11 civils dans le quartier de Cihumba où s’étaient réfugiés un grand nombre d’habitants. Les militaires ont aussi pillé l’hôpital, des magasins et de nombreuses habitations et ils ont saccagé la petite centrale hydroélectrique locale.
– Au cours des combats pour la prise de Bukavu, les 29 et 30 octobre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont tué plus de 450 civils. Le 29 octobre, ils ont tiré à l’arme lourde sur la ville, tuant sans discrimination civils et militaires. Après le départ des FAZ, ils ont ouvert le feu sur la population qui tentait de s’enfuir. Ils ont tué de nombreux civils à bout portant, dont l’archevêque de l’Église catholique, Mgr Munzihirwa, tué dans son véhicule avec son chauffeur et son garde du corps. À compter du 30 octobre, les militaires ont procédé à la fouille systématique des maisons, tuant et torturant sans discrimination des dizaines de personnes, civils comme militaires.
– Le 14 mars 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont tué neuf civils, dont un enfant, à coups de couteau et de machette dans la concession du projet VIPAM, située à Lwana, à 101 kilomètres au nord-ouest de Bukavu, dans le territoire de Kalehe. Les victimes étaient originaires des territoires de Shabunda et Kabare et travaillaient pour ledit projet. Elles étaient accusées d’avoir aidé les réfugiés hutus dans leur fuite.
– Le 26 mai 1997, à Uvira, des éléments de l’AFDL/APR ont tué 126 civils lors d’une manifestation organisée pour protester contre l’assassinat de huit personnes par des hommes armés soupçonnés d’appartenir aux nouvelles forces de sécurité du régime de l’AFDL.
– En juillet 1997, des militaires des FAC/APR ont massacré entre 500 et 800 personnes dans les villages de Kazumba, Talama, Mukungu et Kabanga situés à cheval entre les provinces du Katanga et du Sud-Kivu. Le massacre a été perpétré en représailles à l’attaque des éléments de la milice «Jeshi la Jua» («armée du Soleil») qui avait fait un mort du côté des FAC/APR.
– Dans la nuit du 22 au 23 décembre 1997, des militaires des FAC/APR ont tué 22 civils au niveau du centre commercial de Bulambika, situé à Bunyakiri, dans le territoire de Kalehe. Les victimes étaient accusées de soutenir les Mayi-Mayi qui avaient occupé jusque là le village.
3. Kinshasa
299. Au cours des jours suivant la prise de Kinshasa (17 mai 1997), les troupes de l’AFDL/APR et leurs alliés ont commis des exécutions sommaires, des actes de torture provoquant parfois la mort ainsi que des viols. Entre le 18 et le 22 mai 1997, à Kinshasa et dans ses environs, les équipes de volontaires de la Croix-Rouge nationale ont ramassé entre 228 et 318 corps.
Les militaires de la DSP ont été particulièrement visés, de même que les anciens dignitaires du régime de Mobutu. Des civils ordinaires ont aussi été victimes de graves violations. De nombreuses personnes ont notamment été arrêtées arbitrairement et détenues.
Dans ce contexte l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants:
– Entre mai et juin 1997, des éléments de l’AFDL/APR ont exécuté un nombre indéterminé de militaires des ex-FAZ et d’opposants politiques détenus dans le bâtiment GLM (Groupe Litho Moboti). Chaque nuit plusieurs personnes étaient sorties des cachots et emmenées au bord du fleuve où elles étaient exécutées et leurs corps jetés dans l’eau. Ces opérations ont cessé suite aux protestations des organisations de défense des droits de l’homme alertées par les pêcheurs locaux qui voyaient chaque jour remonter des cadavres à la surface du fleuve.
– Au cours de juin et juillet 1997, des éléments des FAC/APR ont détenu et torturé un nombre indéterminé de personnes dans les cachots des camps Kokolo et Tshatshi. De nombreux prisonniers sont morts du fait de mauvais traitements, de la malnutrition, de l’insalubrité et du manque d’accès aux soins médicaux.
– À compter de novembre 1997, 24 blessés de guerre au moins des ex-FAR ont officiellement été portés disparus, très probablement exécutés par des éléments des FAC/APR à une date inconnue.
– A partir de la prise de la capitale, des éléments des FAC/APR, en particulier de nombreux Kadogo ont instauré à Kinshasa des méthodes de sanction s’apparentant à des traitements cruels, inhumains et dégradants, notamment des flagellations en public et le supplice de la chicotte. De nombreux civils sont décédés à la suite des hémorragies internes provoquées par des coups de fouet reçus sur l’abdomen.
300. À compter de juin 1997, la haute hiérarchie militaire du nouveau régime a envoyé les militaires des ex-FAZ sur la base militaire de Kitona, au Bas-Congo, afin qu’ils suivent des cours «d’idéologie et de rééducation». Dès le départ des ex-FAZ pour Kitona, les militaires des FAC/APR ont investi les camps où les militaires de l’ancien régime étaient logés.
Dans ce contexte l’Équipe Mapping a documenté les incidents allégués suivants:
– Dans les camps militaires CETA [Centre d’entraînement des forces aéroportées] et Tshatshi, des éléments des FAC/APR ont violé un grand nombre d‘épouses et des filles (parfois mineures) de militaires ex-FAZ partis à Kitona. Ils ont forcé certaines victimes à vivre avec eux en concubinage et à effectuer pour eux des tâches domestiques.
– Au camp Kokolo, des éléments des FAC/APR ont violé un grand nombre d’épouses et de filles de militaires ex-FAZ partis à Kitona ainsi que des femmes arrêtées au hasard dans la ville. De nombreux viols collectifs ont eu lieu dans la partie du camp appelée « camp américain ». Une jeune fille a été violée par plusieurs soldats puis torturée, les militaires faisant couler de la cire brûlante sur ses parties génitales et sur son corps.
– A Kinshasa les militaires de l’AFDL/APR ont aussi violé et battu un grand nombre de femmes, dont de nombreuses prostituées.
302. À la suite de la décision prise par le Président Kabila d’interdire l’activité des partis politiques, les forces de sécurité du nouveau régime ont pris pour cible les dirigeants et militants des principaux partis d’opposition (Palu, Udps, …). Lors de la répression, les femmes se trouvant dans l’entourage immédiat des opposants arrêtés ont fréquemment été victimes de viols.